| | | | | | Semaine difficile avec le départ d’André Lajoinie avec qui j’ai longtemps travaillé, voyagé, converser, partager des moments uniques aux multiples couleurs. Ce fut pour moi la belle aventure imprévue mais formatrice lorsque je fus arraché des campagnes et de la mer de mon département du Morbihan. Il m’a permis de m’élever. J’en dis quelques mots plus bas. Semaine ou le monde en ébullition, manifeste de violents soubresauts s’échappant du cœur des contradictions capitalistes. Elles donnent chaque jour raison aux nécessités d’engager sans attendre un processus de débats et de luttes pour un processus communiste.
Que le pouvoir soit contraint d’ouvrir un débat parlementaire sur le traité de libre-échange entre l’Union Européenne et les pays d’Amérique latine du Mercosur en dit long sur les bouillonnements actuels dont la face visible apparait avec les mouvements paysans. Mais pas seulement. 1800 communes en Europe ont voté des résolutions pour le rejeter. 450 organisations associatives et syndicales de toute l’Europe et des pays du Mercosur le combattent. Les déclarations des ministres à l’Assemblée nationale comme au Sénat sont révélatrices de leurs contorsions avec toujours en fin de phrase « en l’état ». Ils font semblant de ne pas vouloir du traité « en l’état ». Or ces textes de liberté de circulation du capital et des marchandises sont mauvais fondamentalement. Ajoutons que la société Brésilienne a bien raison quand elle dénonce un traité « asymétrique « de type « colonial ». Le combat doit continuer et s’élargir encore.
L’organisation par Trump de son équipe est aussi très significative d’orientations qui, pour faire perdurer le capitalisme et l’impérialisme, ses dirigeants qui n’hésitent plus à prendre directement les manettes font basculer la politique dans un moment inconnu depuis la fin de la seconde guerre mondiale. L’attaque contre l’égalité des droits est violente et se répand jusque dans nos contrées. Le service au capital prime en toutes choses et avant toute chose.
C’est une part essentielle des tensions et de la crise profonde qui travaille notre pays. Nous assistons à une lutte de classes sans merci menée par les puissances industrielles, financières assistées de la commission européenne et des fonds financiers qui n’ont qu’un souci : prélever toujours plus de richesses issues du travail pour le transférer au capital. Il est tout à fait symptomatique de voir le moulin à parole Attal, ancien socialiste parait-il, encore plus à droite que Michel Barnier et le parti LR lorsqu’il crie avec le grand patronat sur la « hausse des coûts du travail » quand le gouvernement demande de réduire très, très légèrement des exonérations sociales et fiscales à titre temporaire. Peut-être que des millions de gens grâce aux efforts médiatiques des perroquets de la haute bourgeoisie s’aperçoivent encore plus clairement que la souveraineté politique s’évanouit dans les limbes des critères européens au service des marchés financiers ; On nous répète que ces marchés vont gronder si on ne diminue pas les services publics et qu’on ne restreint pas les droits sociaux à l’entreprise et à la retraite. La crise autour du budget de la nation est révélatrice d’une crise sociale, économique et désormais politique bien plus profonde.
Après l’alignement de Macron sur le Maroc à propos du Sahara occidental contre le droit international, voici que notre diplomatie prise de convulsions viole les engagements de la France qui a reconnu la Cour pénale internationale. Celle-ci condamne Netanyahou pour crimes de guerre mais voici que l’Élysée et le quai d’Orsay viennent de lui inventer une immunité spéciale. Quels marchandages ont conduit les autorités françaises à une telle ignominie ? Etre dans le groupe de surveillance du maintien de la paix au Liban pendant qu’Israël continuera à déchiqueter et s’emparer totalement de Gaza et à annexer la Cisjordanie ? Réclamons une réponse. Réclamons que la France respecte le droit international et la justice internationale.
De même, la liberté ne se divise pas. Par-delà les opinions il convient d’être partie prenante du mouvement de la libération de Boualem Sansal des prisons algériennes. Liberté, droit, respect, rejet du nihilisme devrait conduire certaines organisations syndicales paysannes à ne pas se tromper de colère et d’ennemi. Il est insupportable que des agents de l’office pour la biodiversité soient maltraités, leurs locaux saccagés. Il est insupportable que l’on mure les bâtiments de l’Institut de la recherche agronomique (l’INRAE) et ceux de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation de l’environnement et du travail (ANSES). N’y a-t-il pas assez de paysannes et de paysans victimes des méfaits de l’agrochimie pour ne pas en prendre conscience ?
Même les mouvements contre les caisses de la Mutualité Sociale Agricole mériteraient d’être un peu plus réfléchis à l’aune du refus du syndicat majoritaire au sortir de la Seconde Guerre mondiale de rejoindre le régime général de la Sécurité sociale comme le proposait A. Croizat et les communistes. Les générations actuelles n’en sont pas responsables, mais ils pourraient agir pour en prendre le pouvoir non délégué aux plus gros paysans ou agir pour demander à rejoindre la Sécurité sociale avec les droits afférents.
Il y a pourtant les lieux devant lesquels manifester. En voici quelques-uns : Les fournisseurs de matériels qui se gavent sur leurs dos. Les centrales d’achat qui nourrissent parmi les plus grandes fortunes. Et, il n’y a aucun compte à demander à Lactalis qui en prévision du traité Mercosur s’installe au Brésil et fait mourir les petites fermes ici ? Il n’y a rien à demander à Bayer-Monsanto qui réalise 9 milliards d’euros de profits avec le seul Glyphosate et refuse d’engager des recherches sur des solutions alternatives ? Les vrais responsables de la crise paysanne ne sont ni à l’OFB, ni à l’ANSES ni à l’INRAE. Et, pourquoi fait-on oublier si vite l’engagement de Macron au salon de l’agriculture pour des prix planchers ? Voilà des lieux et des responsables contre lesquels il faudrait porter le fer.
Je reviens cette semaine sur ce qui devrait être considéré comme prioritaire dans les préoccupations : le risque d’anéantissement de toute vie sur Terre.
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| | Ces risques d’anéantissement de toute vie sur terre
Que devient la civilisation lorsque qu’il paraît de plus en plus évident que, les maîtres protégeant les possédants, l’oligarchie mondiale et ses mandataires politiques perpétuent en son nom les pires violences, les pires injustices, répandent la guerre et se moquent des bouleversements climatiques à l’œuvre ? Des temps de sauvagerie politique
La sauvagerie politique est en marche. Ses effets sautent aux yeux d’Ukraine à Gaza, du Congo au Soudan, transformés en vastes cimetières, en champs de mines et de ruines. Ailleurs, d’immenses broyeuses aux longs couteaux happent tout ce qui peut ressembler à un État social, à l’égalité des droits, au droit international – comme on vient de le voir encore avec les levées de bouclier et les hypocrisies contestant la décision de la Cour pénale internationale (CPI) d'émettre un mandat d’arrêt contre Benyamin Netanyahou pour « crimes contre l’humanité et crimes de guerre ». Les États-Unis, qui se hissent sur le podium des nations bafouant le droit international, n’ont pas hésité à menacer la CPI de sanctions. Ici, Marine Le Pen veut un « État fort », une justice « sans compromis » contre tout voleur de poules et de mobylettes, mais refuse les délibérations de l’instance judiciaire lorsque cela la concerne. La sauvagerie, c’est aussi le refus de la démocratie, la négation du suffrage. Mais la diplomatie Française n’est pas en reste dans le ridicule et le double langage. Voici que par la voie du quai d’Orsay avec l’approbation de l’Elysée, la France qui a reconnu la cour pénale internationale se contorsionne pour expliquer qu’en tout état de cause le Premier ministre israélien bénéficierait de l’immunité s’il débarquait sur notre sol. Autrement nos dirigeants rejoignent nombre de pays qui se parent des « valeurs de la démocratie » pour bafouer la justice internationale et le droit. Les militants progressistes doivent porter un autre message au monde, afin d’éviter la jungle.
La dramatique banalisation du péril écologique et du péril nucléaire
Faut-il que les classes dominantes et possédantes, mues par leur inextinguible soif d’accumulation des capitaux, aient à ce point perdu toute raison pour ne plus hésiter à manier des allumettes au-dessus des plaques chauffantes du monde ? La semaine dernière, comme pour ne pas éveiller les consciences des dangers qui guettent, les deux terribles maux qui menacent la vie sur Terre ont été traités avec distance, mépris, quand ils n’ont pas été engloutis dans les noirs nuages de la banalité.
Pendant qu’à Bakou, lors de la 29e Conférence pour le climat, une fin de non-recevoir était adressée aux pays du Sud dans leur exigence de soutien dans la lutte contre le réchauffement climatique et ses conséquences, Biden et Poutine sortaient de leurs hangars kaki des missiles aux incommensurables périls. Dans les deux cas, la sauvagerie politique et économique prime sur les voies de la raison et sur les cris des chercheurs de rêves pour la planète bleue. En effet, les pires menaces qui pèsent sur l’humanité – les bouleversements climatiques, la perte vertigineuse de biodiversité et l’utilisation de la bombe nucléaire – sont de toutes parts dramatiquement banalisées.
La Conférence de Bakou a, sous les applaudissements des oligopoles mondiaux du pétrole et du gaz, viré à la farce et au mépris des peuples du Sud menacés tantôt par les sécheresses détruisant toute possibilité de production alimentaire, tantôt par la montée des eaux pouvant engloutir des îles entières et modifier les rivages de plusieurs pays. Les pays du Nord, qui sont pourtant les premiers responsables des bouleversements climatiques, ont refusé d’engager 1 000 milliards de dollars par an pour les pays du Sud, alors qu’ils consacrent près de 2 450 milliards de dollars à la course aux armements chaque année.
Conflit mondialisé
Pendant ce temps, à quelques encablures de Bakou, le président Poutine évoquait froidement la possible utilisation de la bombe nucléaire en réponse à la folle décision du président Biden de permettre à l’Ukraine d’utiliser des missiles nord-américains (baptisés ATACMS) pour frapper le sol russe en profondeur ; missiles qui ne peuvent être projetés sans les techniciens militaires étatsuniens présents sur le sol ukrainien. Ce faisant, les dirigeants nord-américains sont conscients qu’ils rapprochent le moment où l’agression guerrière de la Russie contre l’Ukraine se transformera en un dangereux conflit plus mondialisé qu’il ne l’est déjà, entre l’OTAN et la Russie. M. Poutine n’a d’ailleurs pas tardé à expliquer que la guerre prenait « un caractère mondial », tout en expérimentant contre les populations ukrainiennes un nouveau missile balistique de moyenne portée, conçu pour transporter des ogives nucléaires.
Les complexes militaro-industriels tournent à plein régime, et les populations doivent se serrer de plus en plus la ceinture conformément à « l’économie de guerre » décrétée.
Dans le même temps, encore, la nouvelle batterie de sanctions économiques décidées contre la Russie – non pas dans un but de paix, mais pour faire exister la guerre économique et consolider le grand capital militaire, numérique, financier nord-américain – exacerbe encore les contradictions intracapitalistes dont les peuples européens font de plus en plus les frais.
Dégager la France de ces entreprises de destruction
Parce qu’elle est une puissance nucléaire, membre du Conseil de sécurité de l’ONU, la France devrait être dégagée de ces entreprises de mort et de destruction. Le président Macron, au sens politique titubant, fait le contraire. Au lieu de se démener pour ouvrir des chemins pour la paix, il aligne notre diplomatie sur celle des États-Unis à propos de l’Ukraine. Et avec de fiévreuses nuances, et beaucoup de contorsions, il mêle sa voix aux soutiens du pouvoir criminel d’extrême droite israélien.
À ce moment si critique, la France devrait pourtant, comme elle a su le faire en d’autres temps, agir pour les cessez-le-feu en vue de la paix. Elle doit se déployer pour permettre l’ouverture de processus de négociations incluant un système européen de sécurité commune en dehors de l’OTAN, dont l’objectif serait de garantir la sécurité de l’Ukraine comme de la Russie et de tout le continent européen. La France doit reconnaître l’État palestinien et rompre avec le pouvoir israélien tant que celui-ci colonise, annexe les territoires palestiniens, détruit des vies, des hôpitaux et des écoles à Gaza comme au Liban. Abolir la guerre...
Il est vrai que l’oligarchie capitaliste mondiale trouve son compte à souffler sans discontinuer sur les braises et les flammes qui ravagent une cinquantaine de pays dans le monde. Elle profite aussi de la destruction en cours de la Terre, combinée à la surexploitation des êtres humains et des animaux. Le surarmement et les guerres surpassent l’indispensable souci de ralentir le réchauffement planétaire et de lutter contre la disparition de la biodiversité sur Terre et dans les océans. Abolir la guerre appelle à abolir la guerre économique.
C’est la grande lutte universelle pour la vie qu’il faudrait engager quand les actuels défis portent sur la possibilité d’un anéantissement des fondements de toute vie humaine sur Terre.
Même les progrès généraux des sciences, de la médecine, et la révolution informationnelle qui permettraient de créer les conditions du progrès humain, la préservation d’une nature vivante, sont détournés en leur contraire. Aux États-Unis, c’est le grand capital incarné par E. Musk qui veut démembrer l’État fédéral en utilisant l’intelligence artificielle.
… gagner la paix !
À la sauvagerie politique indispensable au grand capital, faite de divisions et de guerres, de haines, de diffusion des nationalismes et d’excitation des extrêmes droites, de criminalité organisée autour des trafics de drogues, doit répondre une levée unitaire des peuples pour construire l’après capitalisme. Il n’y a pas de paix réelle sans justice. Il n’y a pas de paix sans penser à partir « des communs ». C’est le processus par lequel les travailleurs, les peuples, enfin maîtres de leur destin, pourront gérer les ressources en respectant la nature et les animaux – condition de la prévention des conflits. Les projets humains viseraient ainsi non plus à gagner des guerres, mais à gagner la paix. Cette paix qui est elle-même un bien commun.
Le capitalisme à son stade actuel, avec sa concurrence libre, sa compétitivité, ses taux de croissance des profits, ses privatisations et sa marchandisation de tout contre toute mise en commun, contre les solidarités internationales et la sécurité humaine globale, va aujourd’hui jusqu’à mettre en danger toute vie sur Terre. Contre cette sauvagerie, frappe à la porte le projet d’un monde « des communs », un monde commun possible dans l’invention d’un processus communiste jamais tenté jusque-là.
Transformons les inquiétudes, les pessimismes, les anxiétés en une irrésistible force pour faire vivre, par-delà les frontières, nos communs et la paix. Une force populaire contre la sauvagerie et pour un haut degré de civilisation. 27 novembre 2024
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| | André Lajoinie, l’humanisme au cœur On a beau s’en douter, s’y préparer, quand vient la mauvaise nouvelle elle vous percute, elle vous déchire aussi violemment qu’on arrache les pages d’un livre où est écrit plus d’un tiers de siècle de vie, de relations, de travail commun et d’émancipation. Le chagrin se hisse à la mesure de l’admiration. André Lajoinie a été pour moi tout à la fois un camarade, un tuteur, un formateur, un entraîneur. Avec constance, il a agi avec moi comme un père avec son fils, tendre et exigeant à la fois, rude au travail et affectueux. André était profondément humain et attachant, étranger à la grandiloquence. Passeur de connaissances et d’expériences, pétri d’une éthique communiste dont jamais il ne déviait. Le respect de l’autre quel qu’il soit, quelque soit sa position dans la société était pour lui une exigence, une valeur fondamentale, un comportement constant. Considérant que cette exigence conditionnait la confiance réciproque, il n’y avait jamais de rendez-vous non honoré, jamais de lettre qui ne recevait réponse. De sa terre natale de Corrèze, de ses terres d’élections de l’Allier et de l’Auvergne, il avait gardé au cœur la simplicité, la modestie, le soin au travail. Il en tirait une volonté indéfectible de se dépasser sans cesse pour servir au mieux les travailleurs, les paysans, les créateurs et intellectuels, la jeunesse. Cette jeunesse qui se retrouva en force avec lui et le mouvement des jeunes communistes pour un grand rassemblement à la Bastille pendant sa campagne en vue de l’élection présidentielle de 1988. Ces racines profondes, solides, lui ont sans doute permis d’affronter tant de bourrasques, d’insupportables moqueries d’une certaine classe bourgeoise et sa clique journalistique pétris du mépris des classes populaires et d’anti communisme forcené. Aujourd’hui encore, j’en vois encore dans le confort de leur studio de télévision, verser leurs larmes de crocodiles sur la faiblesse du parti communiste dans les usines et les quartiers, ceux-là même qui n’ont eu de cesse d’en rêver et d’y travailler ardemment. Seul de grands journalistes comme Bernard Pivot ou Marcel Jullian furent honnête. Ce dernier au lendemain d’une grande émission de télévision avait eu l’audace d’écrire un bel article intitulé : « un homme est né » pour vanter la profondeur de ses qualités humaines et politique, ses connaissances des diversités française. Mais face aux meutes, André Lajoinie, le paysan lettré, le militant, le dirigeant communiste, sorti de l’école avant l’âge de 14 ans s’est toujours tenu droit, posé, déterminé. A la demande du collectif de direction du parti communiste il fut le premier dirigeant de gauche à affronter M. Le Pen et à dévoiler devant des millions de téléspectateurs ses criminels agissements durant la guerre d’Algérie, son antisémitisme et la banalisation de la Shoah. La campagne des élections présidentielles de 1988 fut rude, très rude. Le résultat aussi. Entre les élections présidentielles de 1981 avec Georges Marchais, le Parti communiste reculait -malgré sa grande popularité d’André Lajoinie- encore de près de 8%. Evidemment atteint, André repartit au combat avec toute sa lucidité, à l’Assemblée nationale et dans tout le pays en tentant de surmonter bien des difficultés. Il fut avec Philippe Seguin celui qui porta l’estocade au Parlement contre le traité de Maastricht. Il fit voter au terme d’une campagne épique, contre vents et marées, au début de l’année 1993 une loi anti-licenciement boursier que la droite s’empressera de détruire par la suite. Elle serait bien utile en ce moment aux salariés de Michelin, Auchan, Sanofi et tant d’autres. Tout aussi épique fut cette longue et victorieuse campagne réclamant « 40 milliards (de francs) pour l’école pas pour le surarmement ». Combien d’interventions, de lettres, de pétitions, de déplacements chez les premiers ministres et ministres de l’éducation nationale pour l’obtenir ? Autant d’actions communistes qu’il est utile de se remémorer pour secouer les portes de l’espoir. Collaborateur de Waldeck Rochet au secteur agraire du comité central du parti communiste et à l’hebdomadaire populaire et rural La Terre, avant d’en être lui-même le directeur, André avait gardé l’authenticité lié au terroir, l’écoute, l’intelligence politique et la volonté permanente de cultiver le communisme originel, ce mouvement réel qui dépasse l’état de choses existant en osmose avec les citoyens, les populations, les travailleurs. Sa conception du journalisme et de La Terre était celle de l’information rigoureuse, de l’ouverture, de la pédagogie, du service et de l’aide à la réflexion. De nombreux chercheurs qui ont étudié son parcours et son action associe son nom à ce qui est appelé « le communisme rural ». Il y a du vrai dans ce terme. Cependant, André Lajoinie était le visage d’un communisme reliant en permanence l’exploité des villes et l’exploité des champs, faisant sienne l’idée marxienne de l’unité des exploités pour un processus de transformations structurelles. Combattant l’usure des corps comme celle de la terre. Il habitait à la fois, à deux pas des usines Alsthom et Râteau, dans la ville populaire de la Courneuve et dans sa permanence parlementaire de Saint-Pourçain-sur-Sioule face à la cave coopérative. Son épouse Paulette première adjointe au maire de la Courneuve permettait d’amalgamer les aspirations de celles et ceux qui habitaient ces « hautes maisons » de la cité des 4000 de La Courneuve où il habitat longtemps et ceux des multiples terroirs de France. De même, Il bénéficiait sans cesse avec bonheur, des regards critiques et des idées imprégnées de la jeunesse de son fils Laurent. Habitant actif de la cité des 4000 de la Courneuve dans les années 60, engagé avec son épouse Paulette dans plusieurs associations locales, ils labouraient profond et large le terrain de la solidarité en actes, de l’altérité, et de la production de commun entre travailleurs, jeunes, habitants d’origines, d’opinions , de religions diverses, pour faire cité ensemble, vie ensemble, ville ensemble. Produire du commun, pour l’amélioration des écoles, des logements propriété alors de la ville de Paris, pousser à la rencontre ou à l’action pour défendre les droits humains. Acteur de la campagne de ce que l’on a appelé « liberté pour les dix de Renault Billancourt » dès l’été1986, il se lança avec Pierre Goldberg le maire de Montluçon, dans une incroyable bataille contre le licenciement le 15 janvier1986, d’un jeune ouvrier de l’usine Dunlop Montluçon, Alain Clavaud. Il portait toujours haut les combats de la classe ouvrière. Le retour de son travail en circonscription des vendredis, samedis et dimanches était toujours le moment pour lui de nous apporter des brassées de réflexions à intégrer dans ses manières de s’exprimer, d’intervenir au parlement, d’enrichir les débats et les réflexions de son parti. Mais toute la semaine, le téléphone de maires de sa circonscription, d’élus communistes de toute la France, de la permanence parlementaire dans l’Allier, de la secrétaire générale du groupe communiste à l’assemblée, Mimi Pulvermacher de la rédaction et de l’administration de La Terre sonnait pour entendre remarques, opinions et propositions d’actions. Il fallait sentir le pays, sentir ce qui bruissait et bougeait. Combien de fois ne m’a-t-il surpris par ses connaissances du pays et du monde, par sa perspicacité et ses anticipations sur une multitude d’événements et de questions : l’existence du mur de Berlin, la nature des échanges internationaux ou l’écologie. Sa connaissance de la Révolution Française et sa passion pour St Just. Tant d’autres encore. Il n’était pas sans question sur la nécessité d’une métamorphose politique du parti dont il était l’un des dirigeants les plus éminents. Il revendiquait régulièrement le doute cartésien. Il milita ardemment pour réhabiliter Renaud Jean et Georges Guingoin dont il n’avait jamais supporté qu’ils fussent sanctionnés par leur parti. Ne supportant ni dogme, ni sectarisme, ni jugement à l’emporte-pièce, André éveillait sans cesse l’esprit critique, n’hésitait pas à mesurer la faiblesse de l’un de nos arguments face à un ministre à l’Assemblée nationale. S’ouvrait alors une période d’intense travail pour être convaincant. Il fallait être aussi convaincant et respectueux face à un ministre, que face à l’ouvrier de Cusset ou du paysan de Saint Pourçain. Bien plus encore que ses propres élections de député, la joie la plus grande que je l’ai vu exprimer a été cette mémorable soirée de Mars 1998, lorsque les communistes devinrent majoritaire au conseil général de L’Allier ouvrant la voie à la présidence de Jean Claude Mairal. Homme d’état, il était capable dans la même journée de discuter d’égal à égal avec des ouvriers de Renault, un ministre, un chef d’entreprise, une artiste tout en allant découvrir un film dont il avait entendu parler dans une réunion de la direction du parti communiste. Et, aucun de ses collaborateurs ne peuvent oublier les indispensables « derniers livres » qu’il fallait procurer chaque semaine à celui qui avait, enfant, appris à lire à la lueur d’une bougie dans la maison familiale. Et, une pile de livres à lire pendant les congés grandissait à l’approche du mois d’août. André puisait sa culture autant dans la rencontre avec l’autre, ouvrier, créateur, médecin, ou scientifique que dans ses nombreuses lectures. Il avait notamment beaucoup étudié l’histoire de la révolution française et l’histoire du Bourbonnais. Enfant du peuple et de la campagne, Il était de cette génération de dirigeants communistes se hissant toujours à hauteur de l’homme ou de la femme d’État par un travail permanent et collectif, par la recherche et la consultation des meilleurs spécialistes de multiples disciplines. Un travail d’apprentissage conscient et critique par souci de la novation communiste, dans un pays où elle a fait ses preuves notamment avec la sécurité sociale, le statut de la fonction publique, la construction d’Électricité de France (EDF), de la défense et la promotion de la culture. C’était un autre temps. Pourtant pas si éloigné. Il n’est jamais inutile de s’inspirer du meilleur de ces périodes. Je dois beaucoup à André Lajoinie. Je ne lui serai jamais assez reconnaissant de m’avoir fait vivre une extraordinaire expérience, de m’avoir ouvert de nouveaux horizons, après m’avoir enlevé de mon Morbihan natal. La maladie l’avait contraint depuis de nombreuses années à se retirer. Mais son leg reste immense au parti communiste, à sa fédération de l’Allier et au monde du travail des usines, des champs, de la recherche et de la création. Un exemple d’abnégation, de travail et de militantisme au service d’un communisme de notre temps. Son exemple peut et doit inspirer. À jamais je garderai en moi une part de lui-même. Pourtant à jamais il me manquera. |
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| | | | | | En vous souhaitant une bonne semaine, je vous adresse mes amicales salutations.
Patrick Le Hyaric |
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