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mercredi 1 octobre 2014

Budget 2015 - Comment la France justifie (et laisse filer) la dégradation des finances publiques


Le Huffington Post

Budget 2015 - Comment la France justifie (et laisse filer) la dégradation des finances publiques

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POLITIQUE BUDGETAIRE
François Hollande et Manuel Valls vont devoir justifier leurs mesures trop limitées pour endiguer la dette et le déficit. | AFP

BUDGET - Il y a 11 ans à peine, la France dépassait les 1000 milliards d'euros pour sa dette publique. Un montant à l'époque jugé vertigineux, alors que l'on vient d'atteindre ce mardi le cap symbolique des 2000 milliards d'euros... Plus encore avec le retour de Nicolas Sarkozy, le gouvernement n'oublie pas de noter que les équipes précédentes portent leur responsabilité dans ce constat. Il l'a d'ailleurs rappelé mercredi lors de sa présentation du budget 2015, en prévoyant une dette toujours plus importante jusqu'en 2016. Elle devrait décroître par la suite.
Ce n'était pourtant pas faute de s'être inquiété: dès 2005, le ministre des Finances Thierry Breton avait nommé Michel Pébereau pour constituer un rapport sur l'évolution de la dette. L'objectif était le suivant: faire redescendre le niveau de dette de 66% du PIB à 60% (contre 95,1% aujourd'hui !). Force est de constater que les gouvernements successifs ont échoué, et que François Hollande et Manuel Valls ne sont pas à l'origine de tous les maux.
: Si une "faute professionnelle" a été commise elle ne l'a pas été par nous mais par d'autres avant nous

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Depuis que François Hollande est arrivé au pouvoir, la dette publique n'a augmenté que de 10%. Le quinquennat de Nicolas Sarkozy, lui, accuse un lourd tribut de +52%. Avant lui, les politiques de relance de Lionel Jospin n'avaient rien arrangé non plus. La pallier symbolique franchi mardi est donc à relativiser, même si c'est toujours une augmentation. Suffisant pour faire passer la pilule à Bruxelles?
Courageux mais pas téméraire
"Notre politique repose à la fois sur un assainissement des finances publiques avec un programme d'économies et sur une stratégie de croissance avec le CICE et le Pacte de responsabilité", affirme Bercy. "Il doit permettre de stopper la croissance de la dette". C'est la première partie de l'argumentaire de l'équipe de Manuel Valls: se désigner comme ce bon élève qui fait tout pour s'en sortir. Mais manque de chance, les mauvaises conditions extérieures l'empêchent d'obtenir les résultats escomptés. Voilà pour la deuxième partie de la justification.
Après une rentrée sur fond de crise politique, la France a une nouvelle fois repoussé (à 2017) son retour sous la barre européenne des 3% de déficit public. De quoi hérisser le poil de Bruxelles, mais Paris tient à sa ligne: sérieux budgétaire, mais pas d'austérité. De façon à pouvoir affronter les "circonstances exceptionnelles" de l'atonie économique.
Le scénario de 2012 est perturbé par ce que Michel Sapin qualifie de "situation exceptionnelle" l’économie en zone euro, "marquée par un croissance très faible cumulée avec un ralentissement de l’inflation que personne n’avait anticipé". En employant les mots de "situation exceptionnelle", terminologie qui selon les traités européens permet de déroger aux objectifs budgétaires, le ministre des Finances adresse un message implicite à la Commission européenne, gardienne de la discipline budgétaire.
Attendu sur cette question lors de son discours de politique générale, Manuel Valls a assuré "maintenir ce cap qui est celui du sérieux budgétaire". Avant de rajouter: "la croissance et l’inflation posent un vrai problème. Il faut adapter notre politique". Le précédent objectif de 3% de déficit en 2015 aurait signifié "entrer dans l'austérité et mettre en cause notre pacte républicain", a-t-il plaidé devant l'Assemblée.
Pour Michel Sapin, c'est Bruxelles qui a désormais les cartes en mains. La France "a pris ses responsabilités" en matière budgétaire et l'Europe doit "elle aussi prendre ses responsabilités dans toutes ses composantes" face à la croissance chancelante, a-t-il dit lors de la présentation du Budget 2015. Le ministre a précisé que la BCE avait fait sa part, et que sa remarque valait notamment pour les "pays excédentaires", visant ainsi clairement l'Allemagne. Il s'exprimait lors de la présentation à la presse du projet de budget 2015.
Comment l'Etat lâche l'austérité sous prétexte de la crise
Le trou de la Sécu qui stagne
  • C'est une année blanche pour la réduction du déficit de la Sécurité sociale. Le gouvernement a révisé sa prévision 2014 pour le régime général à -11,7 milliards d’euros (contre 12,5 milliards en 2013), alors qu’il tablait encore en juin sur moins de 10 milliards. Soit, mais l'Etat n'en fera pas plus. L'équilibre des comptes est désormais attendu en 2019, contre 2017 auparavant. L'Etat se contentera de 3,2 milliards d'euros d'économies qui interviendront sur les prestations familiales et la branche maladie. En cause, la croissance plus faible que prévue.
Le déficit qui se creuse
  • La France a une nouvelle fois repoussé à 2017 (au lieu de 2015), son objectif de réduction du déficit public sous la limite européenne de 3% du PIB. Le déficit s'élèvera à 4,4% cette année, contre 3,8% prévus. "Nous ne changerons pas de politique, nous nous refusons à aller dans l'austérité", a expliqué Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement. "Nous appliquons la politique qui est la nôtre, les 50 milliards de diminution de dépense seront mis en oeuvre à l'euro près. Mais nous n'irons pas au-delà dans une politique qui serait une politique d'austérité. Nous adaptons la question des déficits, en fonction de la capacité et du rythme du retour de la croissance dans notre pays et en zone euro".

La crise (et Sarkozy) n'explique pas tout
Difficile de se cacher derrière l'argument de la seule crise. À court terme, avec un numérateur (la dette brute) qui progresse et un dénominateur (la production économique) qui stagne, le ratio dette/PIB va mécaniquement continuer à progresser. Certains économistes jugent même désormais inévitable qu'il atteigne 100% en 2016 ou 2017, niveau déjà atteint ou dépassé par plusieurs pays européens, dont la Grèce, Chypre et le Portugal, ainsi que l'Irlande, l'Italie et la Belgique. L'Espagne a annoncé mardi qu'elle franchirait à son tour cette barre en 2015.
Dans ce panorama sombre, un motif de consolation: la France emprunte toujours à des taux très bas - environ 1,35% à 10 ans -, ce qui permet d'éviter que les intérêts ne viennent encore alourdir davantage la facture. Ainsi, la charge des intérêts de la dette, est presque au même niveau qu'en 2008. Elle était de 45 milliards l'an dernier et est prévue à 46,7 milliards cette année.
Une aubaine qui reste toutefois précaire, s'inquiètent certains. "Il suffirait d'un mouvement sur les taux d'intérêt, déjà extraordinairement bas, pour que la charge de cette dette explose, fragilisant comme jamais les équilibres financiers et le crédit de la France", a ainsi mis en garde le président du MoDem François Bayrou, qui a fait de la dette son cheval de bataille depuis 2007.

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