François Hollande, un "président normal" rattrapé par sa vie privée
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François Hollande, un "président normal" rattrapé par sa vie privée | AFP
POLITIQUE - Un symbole qui ne tient plus. Face à un Nicolas Sarkozy accusé d'avoir exposé sa vie privée et accéléré la "peoplisation" de la vie politique durant sa présidence, le candidat François Hollande avait vanté pendant sa campagne de 2012 la figure de "président normal" qu'il souhaitait incarner, loin de l'image "bling bling" et peu discrète accolée à son rival.
"La vie privée des candidats à l'élection présidentielle n'a pas à "s'exhiber", lançait alors François Hollande. "J’essaierai de faire la distinction entre vie publique et vie privée", insistait-il encore entre les deux tours de la dernière présidentielle.
Une ligne de conduite qu'il s'est efforcé de tenir mais qui a été remise en cause dès le début de son mandat avec l'affaire du "tweetgate". Avant d'être radicalement battue en brèche lors de cette année 2014 dévastatrice pour son image, année sur laquelle François Hollande va tirer un trait ce soir, à l'occasion de ses voeux aux Français pour l'année 2015.
L'affaire Gayet et ses suites
Une année marquée par l'affaire Julie Gayet, révélée par le magazine Closer, et par la rupture retentissante qui a suivi entre le président et sa compagne Valérie Trierweiler. Cette affaire conjugale a rapidement pris une tournure politique qui a poursuivi le président, d'autant que le témoignage vengeur de Valérie Trierweiler, "Merci pour ce moment", est devenu un énorme best-seller.
Le 10 janvier 2014, Closer confirme des rumeurs persistantes et fait état d'une liaison entre le président et l'actrice Julie Gayet dans un dossier de 7 pages accompagné de photos. "Autour du jour de l'an, le chef de l'Etat, casque sur la tête, rejoint à scooter la comédienne dans son pied-à-terre où le président a pris l'habitude de passer la nuit", écrit le magazine people.
François Hollande réagit en "déplorant profondément les atteintes au respect de la vie privée auquel il a droit comme tout citoyen" mais ne dément pas, à l'image de Julie Gayet. Deux jours plus tard, Valérie Trierweiler est hospitalisée à Paris après un "choc émotionnel", un épisode qu'elle détaillera plus tard en précisant qu'elle a "craqué" et pris des somnifères après avoir appris la nouvelle, avant de perdre connaissance.
De nombreuses personnalités s'indignent d'un mélange des genres et évoquent le respect de la vie privée mais d'autres surfent sur l'occasion pour ironiser sur la liaison du chef de l'Etat, à l'image du député UMP Daniel Fasquelle, "quand même surpris que, alors que la France va très mal, le président trouve le temps de badiner".
Autre député UMP à s'exprimer, Georges Fenech demande même la démission du président et dénonce une "atteinte intolérable à l'image de la France". Quelques jours plus tard, François Hollande tient sa troisième grande conférence de presse, forcément éclipsée par ce tumulte médiatico-politique.
Une rupture omniprésente
Moins de deux semaines plus tard, le 25 janvier, François Hollande annonce sa rupture avec Valérie Trierweiler. "Je fais savoir que j'ai mis fin à la vie commune que je partageais avec Valérie Trierweiler", indique-t-il par téléphone à l'AFP, une annonce jugée unilatérale et critiquée sur la forme.
Marine Le Pen dénonce ainsi une forme de "répudiation" et la "brutalité" de cette annonce, tandis que le co-président du groupe EELV à l'Assemblée, François de Rugy, estime que "Valérie Trierweiler n'avait sans doute pas mérité cela". L'ex-première dame reçoit en revanche de nombreux témoignages de soutien, notamment après un tweet très commenté où elle officialise son départ de l'Elysée:
L'affaire ne s'arrêtera pas là, car Valérie Trierweiler décide de revenir sur son passage à l'Elysée dans "Merci pour ce moment", un livre qui ne va pas arranger les choses. Dans ce témoignage dont l'Elysée n'avait pas connaissance avant que Paris Matchn'en publie de premiers extraits le 3 septembre, la journaliste règle ses comptes. Symbole de cette confusion entre vie privée et politique, elle revient sur l'affaire Gayet mais dresse aussi un portrait au vitriol du président.
Le choc "Merci pour ce moment"
Incontestablement, la phrase la plus embarrassante, pour le chef de l'Etat, est extraite d'un repas familial durant lequel il aurait raillé les origines modestes de la famille de Valérie Trierweiler. "Il s'est présenté comme l'homme qui n'aime pas les riches. En réalité, le président n'aime pas les pauvres. Lui, l'homme de gauche, dit en privé : ‘les sans-dents' très fier de son trait d'humour", écrit l'ancienne première dame en référence à des propos tenus par François Hollande en 2006 et, sans doute, à sa phrase sur la finance lors de sa campagne de 2012.
François Hollande ne dément pas, même s'il nie avoir utilisé l'expression dans un but méprisant. Dénonçant un "mensonge qui (le) blesse", il assure avoir toujours été "au service des plus pauvres". "Cette attaque contre les pauvres, je l'ai vécue comme un coup porté à ma vie tout entière", explique-t-il au Nouvel Observateur. Après cette rentrée meurtrière, la popularité du président rechute tandis que Valérie Trierweiler est globalement soutenue (même si la tendance s'est inversée depuis).
Et l'opposition ne se prive pas, au risque de surinterpréter le livre. Marine Le Pen évoque un "concours d'indécence" et un "déshonneur pour la France". "Au-delà de la vie privée, c’est le tempérament d’un homme qui est décrit et ce cynisme et cette indifférence, à l’évidence, sont préoccupants", lance de son côté Brice Hortefeux. Si Stéphane Le Foll ou Claude Bartolone affirment qu'ils ne liront pas ce livre et invoquent la vie privée, Anne Hidalgo estime elle que "cela affaiblit la politique et la démocratie".
Pour ne rien arranger, "Merci pour ce moment" (qui a bénéficié d'un énorme tirage) va s'imposer comme le plus gros best-seller de l'année, à tel point qu'il se retrouve déjà en rupture de stock au lendemain de sa sortie. Au 9 décembre, le livre a été tiré à plus de 730.000 exemplaires et devrait rapporter à Valérie Trierweiler pour les seules ventes françaises entre 1,3 et 1,7 million d'euros avant impôts.
Vœu pieux
Et si la journaliste se fait discrète en France, après la parution de son livre, son retour médiatique mi-novembre l'est beaucoup moins. Pour promouvoir la traduction anglaise "Thank you for this moment", Valérie Trierweiler a ainsi enregistré en novembre une interview dans les studios parisiens de la BBC.
L'ex-première dame a aussi été l'invitée de "The Andrew Marr Show", toujours sur la BBC, et a fait la Une du prestigieux quotidien Times, auquel elle a donné une longue interview. Traduit en douze langues dont le russe, le chinois et l'albanais, "Merci pour ce moment" est sur le point d'être en rupture de stock outre-Manche. Une surexposition qui passe mal.
Lors de l'émission "En direct avec les Français" diffusée sur TF1 le 6 novembre à l'occasion de sa mi-mandat, François Hollande a l'occasion de répondre aux critiques. Il se défend d'avoir porté atteinte à la dimension symbolique de la fonction présidentielle, appelant encore au respect de sa "vie privée". Interrogé sur sa "part de responsabilité" dans le caractère "impudique" de son quinquennat, il juge que la responsabilité est "collective". "Je ne veux pas me défausser, mais il y a un moment aussi où il faut respecter la vie privée, l'intimité".
Un vœu pieux? Le 21 novembre Voici publie des clichés volés montrant le président avec Julie Gayet dans l'enceinte même de l’Élysée. De quoi susciter des interrogations sur la sécurité présidentielle mais aussi poser la question d'une "mise en scène"comme le fait l'ex-ministre UDI Chantal Jouanno. Cinq membres du "service privé" du président ont été mutés à la suite de la publication de ces photos.
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