La France plonge dans l'hiver démographique. Avec moins de 700 000 naissances, 2023 a été l'année la moins fertile depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, record en passe d'être battu par l'année 2024… Pourtant les enquêtes montrent que le désir d'enfant n'a pas disparu. C'est la confiance qui fait défaut aux couples privés du soutien d'une authentique politique familiale.
Un rapport de l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques — également en lien ci-dessous) publié le 16 novembre confirme la crise historique de la natalité en France : seulement 677 800 bébés sont nés en France en 2023, soit le chiffre le plus bas depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale (645 900 naissances en 1945), résume TF1. Encore s'agissait-il alors essentiellement d'enfants nés de parents eux-mêmes nés Français alors que l'immigration massive des dernières décennies a bouleversé la démographie de la France.
Qui plus est, la baisse subit actuellement une accélération spectaculaire : 677 800 bébés nés en France en 2023, c'est 6,6 % de moins qu'en 2022, « la baisse la plus forte depuis la fin du baby-boom », souligne l'Insee. « Les naissances sont en 2023 inférieures de près de 20 % à leur niveau de 2010, dernier point haut […] soit un recul de 130 000 naissances en l'espace de moins de 15 ans. » Et la pente s'accentue en 2024, toujours selon l'Insee.
Jusqu'alors moins touchée par la dénatalité que la plupart des pays d'Europe grâce à sa politique familiale (sans oublier la part croissante de l'immigration), la France plonge à son tour dans « l'hiver démographique » : « La baisse des naissances entre 2022 et 2023 est plus marquée en France que dans l'ensemble de l'Union européenne (‑5,5 % dans l'ensemble de l'Union) » note encore l'Insee, en soulignant que cette chute de la natalité française s'inscrit « dans une tendance à long terme ». De fait, la baisse s'est poursuivie sur les neuf premiers mois de l'année 2024 : le nombre de naissances déclarées depuis le début de l'année est inférieur de 2,7 % à celui de 2023.
Quant au poids de l'immigration dans la natalité, 33,6 % des naissances en 2023 étaient issues d'au moins un parent né à l'étranger, et plus de 30 % hors de l'Union Européenne, toujours selon les calculs de l'Insee. Dans un entretien au Figaro (20/11/2024), la démographe Michèle Tribalat tire les conséquences de ce bouleversement.
Elle souligne d'abord que la baisse de 20 % de la natalité en France métropolitaine depuis 2010 est beaucoup plus forte chez les couples nés en France (-27 %) que chez ceux dont au moins un des conjoints est né à l'étranger (- 3 %). En conséquence, « la proportion de naissances d'au moins un parent né à l'étranger a gagné près de six points depuis 2010 (33,1 % en 2023 en France métropolitaine). »
Elle pointe ensuite la baisse de la fécondité, « particulièrement abrupte » l'an dernier : « En 2023, les femmes ont eu 1,64 enfant par femme contre 2,02 en 2010. » (NB : le seuil de remplacement ou de renouvellement des générations est de 2,05 enfants par femme), pourcentage qui « ...correspond au nombre moyen d'enfants par femme nécessaire pour que chaque génération en engendre une suivante de même effectif. Il est fixé à 2,05 enfants par femme, parce que pour 105 garçons, il naît 100 filles » précise ailleurs l'Insee.
Comment rétablir une natalité équilibrée et conforme au désir des couples puisque les enquêtes montrent qu'ils souhaiteraient avoir au moins deux enfants ? « Il faut rétablir la confiance » a plaidé sur Europe 1, le 15 novembre, Gérard-François Dumont, professeur à la Sorbonne (Paris IV) et président de la revue Population & Avenir. Selon ce démographe et historien, la chute de la natalité française n'est pas un accident de parcours mais la conséquence logique de décisions politiques prises depuis une dizaine d'années. Pendant longtemps, explique-t-il, « la France a eu une politique familiale qui lui a permis d'avoir une fécondité supérieure de 25 % à 30 % à la moyenne de l'Union européenne ». Or, depuis le milieu des années 2010, autrement dit sous la présidence de François Hollande (mai 2012 - mai 2017), cette politique familiale a été constamment rabotée, l'État ayant supprimé l'universalité des allocations familiales et plafonné le quotient familial. Le tout aggravé par une offre de logements très insuffisante et par les difficultés à concilier vie familiale et vie professionnelle. À cet égard, précise Gérard-François Dumont, les coupes claires dans les dotations de l'État aux communes, et notamment la suppression de la taxe d'habitation, ampute les moyens des maires pour développer des crèches et des relais d'assistance maternelle. « On a pris des mesures totalement malthusiennes », souligne-t-il.
Peut-on rétablir une authentique politique familiale ? Cela ferait-il remonter la fécondité ? « C'est certain ! » affirme le démographe et historien. « Tous ces rabotages de la politique familiale ont fait perdre confiance aux Français. (...) Si on rétablit la confiance, vu le désir d'enfants, on retrouvera une hausse de la fécondité. C'est confirmé par l'histoire de la fécondité en France toutes ces dernières décennies. Elle a varié à la hausse ou à la baisse dans les années 1980, 1990, 2000, à la suite de décisions positives ou négatives de politique familiale. Celle-ci a été le moteur central du niveau des naissances. »
Philippe Oswald
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