POLITIQUE
Djordje Kuzmanovic quitte la France Insoumise
Ce proche de Jean-Luc Mélenchon dénonce le "manque profond de démocratie" au sein du mouvement.
Par Geoffroy Clavel
POLITIQUE - Il règne comme une ambiance de règlement de comptes à la France insoumise. Bousculé par ses tracas judiciaires et des résultats électoraux décevants, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon traverse en outre une zone de turbulences avec le départ ou la prise de distance de certains de ses cadres emblématiques.
Jusqu'ici orateur national de la FI en charge des questions internationales, rédacteur du programme de Défense de Jean-Luc Mélenchon pour la présidentielle, Djordje Kuzmanovic a claqué la porte du mouvement antilibéral ce mercredi 28 novembre en signant un réquisitoire assassin contre son fonctionnement interne. "Un an et demi après la magnifique campagne présidentielle de 2017, La France insoumise est dans l'impasse", tranche Djordje Kuzmanovic dans une tribune titrée "Pourquoi je quitte LFI", publiée dansMarianne dans laquelle il déplore le "manque profond de démocratie" au sein mouvement.
Désaccords sur la forme et sur la ligne
Relayant des reproches parfois exprimés par des militants de terrain, cette figure issue du Parti de Gauche, qu'il a rejoint dès 2009, mais contestée au sein de la France insoumise pour sa ligne souverainiste et dure en matière d'immigration, n'est pas tendre avec "la forme horizontale et gazeuse du mouvement", "l'opacité dans la sélection des candidats aux élections européennes" qui recouvreraient en réalité "l'extrême concentration du pouvoir aux mains d'un petit groupe de nouveaux apparatchiks et bureaucrates, aux convictions mollement sociales-démocrates, qui, parce qu'ils n'ont jamais été élus, ne peuvent pas non plus être démis de leurs fonctions".
Mais au-delà du fonctionnement interne de la France insoumise, c'est bien un désaccord sur la ligne du mouvement que veut exprimer Djordje Kuzmanovic, évincé de la liste FI aux européennes en début de semaine. Cette décision "illustre les écueils de ce mouvement en même temps qu'elle rend manifeste le conflit idéologique qui le traverse de longue date", juge-t-il.
L'ancien orateur national regrette ainsi qu'après la "stratégie populiste" qui a fait le "succès" de la campagne présidentielle, "les nouveaux cadres de la FI, arrivés avec la marée du succès et majoritairement issus du militantisme gauchiste, sont vite revenus à leurs vieux réflexes", la nécessité d'une "gauche rassemblée", ajoute-t-il.
Critiquant les "gauchistes" et les "indigénistes" qui se réjouissent de son éviction, il s'en prend à la ligne portée par certains de la "gauche rassemblée, insistant sur l'intersectionnalité et la non-hiérarchisation des luttes, c'est-à-dire le refus de faire primer le social sur le sociétal" et qui aurait conduit le mouvement "à s'abîmer dans des combats secondaires, voire marginaux".
Fractures pré-européennes
Ironie du sort, cette critique de la "gauche rassemblée" avait été exprimée par Jean-Luc Mélenchon lui-même pour expliquer la défaite de la candidate de la France insoumise lors de l'élection législative partielle de dimanche dernier dans l'Essonne.
Depuis sa création, la France insoumise est écartelée entre deux stratégies politiques antagonistes, l'une dite "populiste" visant à enjamber le clivage gauche-droite en s'appuyant sur la colère populaire, l'autre dite de "l'union de la gauche" visant à fédérer les voix de la gauche autour de la France insoumise. Deux lignes s'affrontent également autour de la question européenne, certains préférant une renégociation complète des traités dans le cadre de l'UE, d'autres privilégiant une rupture pure et simple.
C'est dans ce contexte que d'autres cadres de la FI ont récemment annoncé leur départ ou une prise de distance. L'économiste de la FI Liêm Hoang Ngoc, très actif pendant la campagne présidentielle, avait ouvert le bal en critiquant la place réservée à sa sensibilité sur la liste européenne.
Pressentie pour prendre la tête de la liste Insoumise aux européennes, Charlotte Girard, amie de Djordje Kuzmanovic et figure de proue du mouvement, y a finalement renoncé pour des raisons en partie personnelles. "Il faudrait un espace de réflexions collectives. Ce sont des choses qu'on commence à se dire. Ma décision le permet", avait-elle confié à des journalistes, elle qui avait notamment critiqué fin août l'arrivée sans débat dans la campagne des Européennes de Sophia Chikirou, la conseillère en communication de Jean-Luc Mélenchon. "Charlotte Girard a fait l'expérience de ce chaos organisé, à la fois inefficace et anti-démocratique, préférant jeter l'éponge plutôt que de mener la liste dans ces conditions", juge aujourd'hui Djordje Kuzmanovic.
Sarah Soilihi, initialement située en neuvième place sur la liste des femmes, a pour sa part claqué la porte début novembre pour rejoindre le mouvement Génération.s de Benoît Hamon, en affirmant que "la France insoumise se replie sur elle-même".
Face à ces retraits, la France insoumise a décidé de faire le ménage sur ses listes électorales en vue des élections européennes, sanctionnant notamment les prises de parole publiques jugées trop critiques envers le mouvement. Sur la même ligne que Djordje Kuzmanovic, François Cocq s'est vu privé de sa place aux européennes par le comité électoral de la France insoumise "suite à des prises de positions publiques sur les réseaux sociaux et dans Le Figaro".
Si beaucoup de ces signaux sont imputés aux déceptions suscitées par la liste des européennes, certains redoutent une crise beaucoup plus profonde. "Il y a quelque chose dans l'air, entre les affaires, le pilotage sectaire et l'effondrement personnel de Mélenchon suite aux perquisitions, s'inquiète un cadre du mouvement cité par l'AFP. C'est la question de la mort de LFI qui est en question".
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