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mardi 27 octobre 2015

Les Crises.fr : [Réparations 2] L’occupation de la Ruhr

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27
Oct
2015

[Réparations 2] L’occupation de la Ruhr


Suite du billet sur Le traité de Versailles

L’occupation de la Ruhr

Le Royaume-uni déclara alors que cette occupation était illégale et immorale. En effet, si, initialement, les gouvernements britanniques soutinrent des demandes élevées de dédommagement (le Royaume-Uni se trouvant davantage endetté que la France), John Maynard KeynesLloyd George et Balfour plaideront ensuite pour une annulation “multilatérale” de toutes les dettes publiques liées au conflit et à la reconstruction. Ceux-ci espéraient que le Royaume-Uni – comme la plupart des autres pays européens – puisse sortir de cette annulation comme profiteur net, pour autant que le Trésor public américain renonce également à ses propres créances. Mais en 1923, les Britanniques accepteront de rembourser partiellement leur dette envers les États-Unis, s’élevant à 4,6 milliards de dollars.
Cependant, le premier ministre français Raymond Poincaré était extrêmement réticent à ordonner l’occupation, et n’avait pris cette mesure qu’après que les Britanniques eurent rejeté ses propositions de sanctions plus modérées contre l’Allemagne. Les socialistes tentent de démontrer les dangers d’une occupation. Clémenceau s’y opposait et le Maréchal Foch parlait d’un “terrible nid de guêpes” où la France avait mis la main. Poincaré était sous pression, car la France avait besoin de l’argent allemand pour rembourser sa dette envers les États-Unis et l’Angleterre. La France et la Belgique tentèrent donc de faire respecter par la force les obligations financières qui étaient imparties aux vaincus par le traité de Versailles avant de commencer leurs propres remboursements.
Rappelons enfin que, selon le traité de Versailles, l’Allemagne devait payer aux alliés 20 milliards de marks-or (MdMo) avant mai 1921 puis 5 milliards d’ici le 31 décembre 1922, soit 25 MdMo. Elle n’en a versé en fait que 7,5 puis 2,9 MdMo, soit 10,4 MdMo, somme sur laquelle la France n’a touché que 2 MdMo environ en raison de la priorité de remboursement belge.
Le 11 janvier 1923, 47 000 hommes dans cinq divisions, trois françaises et deux belges, traversent la zone démilitarisée et occupent la Ruhr (Ruhrbesetzung), base de la puissance industrielle allemande. Une vague d’indignation secoue alors toutes les couches de la population dans le Reich vaincu. Le chancelier allemand Wilhelm Cuno proteste et appelle ses concitoyens à la « résistance passive» (passiver Widerstand) face à l’occupation. Mais les Français ripostent en faisant tirer sur des grévistes et en instaurant une barrière douanière entre la Ruhr et le reste de l’Allemagne.
Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung
Occupation de la Ruhr par la France en 1923 Ruhrbesetzung
Par l’appel à la résistance passive, toute la vie économique de la région occupée fut paralysée. Les hauts fourneaux furent éteints et les mines fermées. Les cheminots se mirent en grève et les fonctionnaires allemands s’en tinrent à la convention prise, d’éviter tous contacts avec les autorités occupantes. Pour transporter les minerais et le charbon de la Ruhr vers la France, des milliers de techniciens et de cheminots furent mobilisés pour travailler dans la région occupée. Mais dès que les transports se remirent à rouler, des vétérans allemands, dont d’anciens combattants des corps francs comme Heinz Oskar Hauenstein et Albert Leo Schlageter, passèrent à la résistance active et organisèrent des actions de sabotage. Ils firent sauter des ponts, des lignes de chemin de fer et des canaux pour empêcher le transport vers l’étranger des biens économiques allemands. Le 12 mars, les deux premiers Français sont assassinés.
Les autorités occupantes réagirent avec dureté. La région occupée fut complètement verrouillée et la police allemande désarmée. Krupp et d’autres industriels furent condamnés à quinze ans de prison. Partout des confrontations sanglantes eurent lieu. Le 31 mars, la direction des usines Krupp, d’Essen, a excité les ouvriers contre un détachement français qui opérait des réquisitions ; celui-ci tire pour se défendre : on relève 13 tués et 30 blessés. L’incident fut exploité par la propagande allemande. D’innombrables citoyens furent arrêtés ou expulsés. Lorsque les Français arrêtèrent Schlageter suite à une trahison, alors qu’il venait de faire sauter un pont près de Calkum, tous les recours en grâce furent inutiles, les Français voulant faire un exemple. L’officier de la Grande Guerre, âgé de 28 ans, fut fusillé le 26 mai.
A Francfort, les manifestations d’hostilité de la foule envers les soldats coloniaux honnis s’achèvent par un drame le 7 avril : des tirailleurs malmenés font usage de leurs armes pour se dégager et abandonnent morts et blessés sur la chaussée. Pour les Allemands, qui parlent de dix morts et de trente blessés, les Marocains ont tiré sans motif sur des civils désarmés, mais pour les Français, les tirailleurs sont tombés dans un vrai guet-apens ”provoqué sur ordre de Berlin”. Le général Mordacq justifie la tuerie sans états d’âme :  ”Cette leçon calma complètement la population qui, jusqu’à la fin de l’occupation, ne récidiva plus. En présence de la force, les Allemands s’inclinent toujours.” L’émoi est considérable pourtant, autant en Allemagne qu’à l’étranger, et l’implication de soldats indigènes ne fait qu’augmenter l’indignation. En France même, les journaux socialistes, hostiles à la politique militariste et à la paix de Versailles, se déchaînent. L’Humanité ironise : “Ainsi qu’il fallait s’y attendre, le sang a coulé, avant-hier, dans les rues de Francfort, où les vaillantes troupes marocaines, auxquelles est confiée là-bas la cause de la civilisation et du droit, [...] ont gagné sans péril un supplément de gloire.”
La résistance se poursuivit néanmoins sans discontinuer. Ainsi, le 10 juin à Dortmund, deux officiers français furent abattus en pleine rue. La réaction des Français coûta la vie à sept civils.
inflation allemagne 1923
Exécution de Heinz Oskar Hauenstein
Les tentatives françaises de détacher des régions rhénanes du Reich avec l’aide de mouvements séparatistes ne connurent aucun succès. Des attentats perpétrés contre des chefs séparatistes et la résistance de toute la population ruinèrent ces tentatives. Le 26 septembre, le nouveau chancelier déclare que la résistance passive doit se terminer. À ce moment-là, 132 Allemands avaient été tués; onze d’entre eux avaient été condamnés à mort mais un seul avait été exécuté. 150 000 personnes avaient été expulsées de la région; d’innombrables autres avaient écopé d’amendes ou avaient subi des peines de prison.
Galerie photos, en vrac…

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