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samedi 21 avril 2018

" Nous sommes préoccupés par la dette "


21 avril 2018

" Nous sommes préoccupés par la dette "

Christine Lagarde, directrice générale du FMI, observe que l'endettement des Etats-Unis continue de croître

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Le Fonds monétaire international (FMI) a revu à la hausse ses prévisions de croissance mondiale pour 2018. Mais sa directrice générale, la Française Christine Lagarde, voit se profiler des nuages sur l'économie mondiale. Elle s'en -explique au Monde à l'occasion des réunions de printemps à Washington


Vous disiez l'an dernier à propos de l'économie mondiale qu'il fallait réparer la toiture quand le soleil brille. Y a-t-il déjà des orages ?

Je ne pense pas qu'on soit encore dans un orage, mais on voit de gros nuages s'accumuler à l'horizon. Il y a bien entendu la remise en cause du système multilatéral, notamment en matière de commerce, qui nous paraît préoccupante, car aujourd'hui le commerce et les investissements sont les deux moteurs réarmés pour soutenir la croissance, alors qu'elle était précédemment largement soutenue par la consommation. Les remettre en cause et ajouter de l'incertitude dans le climat des investissements nous paraît néfaste.
Deuxième nuage, les conditions financières, qui résultent d'ailleurs de facteurs positifs : l'amélioration de la croissance aux Etats-Unis provoque une augmentation des salaires générale supérieure à 2  % qui entraînera une augmentation de l'inflation, laquelle déclenchera une augmentation des taux d'intérêt probablement dans des proportions plus importantes que ce que l'on imaginait il y a six mois. Ce mouvement devrait entraîner un réajustement de prix des actifs financiers et des mouvements de capitaux en provenance des pays émergents et à faible revenu.
S'il s'y ajoute, ce que l'on ne voit pas encore, une appréciation du dollar, cela donnera un poids de dette et un service de la dette - remboursement du capital et des intérêts -encore supérieurs pour tous ceux qui ont beaucoup emprunté en dollar ces trois ou quatre années, notamment les pays à faible revenu.
Troisième nuage, justement, la situation d'endettement général dans laquelle se trouvent l'ensemble des économies avancées, émergentes et à faible revenu. La dette atteint 164 000  milliards de dollars - 133 000  milliards d'euros - , soit 225  % du PIB mondial. On n'a jamais eu un endettement global pareil. Les deux tiers sont logés dans le bilan des sociétés.


Quand Donald Trump dit qu'il n'est pas normal d'avoir des déficits commerciaux, on explique qu'il ne comprend rien à l'économie, mais, quand les Français critiquent les excédents allemands, ils sont jugés pertinents. Est-ce donc un sujet ?

La question, c'est le déficit d'un pays par rapport au reste du monde. C'est important, car c'est fondé sur sa capacité à épargner ou à consommer et à investir. Quand on regarde par exemple la balance des paiements allemands, on s'aperçoit qu'il y a une épargne largement supérieure à l'investissement. Et, comme cela est une espèce de jeu à somme nulle, créer des déséquilibres importants et durables entre les pays n'est pas propice à une croissance partagée.


Le président américain a-t-il -raison quand il dit qu'il faut rééquilibrer ?

Quand Donald Trump dit qu'il faut réduire les déséquilibres globaux, il a raison. Mais ce qu'il faut, c'est regarder le surplus ou le déficit d'un pays par rapport au reste du monde, pas une relation bilatérale, qui dépend de multiples autres facteurs. Il faut rééquilibrer les balances des paiements.


Est-ce un problème de -compétitivité ?

Non, c'est un problème de consommation et d'épargne. Lorsqu'un pays est globalement déficitaire comme les Etats-Unis, cela veut dire qu'il consomme beaucoup plus qu'il n'est capable de générer du revenu, donc il emprunte sa consommation au reste du monde. Les solutions ne sont pas commerciales. Elles sont de nature budgétaire ou structurelle. Quand les Allemands épargnent beaucoup plus qu'ils n'investissent, c'est le même problème.


Les déficits budgétaires américains sont sur une tendance de 5  % du PIB. Cela peut-il durer ?

Nous sommes préoccupés par la situation de la dette en général. Et parmi tous les pays, à moyen terme, la dette américaine reste élevée et continue de progresser. C'est pour cela que nous sommes très attentifs à des mesures de consolidation budgétaire intelligentes que pourraient mettre en place les Américains. Cela n'a pas l'air d'être vraiment à l'ordre du jour, et même les républicains n'en parlent plus.


La position dominante des GAFA (Google, Amazon, -Facebook et Apple) justifie-elle  un démantèlement ?

Une concentration de parts de marché, en particulier dans le domaine de l'appropriation des données, pose un sérieux problème à la libre concurrence et à la poursuite de l'innovation par le plus grand nombre. Il faut donc trouver des mécanismes juridiques, budgétaires, fiscaux, structurels qui permettent de rétablir les règles de la concurrence, c'est-à-dire d'éliminer les barrières résultant d'une trop grande appropriation des données et d'une trop grande concentration de parts de marché. Je ne pense pas que le démantèlement permette d'y arriver. Il faut que tout le monde se mette autour de la table et réfléchisse. Donner accès, contrôler l'utilisation obligatoire de telle application sont des pistes à explorer. Mais démanteler des bases de données, je ne suis pas sûre que ce soit la meilleure façon d'optimiser la concurrence.
Propos recueillis par, Arnaud Leparmentier
© Le Monde

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