REPORTAGE
Mélenchon : la loi El Khomri «nous renvoie au siècle dernier»
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Jean-Luc Mélenchon avec les salariés de l'entreprise Vallourec à Saint-Saulve, le 25 février.
Photo Aimée Thirion pour Libération
Sorties de gauche dans le Nord ce jeudi : d'un côté, Jean-Luc Mélenchon était avec des salariés en grève près de Valenciennes. De l'autre, les initiateurs de la primaire organisaient un débat en présence de Martine Aubry à Lille.
Une fumée noire s’envole dans le ciel de Saint-Saulve, petite commune près de Valenciennes. Les salariés en grève de Vallourec sont réunis près de l’usine. Le froid frappe le bout des doigts. Les salariés jettent dans les flammes des pneus et du bois sous le regard de la police. Le groupe français Vallourec, qui fabrique des tubes sans soudure pour l’industrie pétrolière, a annoncé un nouveau plan de restructuration, prévoyant la suppression de 565 postes en France et deux fermetures de sites, dont celui de Saint-Saulve qui emploie 300 personnes.
Les grévistes discutent, se charrient et attendent Jean-Luc Mélenchon. Le candidat à la présidentielle arrive à 16h20. Les salariés l’entourent. Des questions, des regards: un appel à l’aide. Jean-Luc Mélenchon prévient à voix basse: «Je ne suis pas venu pour vous dire ce qu’il faut faire: ce n’est pas moi qui prends des risques, c’est vous. Mais si vous avez besoin de moi, je répondrais présent.»
«On n’est pas en colère pour le plaisir d’être en colère»
Les grévistes prennent la parole. Parmi eux, un jeune homme, les mains abîmées par l’usine et la voix éraillée par la colère. «On veut se battre. Aujourd’hui l’état donne de l’argent aux entreprises et ils investissent à l’étranger, ce n’est pas normal. On veut travailler, faire une carrière, et comme nos pères avant nous, on veut transmettre notre savoir à nos enfants», dit-il le regard fixe. Jean-Luc Mélenchon écoute, sans un mot. Puis, il prend le micro. Il aborde la loi El Khomri«qui nous renvoie au siècle dernier». Les grévistes acquiescent. Le fondateur du Parti de gauche monte dans les tours et ajoute : «On doit se battre, ne pas avoir la trouille, on n’est pas en colère pour le plaisir d’être en colère. Pour le moment, je n’ai pas le pouvoir de changer les choses mais je suis avec vous par fraternité.» Applaudissements.
L’heure tourne. Le candidat à la présidentielle, qui a dit non à la primaire, évoque à demi-mot la sortie de Martine Aubry. Son équipe lui tire la manche : il doit se rendre à Lille pour rencontrer des étudiants. Il regarde ailleurs et discute avec les salariés : ils racontent leur parcours de vie. Un membre de l’équipe de Mélenchon filme la scène qui est diffusée en direct sur la Toile. Une campagne 2.0. Après les mots, le candidat grimpe dans une voiture et laisse sur son chemin une promesse : revenir dans les parages et suivre le dossier. La nuit tombe dans le Nord et Jean-Luc Mélenchon arrive à l’université de Lille. Il prend la parole devant des centaines d’étudiants.
«Si Hollande est candidat et qu’il est prêt à venir dans cette primaire, c’est formidable»
Pendant ce temps, à quelques centaines de mètres de là, des âmes se bousculent à la Halle aux sucres, dans le vieux-Lille, pour participer au débat sur la primaire à gauche. Les retardataires restent debout. Les initiateurs (Yannick Jadot, Julia Cagé, Marie Desplechin et Thomas Piketty) ouvrent le bal et vantent le processus. Ils espèrent arriver au bout de leur démarche malgré les désaccords entre les partis.
Au fil des minutes et des interventions de citoyens, c’est la même chute. Ici, comme chez les grévistes de Vallourec, François Hollande mène une politique de «droite». Les déçus sont nombreux. Certains mettent l’ambiance sans le vouloir. Un militant du Parti de gauche accuse les socialistes et communistes d’avoir «trahi» Jean-Luc Mélenchon. Un jeune homme à casquette interroge Yannick Jadot :«Franchement, vous avez l’air intelligent mais je n’arrive à comprendre pourquoi vous restez chez les Verts.» La salle se gondole. En fin de soirée, Martine Aubry arrive discrètement. La maire de Lille s’installe au premier rang. Elle lâche : «Aujourd’hui, je vois que ça bouge. Si François Hollande est candidat et qu’il est prêt à venir dans cette primaire, c’est formidable. Maintenant, il faut convaincre tous les camarades de gauche d’aller à cette primaire et d’accepter que les citoyens décident.» Un deuxième caillou en quarante-huit heures dans la chaussure de François Hollande.
Martine Aubry, jeudi soir à Lille. (Photo Aimée Thirion pour Libération)
La journée touche à sa fin. La Halle aux sucres se vide et les initiateurs de la primaire foncent à la gare : direction Paris. Dans le train, ils reviennent sur les propos de Martine Aubry. Une victoire pour «la crédibilité» de la primaire. Il est 23h30. Le train se pose à la gare du Nord. Les âmes se dispatchent, d’autres se retrouvent par hasard : Jean-Luc Mélenchon était dans le même train. Dans un petit coin de la gare, il bavarde, tranquillement, avec Julia Cagé et Thomas Piketty. Ils proposent de se revoir dans les prochains jours et échangent leurs coordonnées : tous les chemins mènent à l’Elysée.
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