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mardi 29 janvier 2019

Les Crises.fr - La crédibilité de Clapper s’effondre. Par Ray McGovern - le 20.12.2018

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20.décembre.2018 // Les Crises


La crédibilité de Clapper s’effondre. Par Ray McGovern


Source : Ray McGovern, Consortium News, 14-11-2018
Le 14 novembre 2018
James Clapper, l’ancien Directeur du Renseignement National, a vu ses propres paroles être relues par Ray McGovern, paroles dans lesquelles il dévoile son rôle dans la justification de l’invasion de l’Irak sur la base de renseignements frauduleux.
Clapper reconnaît l’échec flagrant des services de renseignement au sujet des armes de destruction massive en Irak, mais échappe toujours à la justice
Par Ray McGovern
L’ancien Directeur du Renseignement National, James Clapper, a joué un rôle clé en aidant l’administration Cheney/Bush à « justifier » la guerre contre l’Irak, en fournissant des renseignements frauduleux, rôle qui a été révélé mardi à la Fondation Carnegie [think tank œuvrant à la promotion des intérêts des États-Unis sur la scène internationale, NdT] de Washington. Ses propres termes, issus de son essai « Facts and Fears : Hard Truths From a Life in Intelligence » [Des faits et des peurs : la dure vérité d’une vie dans le renseignement, NdT], lui ont été rappelés. De dures vérités, en effet.
M. Clapper a été nommé Directeur du renseignement national par le président Barack Obama en juin 2010, vraisemblablement à la demande de son homme de confiance en matière de renseignement, John Brennan, un ami de Clapper qui a ensuite occupé le poste de directeur de la CIA. Malgré la prestation de Clapper en Irak, il a été reconduit à l’unanimité par le Sénat. M. Obama a même permis à M. Clapper de garder son poste pendant trois ans et demi après qu’il eut admis avoir menti sous serment à ce même Sénat au sujet de l’ampleur des écoutes clandestines de citoyens américains par la National Security Agency (NSA). Il est actuellement analyste en matière de sécurité pour la chaîne CNN.
Dans son livre, Clapper rejette la responsabilité de cette fraude majeure (qu’il nomme « échec ») – la découverte d’armes de destructions massives (là où il n’y en avait pas) – « sur ceux qui l’ont commise ; pour parler clair, sur les gouvernants qui racontaient une histoire de programme secret d’armes de destruction massive (ADM) en Irak et sur les officiers du renseignement, dont moi-même, qui voulaient tellement aider qu’ils ont fini par trouver quelque chose qui n’existait pas ». (pas en gras dans l’original).
Clapper : Après l’échec au sujet des armes de destruction massive, il a été promu par Obama. (White House Photo by Pete Souza)
Donc, lors de la rencontre de mardi, je me suis levé et je lui ai posé des questions à ce sujet. C’était facile, étant donné les éléments que Clapper lui-même fournit dans son livre, comme par exemple :
« La Maison-Blanche cherchait à légitimer la nécessité d’envahir l’Irak et de renverser le régime par un discours dénonçant la prolifération des armes de destruction massive [et] un soutien à Al-Qaida (dont la communauté du renseignement ne possédait aucune preuve). »
Ce qui fait tousser Clapper – et qu’il évite de dire – c’est que les services de renseignement américains n’avaient aucune preuve de l’existence d’ADM non plus. En effet, le ministre de la Défense, Donald Rumsfeld, lui avait confié la direction de l’agence chargée d’analyser toutes sortes d’images – photographiques, radar, infrarouges et multispectrales – afin précisément de dissimuler l’absence de preuves issues de nos satellites espions à plusieurs milliards de dollars, et donc de ne pas entraver l’attaque prévue contre l’Irak. C’est pourquoi, comme l’admet désormais Clapper, il lui fallait trouver « ce qui n’était pas vraiment là ».
Des membres du Veteran Intelligence Professionals for Sanity [VIPS, un groupe d’anciens officiers du renseignement américain initialement créé pour dénoncer la manipulation, par l’administration Bush, des données fournies par les services de renseignement pour justifier l’invasion de l’Irak, NdT] qui avaient employé Clapper comme sous-traitant, ou qui avaient pris connaissance de ses travaux autrement, ont mis en garde sur le fait qu’il n’était pas le cerveau de l’affaire. Donc, pour être honnête, il est bien possible que Rumsfeld l’ait persuadé de se conformer à son propre dicton : « L’absence de preuve n’est pas une preuve d’absence ».
Mais les conséquences sont les mêmes : une guerre d’agression qui a fait des millions de morts et de blessés ; un pagaille durable dans la région ; et personne – à quelque niveau que ce soit – de tenu responsable. Pour couronner le tout, ajoutez que Joe Biden [ancien vice-Président des États-Unis, NdT] a remis la « Médaille de la liberté » à George W. Bush le jour du Souvenir des anciens combattants.
‘Stupéfaits’
Clapper écrit :
« … nous avons appris que le vice-président Cheney faisait pression sur le Pentagone pour obtenir des renseignements sur les armes de destruction massive irakiennes, puis l’ordre a été donné à la National Imagery and Mapping Agency [NIMA, l’Agence nationale pour la cartographie et le traitement de l’image, NdT] de trouver (en italiques dans l’original) où étaient ces armes. Nous nous sommes mis au travail, analysant l’imagerie pour finalement identifier, avec plus ou moins de confiance, plus de 950 sites où nous avons estimé qu’il pourrait y avoir des ADM ou un lien avec les ADM. Nous avons fait appel à toutes les compétences de la NIMA … et nous avons eu tout faux. »
« Pour appuyer le discours [du secrétaire d’État Colin Powell du 5 février 2003], la NIMA, dirigée par Clapper, avait fait des démarches, difficiles, pour déclassifier les images satellites montrant des camions arrivant sur les sites où étaient les ADM juste avant les inspecteurs en désarmement pour déplacer les équipements avant que ceux-ci soient découverts. Mon équipe avait aussi créé par ordinateur des images de camions aménagés comme des “installations mobiles de production d’agents biologiques”. Ce sont ces images, peut-être plus que tous les autres éléments qu’il a présentés, qui ont marqué les esprits ce jour-là, tant pour la communauté internationale que pour les Américains. »
« [Pour] l’invasion de l’Irak le 20 mars, six semaines après le discours de Powell, la NIMA […] a préparé une liste prioritaire de nos sites suspects [de renfermer des ADM], avec leurs emplacements précis. […] Utilisant cette information, ils [l’Iraq Survey Group, la mission d’enquête envoyée par la force multinationale en Irak après l’invasion de l’Irak en 2003 pour trouver les armes de destruction massive et composée de quatorze cents membres] se sont rendus d’un site à l’autre, mais n’ont pratiquement rien trouvé. Nous avons été stupéfaits. … Les camions que nous avions identifiés comme “installations mobiles de production d’agents biologiques” servaient en fait à pasteuriser et transporter du lait. »
McGovern interroge Clapper à la Fondation Carnegie, mardi à Washington. (Alli McCracken)
Quant à ces camions facétieux prétendument utilisés « pour déplacer des équipements avant qu’ils ne soient trouvés », comme l’a souligné Scott Ritter, l’ancien inspecteur en chef des Nations Unies pour l’Irak, ils étaient sans conteste des camions de décontamination. Des inspecteurs de l’ONU ont visité le site en question. Il s’agissait d’un bunker à munitions, et le véhicule de décontamination était un camion avec une citerne à eau, utilisé pour arroser le sol et faire retomber la poussière, en raison de la présence dans le bunker de fusibles sensibles. Ces faits étaient connus, mais Clapper a choisi de les ignorer.
Il n’a pas non plus baissé les bras facilement, attendant d’être contraint à avouer, comme il l’écrit, que « c’était tout faux ». Fin octobre 2003, M. Clapper a informé les médias de Washington de ses dernières suppositions sur ce qui s’était réellement passé avec les supposées ADM. Bill Getz, du Washington Times, a écrit un long article truffé de citations détaillées de Clapper, à commencer par : « Des officiers irakiens ont détruit ou caché des armes chimiques, biologiques et nucléaires dans les semaines qui ont précédé la guerre, a déclaré hier le plus éminent dirigeant du programme de satellites espions du pays. Le lieutenant-général à la retraite James Clapper, chef de la National Imagery and Mapping Agency, a déclaré que le trafic de véhicules photographiés par des satellites espions américains indiquait que du matériel et des documents liés aux programmes d’armement avaient été envoyés en Syrie. »
Dans son livre, Clapper se réfère à cet exposé et avoue avoir concédé « que nous avions fait des suppositions que nous n’aurions pas dû… » et admis que « j’étais toujours perplexe de n’avoir découvert aucun site équipé d’ADM. J’ai mentionné que dans les jours qui ont précédé le début de l’invasion, nous avions vu beaucoup de voitures et de camions fuir le pays vers la Syrie. … J’aurais probablement dû préciser à quel point il était spéculatif d’en déduire que des armes de destruction massive avaient été transportées vers la Syrie ». Eh bien, oui, cela aurait évité d’autres tracas.
Pendant ces questions – réponses, j’ai été eu très envie de citer Hans Blix, alors à la tête de la « Commission de contrôle, de vérification et d’inspection des Nations Unies », qui, le 23 juin 2003, s’est moqué du Council on Foreign Relations [Conseil des relations extérieures, think tank états-unien, qui analyse la politique étrangère des USA et la géopolitique, NdT] : « C’est curieux qu’on puisse être 100% certains de l’existence des ADM, sans cependant avoir la moindre certitude sur leur localisation ». Mais cela aurait provoqué des hurlements de la part du public docile de la Fondation Carnegie et n’aurait pas été un bon point pour moi.
Au lieu de quoi, j’ai lancé à Clapper que son insulte la plus grave à la profession d’analyste du renseignement était son empressement immodéré à satisfaire tous ses supérieurs et à leur fournir les informations dont ils avaient besoin pour « justifier » quelque chose comme la guerre.
J’ai observé qu’il y a exactement deux ans, les Obama et les Clinton s’acharnaient à imputer la victoire de Trump à une ingérence russe. J’ai donc demandé si c’était du comique de répétition. Clapper avait-il craqué et, de nouveau, « trouvé ce qui n’était vraiment pas là ? » J’ai souligné qu’il s’agissait là de la conclusion de VIPS, notamment de deux anciens directeurs techniques de la NSA.
Des « Armes de destruction massive » à « l’ingérence russe »
J’ai noté qu’après que Clapper eut informé le président Obama, le 5 janvier 2017, de « l’évaluation de la communauté du renseignement » – qui manquait singulièrement de preuves – selon laquelle le président russe Poutine avait personnellement commandité ce « piratage russe », Obama ne semblait pas convaincu. J’ai demandé à Clapper pourquoi le Président avait déclaré, lors d’une conférence de presse le 18 janvier 2017, que les conclusions de la communauté du renseignement sur la manière dont le « piratage russe » des courriels du Comité national démocratique avaient été transmis à WikiLeaks étaient « non probantes ». Clapper a répondu qu’il ne pouvait pas expliquer pourquoi le Président avait dit cela.
Conseil de voyage pour Clapper : ne partez pas à l’étranger dans un pays qui a l’audace d’invoquer le principe de compétence universelle qui inclut le devoir d’arrêter les personnes soupçonnées de crimes de guerre lorsque leur pays d’origine ne le fait pas. Votre mentor Donald Rumsfeld a eu un contact étroit avec cette forme internationale de justice en octobre 2007, lorsqu’il a brusquement fui Paris en apprenant que le Procureur de Paris avait reçu une plainte formelle contre lui pour avoir autorisé la torture. La plainte indiquait que les autorités américaines et irakiennes n’avaient lancé aucune enquête indépendante sur la responsabilité de M. Rumsfeld et que les États-Unis avaient refusé d’adhérer à la Cour pénale internationale, autorité d’ordinaire compétente dans de tels cas.
L’ancien président George W. Bush, lui aussi, a senti le vent du boulet en février 2011. Lorsque Bush a appris que des plaintes criminelles avaient été déposées à son encontre en Suisse, il a décidé de ne prendre aucun risque et a brusquement renoncé à son projet, prévu de longue date, de faire un discours à Genève lors d’un dîner de bienfaisance de la communauté juive. Ainsi, Rumsfeld et Bush ont évité l’humiliation dont a été victime le général Augusto Pinochet, qui avait dirigé la dictature militaire chilienne de 1973 à 1990. Lors d’un voyage au Royaume-Uni en 1998, Pinochet a été arrêté sur mandat de la justice espagnole et assigné à résidence jusqu’en 2000.
Ray McGovern travaille pour « Tell the Word », une maison d’édition de l’Église œcuménique du Sauveur dans le centre-ville de Washington. Parmi ses fonctions d’analyste de la CIA, il dirigeait la publication des National Intelligence Estimates [des documents émis par le gouvernement des États-Unis. Il s’agit d’évaluations officielles du Directeur du renseignement national sur des thématiques de renseignement liées à un sujet particulier relevant de la sécurité nationale, source Wikipedia] et préparait/renseignait un mémoire quotidien à l’attention du président. Il est membre de Veteran Intelligence Professionals for Sanity (VIPS).
Source : Ray McGovern, Consortium News, 14-11-2018
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s'arrête aux propos que nous reportons ici. [Lire plus]
Marie // 20.12.2018 à 09h37
” Le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté” chantait Guy Béart…Mais impossible de trancher : “message ironique mal dosé” écrit Papagateau@? Pas convaincue..Il y en a qui gobent encore toute les infos de non-investigation concernant la Syrie, par exemple.

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