Translate

samedi 29 mars 2025

LSDJ (La Sélection du Jour) 👉🏼 Sur les crimes de guerre en Vendée, le Puy du Fou dit vrai le 29.03.2025

 



La Sélection Du Jour
29 Mars 2025 - N°2437

Histoire

Sur les crimes de guerre en Vendée, le Puy du Fou dit vrai

Photo : Connu comme le "PanthĂ©on de la VendĂ©e militaire", ce cimetière perpĂ©tue la mĂ©moire du massacre de La Gaubretière, survenu le 27 fĂ©vrier 1794. CrĂ©dits : WikimĂ©dia Commons
Malgré son succès hors du commun, le Puy du Fou est régulièrement accusé de mettre au goût du jour une histoire en noir et blanc aussi romancée que partisane. Au cœur des critiques, le récit des guerres de Vendée. Compte tenu des faits historiques, il est pourtant en accord avec la vérité, du moins sur l'essentiel.

Ancien prĂ©sident du Conseil GĂ©nĂ©ral de VendĂ©e et crĂ©ateur du parc aux spectacles grandioses, Philippe de Villiers est rĂ©gulièrement la cible d'attaques mĂ©diatiques qui lui reprochent d'ĂŞtre en proie Ă  « l'obsession » d'y raconter « son » histoire de la VendĂ©e. Le journal Le Monde s'est mĂŞme plu Ă  brocarder « Le Puy du Faux », un « parc sans lumières ».

Alors qu'il avait inaugurĂ© par ailleurs, en 1993, le MĂ©morial des Guerres de VendĂ©e en compagnie d'Alexandre Soljenistyne, il est vrai que le sujet est cher Ă  l'homme d'affaires et ancien politique dont le tort principal serait de pointer un gĂ©nocide lĂ  oĂą il n'y eut rien d'autre qu'une guerre civile. Pourtant, le dĂ©sĂ©quilibre du rapport de forces ainsi que la systĂ©matisation des massacres de civils, consentis et ordonnĂ©s Ă  l'Ă©poque par la RĂ©publique française, devraient au moins ouvrir un dĂ©bat encore largement tabou dans le milieu universitaire. Alors que la France a fait son mea culpa vis Ă  vis de l'AlgĂ©rie ou de la dĂ©portation des juifs sous l'Occupation, elle n'a jamais reconnu ne seraient-ce que des crimes de guerre en VendĂ©e. Ceux-ci sont pourtant nombreux et d'une Ă©vidence indĂ©niable...

Le soulèvement vendĂ©en commence en mars 1793 rĂ©pondant assez vite Ă  une seule devise : « Dieu et le roi ». L'ordre des prioritĂ©s en Ă©tait bien Ă©tabli car c'est essentiellement pour le premier que les insurgĂ©s se sont battus. Louis XVI Ă©tait mort en janvier et se trouvait en prison depuis l'annĂ©e d'avant. En revanche, les prĂŞtres « non-jureurs » subissaient une persĂ©cution acharnĂ©e, ce qui outrait ce peuple de paysans profondĂ©ment attachĂ©s au catholicisme. Le vase a dĂ©bordĂ© quand on leur exigea de s'enrĂ´ler dans les rangs rĂ©publicains. S'organise alors l'ArmĂ©e catholique et royale qui après avoir obtenu quelques victoires de prestige, va peu Ă  peu succomber face Ă  des forces mieux armĂ©es et organisĂ©es.

Alors que les troupes « bleues » prennent le dessus et que la dĂ©christianisation rĂ©volutionnaire atteint son paroxysme, les autoritĂ©s parisiennes insistent pour porter le coup de grâce. « DĂ©truisez la VendĂ©e ! », clame Ă  plusieurs reprises Bertrand Barère le 1er octobre 1793. Le porte-parole du ComitĂ© de Salut Public avait dĂ©jĂ  rĂ©clamĂ© quelques mois auparavant la punition de ce peuple « parricide et coupable ». Le 17 brumaire an II (7 novembre 1793), le nom du dĂ©partement est remplacĂ© par celui de « VengĂ© ». Le pire se prĂ©pare…

Après avoir taillĂ© en pièces le 23 dĂ©cembre 1793, Ă  Savenay, les restes de l'ArmĂ©e catholique et royale, le gĂ©nĂ©ral François Westermann rapporte son triomphe Ă  la Convention : « Il n'y a plus de VendĂ©e, Citoyens rĂ©publicains [...]. Suivant les ordres que vous m'avez donnĂ©s, j'ai Ă©crasĂ© les enfants sous les pieds des chevaux, massacrĂ© les femmes qui, au moins, pour celles-lĂ , n'enfanteront plus de brigands. Je n'ai pas un prisonnier Ă  me reprocher. J'ai tout exterminĂ©. »

Les mots de Westermann ne sont en rĂ©alitĂ© qu'un prĂ©lude de ce qui vient. En janvier 1794, le gĂ©nĂ©ral Louis-Marie Turreau de Lignières, fraĂ®chement nommĂ© commandant en chef des armĂ©es de l'Ouest, endosse un nouveau rĂ´le. Il ne s'agit plus de mettre en dĂ©route un adversaire militaire mais selon ses propres mots d'« assurer l'anĂ©antissement des rebelles ».

Dès novembre 1793, rĂ©pondant aux injonctions de plusieurs dĂ©putĂ©s montagnards, il avait prĂ©sentĂ© un plan consistant Ă  sillonner le pays vendĂ©en Ă  la tĂŞte de 12 colonnes incendiaires que la postĂ©ritĂ© qualifiera d'« infernales ». Il comptait mettre en Ĺ“uvre Ă  son tour la logique dĂ©jĂ  appliquĂ©e par Jean-Baptiste Carrier, Ă  la tĂŞte du comitĂ© rĂ©volutionnaire de Nantes. Tristement cĂ©lèbre pour ses noyades de prisonniers vendĂ©ens, ce dernier avait pris soin de les justifier : « C'est par principe d'humanitĂ© que je purge la terre de la libertĂ© de ces monstres ».

Soucieux de ne pas ĂŞtre dĂ©savouĂ© par sa hiĂ©rarchie, Turreau Ă©crit Ă  plusieurs reprises au ComitĂ© de Salut Public : « Vous devez Ă©galement vous prononcer d'avance sur le sort des femmes et des enfants [...]. S'il faut les passer tous au fil de l'Ă©pĂ©e, je ne puis exĂ©cuter une pareille mesure sans un arrĂŞtĂ© qui mette Ă  couvert ma responsabilitĂ©. » (le 16 janvier 1794). Il appuie sa requĂŞte le 24 janvier : « Si mes intentions sont bien secondĂ©es, il ne restera plus dans la VendĂ©e, sous quinze jours, ni maisons, […], ni habitants, mais que ceux qui, cachĂ©s au fond des forĂŞts, auront Ă©chappĂ© aux plus scrupuleuses perquisitions ». RĂ©ponse du ComitĂ©, le 6 fĂ©vrier 1794, par la plume de Lazare Carnot : « Tu te plains, citoyen gĂ©nĂ©ral, de n'avoir pas reçu du ComitĂ© une approbation formelle de tes mesures. Elles lui paraissent bonnes et tes intentions pures […]. Extermine les brigands jusqu'au dernier, voilĂ  ton devoir. »

Afin de suivre et guider le citoyen gĂ©nĂ©ral Turreau, Paris nomme des ReprĂ©sentants en mission, envoyĂ©s sur place pour ĂŞtre le maillon intermĂ©diaire entre la volontĂ© du ComitĂ© et le commandement militaire. C'est le cas des conventionnels Nicolas Hentz, Pierre-Anselme Garrau et Marie-Pierre-Adrien Francastel. Dans son ordre de marche du 19 janvier, Turreau Ă©tait sans merci : « les personnes suspectes ne seront pas Ă©pargnĂ©es ». Les ReprĂ©sentants en mission le savaient et avaient donnĂ© leur aval : « Le gĂ©nĂ©ral en chef nous a promis de les dĂ©truire tous […] tous les habitants qui sont Ă  prĂ©sent dans la VendĂ©e sont des rebelles très acharnĂ©s. C'est que les femmes, les filles et les garçons au-dessus de 12 ans sont les plus cruels », rapportaient-ils un mois plus tard. Le 28 avril, la ligne de conduite n'avait pas variĂ© Ă  en croire ce que dĂ©clarait Garrau : « Cette guerre ne finira que par la mort du dernier VendĂ©en, et tous auront mĂ©ritĂ© leur sort. »

Joseph ClĂ©manceau, un VendĂ©en rĂ©publicain, qui fut tĂ©moin des Ă©vènements, ne comprenait pas tant de violence : « Il voulait tout dĂ©truire et faisait Ă©gorger les vieillards, les femmes et les enfants, [...]. Comment se fait-il donc que le ComitĂ©, instruit des excès en tout genre commis par le gĂ©nĂ©ral Turreau, ne le destituait pas et ne lui faisait pas subir avec justice le sort de tant d'autres qui Ă©taient condamnĂ©s injustement ? ». Jean-Baptiste Beaudesson, qui accompagne les « Bleus » pour pĂ©nĂ©trer dans les mĂ©tairies afin de confisquer les denrĂ©es, dĂ©crira rempli d'effroi ce qu'il a vu : « Des pères, des mères, des enfants de tout âge et de tout sexe, baignĂ©s dans leur sang, nus, et dans des postures que l'âme la plus fĂ©roce ne pourrait envisager sans frĂ©missement. » MĂŞme Joseph LĂ©quinio, qui avait participĂ© aux massacres, finit par s'indigner devant la Convention de « la barbarie la plus outrĂ©e » pratiquĂ©e par les colonnes infernales.

Les estimations plutĂ´t consensuelles font Ă©tat d'un chiffre avoisinant 170 000 VendĂ©ens mis Ă  mort (Jacques Hussenet). Les pertes des armĂ©es rĂ©publicaines sont estimĂ©es Ă  environ 30 000 hommes. L'expĂ©dition des colonnes infernales qui reprĂ©sente la pĂ©riode la plus virulente des tueries, s'acheva en mai 1794 avec le rappel du gĂ©nĂ©ral Turreau qui fut acquittĂ© en 1795. On statua qu'il n'avait fait que suivre les ordres... Grachus Babeuf, un rĂ©volutionnaire convaincu, contemporain des Ă©vènements, a dĂ©noncĂ© dans un ouvrage un « système de dĂ©population » de la VendĂ©e, un vĂ©ritable « populicide » camouflĂ© derrière l'excuse de la guerre. Le mot gĂ©nocide serait-il vraiment excessif ?

Martin Dousse

Génocide vendéen : qu'apporterait une reconnaissance officielle ? L'analyse de Jacques Villemain

>>> Écouter l'émission sur RCF
Partagez avec vos amis



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire