Translate

lundi 14 avril 2025

LSDJ (La Sélection du Jour) - International - Le Mexique pourrait sortir gagnant du bouleversement économique mondial - Lundi 14 avril 2025

 



La Sélection Du Jour
14 Avril 2025 - N°2450

International

Le Mexique pourrait sortir gagnant du bouleversement économique mondial

Photo : La présidente mexicaine Claudia Sheinbaum et son ministre de l'Économie Marcelo Ebrard le 15 octobre 2024 Crédits : Shutterstock (photo d'Octavio Hoyos)
La nouvelle politique économique américaine bouleverse la géopolitique mondiale. Les marchés financiers sont anxieux et l'Union européenne comme la Chine cherchent des solutions. Le Mexique – deuxième importateur aux États-Unis après la Chine – se réjouit discrètement. Car ce pays frontalier du géant américain pourrait profiter des bouleversements en cours...

Donald Trump l'avait promis lors de sa campagne : il a en effet annoncé des hausses très lourdes des taxes douanières tous azimuts… Wall Street s'affole, la Chine montre les dents et l'Union européenne cherche des solutions entre des membres qui n'ont pas les mêmes intérêts. Ce « Liberation Day » claironné par Washington a donc jeté la sidération à travers le monde – tout particulièrement dans les pays qui vendent leurs produits aux États-Unis. Le voisin mexicain a été visé par Donald Trump à de nombreuses reprises – accusé de laisser-faire le long de l'immense frontière qui les sépare. Or, le gouvernement mexicain affiche sa satisfaction (voir l'article en lien). Car le Mexique et le Canada, liés aux États-Unis par l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) depuis 2020 (qui faisait suite à l'ALENA) ont été largement épargnés par l'offensive de Trump qui annonçait une hausse moyenne des taxes à l'importation de 2% à 29%.

Les exportations mexicaines échappent donc à cette lourde augmentation. Sauf quelques secteurs importants – non couverts par l'ACEUM – comme l'acier et l'automobile qui restent ciblés avec une taxe de 25%. Mais le gouvernement mexicain discute à bâtons rompus avec la Maison-Blanche pour obtenir un geste sur ces marchés – en affichant sa confiance dont il pourra arracher un accord. Pour Marcelo Ebrard, le ministre de l'Économie et ancien ministre des Affaires étrangères, son pays est le grand gagnant de ce bouleversement global. Le marché américain est en effet – et de loin – le plus riche du monde. Déjà avantagé par sa position géographique et sa main-d'œuvre assez bon marché et abondante, la montée en puissance d'une jeunesse de plus en plus diplômée, le Mexique voit son avantage compétitif fortement creusé par l'offensive commerciale de Donald Trump. « Des 14 accords de libre-échange américains, seul l'ACEUM est épargné », s'est félicité Marcelo Ebrard qui brandit la situation actuelle comme une victoire politique pour la présidente Claudia Sheinbaum. Le couple Sheinbaum-Trump est un attelage étonnant : la présidente élue en 2024 s'affiche comme une radicale de gauche et elle a fait montre d'une réelle habileté en refusant un affrontement perdu d'avance sous la pression constante du très puissant voisin.

Elle a d'abord assuré Donald Trump que son pays ne répondrait pas à la taxe de 25% imposée sur l'acier et les produits automobiles – malgré les pressions politiques dans son pays. Elle a surtout compris l'importance, pour l'administration américaine, du problème de la frontière qui combine l'immigration illégale massive sur le sol américain et le trafic de drogue. Le Fentanyl (voir LSDJ 2438) est au centre du jeu. Or Sheinbaum a envoyé 10 000 militaires à la frontière et a extradé 29 chefs de cartels pour être poursuivis par la justice américaine. Elle a aussi déclaré – en lançant son « Plan Mexico » – que le Mexique importerait moins de produits chinois (les ingrédients pour fabriquer le Fentanyl viennent de Chine) tout en facilitant les investissements dans les industries vouées à l'exportation. Cette bonne volonté a convaincu Donald Trump de protéger son voisin, car le Mexique a un autre avantage déterminant. C'est le deuxième importateur aux États-Unis après la Chine, la cible première de Donald Trump. Le Mexique bénéficie déjà d'investissements croissants de la part de multinationales qui cherchent depuis la période Covid à moins dépendre du géant chinois. Cette tendance devrait s'accélérer fortement, car les Européens et les Asiatiques ne peuvent pas trouver d'alternatives au richissime marché américain : le Mexique est plus que jamais une base de production stratégique.

Le Mexique pourrait donc profiter des nouvelles règles du jeu économique mondial – dictées par son tempétueux voisinD'autant plus que de grands projets confirment les ambitions de ce pays tampon entre les deux Amériques – l'Anglo-Saxonne au Nord et la Latine au Sud. Le corridor interocéanique de l'isthme de Tehuantepec (CIIT) vient concurrencer le canal de Panama. Cette liaison ferroviaire traversant le pays du Pacifique à l'Atlantique – à son niveau le plus étroit – a été inaugurée en grande pompe le 4 avril dernier. Le premier chargement : 900 véhicules de la marque Hyundai en provenance de Corée du Sud et à destination des États-Unis… Les observateurs voient dans cette mise en service un excellent complément au canal de Panama constamment embouteillé et affecté par des sécheresses régulières.

C'est le retour d'un vieux rêve datant de 1907 quand Porfirio Díaz, le président mexicain, avait lancé la première liaison ferroviaire pour joindre les deux océans. Un rêve de courte durée puisque l'ouverture du canal de Panama en 1914 a précipité son déclin. Une complainte mexicaine dit : « Trop loin de Dieu, trop près des Américains ». La nouvelle politique américaine est en train de replacer le Mexique – sinon plus près de Dieu – au moins au centre du commerce mondial…

Ludovic Lavaucelle

“Liberation Day” – for Mexico

>>> Lire l'article sur : The American Conservative

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire