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jeudi 19 avril 2018

Spectaculaire reprise des relations entre les Etats-Unis et la Corée du Nord......La nouvelle stature de Kim Jong-un

19 avril 2018

Spectaculaire reprise des relations entre les Etats-Unis et la Corée du Nord

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 Le directeur de la CIA et secrétaire d'Etat désigné, Mike Pompeo, a rencontré discrètement le leadeur nord-coréen, le 1er avril
 Une entrevue, jusque-là impensable, de Donald Trump et de Kim Jong-un d'ici au mois de juin est devenue très probable
 Le rôle de la Corée du Sud a été -décisif, et Kim Jong-un est allé chercher en mars l'appui et les conseils du président chinois
 La vive tension entre Washington et Pyongyang est retombée ; le Japon, sur une ligne dure, reste isolé
Page 2 et analyse page 22
© Le Monde





19 avril 2018

Washington et Pyongyang reprennent contact

Le futur secrétaire d'Etat américain, Mike Pompeo, a rencontré Kim Jong-un en Corée du Nord

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Le patron de la CIA – et secrétaire d'Etat désigné –, Mike Pompeo, a été envoyé par le président Donald Trump lors du week-end de Pâques (30  mars et 1er  avril) pour rencontrer le dirigeant Kim Jong-un en Corée du Nord. C'est ce qu'a révélé le Washington Post, mardi 17  avril, sur la foi de sources concordantes. Le voyage a eu lieu après que M. Pompeo a été désigné secrétaire d'Etat.
Cette information, non confirmée officiellement mais reprise par toute la presse, est cohérente avec les propos tenus par M.  Trump, mardi, lors d'un point presse avec le premier ministre japonais, Shinzo Abe, qu'il recevait dans son golf de Mar-a-Lago, en Floride : " Nous avons eu des discussions directes à un très haut niveau, à un niveau extrêmement élevé avec la Corée du Nord. "
L'affaire rend de plus en plus probable la rencontre entre MM. Trump et Kim, " début juin ou un peu avant, en supposant que les choses aillent bien ", a déclaré le président américain. Le site de ce sommet historique n'est pas fixé. " Nous envisageons cinq lieux différents, a dit M.  Trump. Je crois vraiment qu'il y a beaucoup de bonne volonté. Nous verrons ce qu'il advient, comme je dis toujours. Car à la fin, c'est le résultat qui compte. "
Les contacts ont été noués par la voie des services secrets, entre la CIA et son homologue nord-coréen, le Bureau de reconnaissance générale. Ils sont aussi passés par les services sud-coréens, notamment par leur patron, Suh Hoon, qui aurait transmis l'invitation de Kim Jong-un à Donald Trump. Ce contact entre Kim Jong-un et M.  Pompeo serait la rencontre de plus haut niveau, depuis que Madeleine Albright, secrétaire d'Etat de Bill Clinton, avait été reçue par Kim Jong-il, le père de Kim Jong-un, en  2000 à Pyongyang : la chef de la diplomatie avait tenté de convaincre le dirigeant de renoncer à ses essais de missile. L'arrivée de George W.  Bush au pouvoir deux mois plus tard avait marqué la fin de cette phase de ce timide réchauffement.
Le rôle de Séoul est décisifKim Jong-un avait effectué, avant la rencontre avec M. Pompeo, une visite à Pékin, les 26 et 27  mars, qui n'avait été confirmée qu'après le départ de M. Kim dans son train blindé. Accompagné par son épouse, il avait rencontré le président chinois Xi Jinping. Cette visite suggérait que la Corée du Nord cherchait à ménager son grand voisin avant de se rapprocher de Washington.
Lors de sa récente audition par le Sénat, M.  Pompeo s'était dit " optimiste que le gouvernement des Etats-Unis puisse créer les conditions appropriées pour que le président et le leadeur nord-coréen puissent avoir cette conversation, qui nous dirigerait vers l'obtention d'un résultat diplomatique dont l'Amérique et le monde ont si désespérément besoin ".
Le rôle de Séoul est décisif. Dès avant son élection à la présidence le 9  mai 2017, le progressiste Moon Jae-in avait fait part de son intention de tendre la main à M. Kim. Cet effort fut d'abord difficile à porter – en septembre, M.  Trump le raillait sur Twitter :" La Corée du Sud découvre, comme je leur ai dit, que leur discours d'apaisement avec la Corée du Nord ne marchera pas, ils ne comprennent qu'une chose ! "
Mais le dirigeant nord-coréen a saisi la main tendue dans un discours télévisé le 1er  janvier, en disant vouloir envoyer une délégation aux Jeux olympiques d'hiver de Pyeongchang, le mois suivant. La sœur du dirigeant, Kim Yo-jong, avait transmis lors de la cérémonie d'ouverture une invitation à M. Moon à rencontrer son frère. Le sommet se tiendra le 27  avril sur la zone démilitarisée, à Panmunjom, où fut signée l'armistice de la guerre de Corée en  1953.
Selon la presse sud-coréenne, Séoul et Pyongyang prépareraient dans un premier temps une annonce de nature à réduire les tensions : les observateurs estiment que les Corées voudraient un plan qui garantisse la sécurité de la Corée du Nord et un traité de paix en échange de la dénucléarisation. Le chef de cabinet de M. Moon, Im Jong-seok, a confirmé mardi que Kim Jong-un est bien disposé à faire apparaître le terme " dénucléarisation " dans le communiqué conjoint qui sera rendu public à l'issue du sommet du 27  avril.
" Bénédiction " de Trump" La Corée du Sud a des projets de rencontre avec la Corée du Nord pour voir s'ils peuvent mettre fin à la guerre. Et ils ont ma bénédiction à ce sujet ", a indiqué mardi M. Trump, signalant que " les gens ne réalisent pas que la guerre de Corée ne s'est pas terminée. "
Les sceptiques jugent improbable que M. Kim renonce à un arsenal que son pays a passé des décennies à développer et à un statut de puissance nucléaire qu'il a lui-même fait inscrire dans la Constitution. Et ce d'autant que l'administration de M. Trump, en menaçant régulièrement l'accord sur le nucléaire iranien, montre qu'elle ne voit en ce type d'engagement pas plus qu'un vulgaire bout de papier. Il sera d'autant plus difficile d'assurer à M. Kim que son régime sera en sécurité une fois qu'il aura renoncé à ses armes.
Toutefois, M.  Moon fait le pari que le contexte est favorable. La Corée du Nord a déjà réalisé avec succès au moins trois tirs de missiles intercontinentaux et procédé à six essais nucléaires. La nécessité de régler le problème nord-coréen n'a de fait jamais été aussi pressante pour les Etats-Unis. M.  Trump pourrait en cas d'accord se féliciter du succès de sa politique de " pression maximale " tandis que Pyongyang se targuerait d'avoir traité d'égal à égal avec Washington et obtenu le respect et la sécurité.
D'autant que l'alignement de faucons côté américain – notamment M. Pompeo et John Bolton, le nouveau conseiller à la sécurité nationale – fait planer la menace de sanctions encore renforcées et difficiles à accepter pour la population si le dirigeant nord-coréen venait à quitter la table des négociations. Les experts jugent que toute la difficulté résidera non dans l'engagement théorique à la dénucléarisation mais dans l'établissement du calendrier permettant d'y parvenir et des vérifications auxquelles Pyongyang voudra bien se soumettre en chemin.
Arnaud Leparmentier, et Harold Thibault (à paris)
© Le Monde

19 avril 2018

La nouvelle stature de Kim Jong-un

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La République populaire démocratique de Corée (RPDC) sort de son isolement et Kim Jong-un, qui passait pour un lunatique belliqueux, commence à apparaître comme l'initiateur, avec le président sud-coréen Moon Jae-in, d'une évolution aussi rapide qu'inattendue de la situation dans la péninsule coréenne. Sa rencontre, annoncée par la presse américaine, avec Mike Pompeo, secrétaire d'Etat désigné qui fait suite à la visite à Pyongyang du président du Comité olympique, Thomas Bach, qui a annoncé la participation de la RPDC aux Olympiades de 2020 et 2022 puis de ses premiers entretiens à Pékin avec le président Xi Jinping à la veille des sommets – avec Moon Jae-in le 27  avril, puis Donald Trump en mai ou juin –, confirment qu'un processus diplomatique d'envergure est en cours.
Le cadre d'une reconfiguration de la donne géostratégique en Asie de l'Est, rendue impérative par l'apparition d'une nouvelle puissance disposant de capacités nucléaires, prises au sérieux désormais par les Etats-Unis et leurs alliés, se met en place. Mais le processus sera laborieux tant les enjeux sont complexes, et les positions divergentes. Jusqu'à présent, hormis les notes écrites des membres de délégation sud-coréenne au cours de leur rencontre avec Kim Jong-un en mars, ce dernier n'a donné aucune indication sur ses intentions précises. Que recouvre son apparente flexibilité ? Il s'est déclaré favorable à une dénucléarisation. Mais s'agit-il d'une dénucléarisation unilatérale ou bien d'une dénucléarisation de toute la péninsule, portant donc aussi sur la protection nucléaire américaine de la Corée du Sud ?
Il reste que sa stratégie semble moins improvisée que parfaitement orchestrée. " La force nucléaire est avant tout une carte pour négocier d'égal à égal avec les Etats-Unis. C'est l'ambition de Pyongyang depuis la guerre de Corée - 1950-1953 - ",rappelle Andreï Lankov, de l'université Kookmin à Séoul. Ayant atteint un palier en matière nucléaire et balistique en  2017, Kim Jong-un estime qu'il peut négocier en position de force. Après avoir relancé le dialogue avec la Corée du Sud, puis " utilisé Séoul pour reprendre langue avec les Etats-Unis ", selon Kim Sung-han, ancien vice-ministre des affaires étrangères sud-coréen, et obtenu l'accord de Donald Trump pour la tenue d'un sommet, il a assuré ses arrières en se rapprochant de la Chine.
Alors que les essais nucléaires et balistiques nord-coréens avaient entraîné une phase de tension et le renforcement des sanctions chinoises, ce réchauffement des relations entre Pékin et Pyongyang confirme que toute redistribution des cartes en Asie de l'Est ne se fera pas sans l'aval de la Chine. L'attitude " paternaliste " de Xi Jinping déplaît souverainement aux dirigeants nord-coréens, mais l'appui de Pékin leur est vital d'un point de vue stratégique et économique pour poursuivre un redressement enrayé par les sanctions. L'arme nucléaire garantit la sécurité du régime mais non la prospérité promise par Kim Jong-un lors de son accession au pouvoir en  2012. Si des pourparlers s'amorcent, la Chine a de bonnes raisons pour diminuer les sanctions ou, en tout cas, ne pas en prendre de nouvelles. La Russie également.
Une convergence d'intérêts favorise le rapprochement sino-nord-coréen, estime l'analyste Yun Sun du Stimson Center à Washington. A un moment où les relations sino-américaines s'enveniment sur le plan économique, la carte nord-coréenne est un atout pour Pékin. Il en va de même pour la Russie, mise au ban de la communauté internationale par Washington et ses alliés. Ces antagonismes entre grandes puissances accroissent la marge de manœuvre de Pyongyang.
positions diamétralement opposéesLe retour " dans la boucle " de la Chine soulage la Corée du Sud pour laquelle il est impératif que les puissances régionales donnent une caution multilatérale aux engagements afin de ne pas se retrouver seule en première ligne. Conforté par l'aval chinois et russe aux pourparlers qui s'annoncent, le président Moon poursuit son action médiatrice dans la préparation de la rencontre entre Kim Jung-un et Donald Trump dont le sommet intercoréen de fin avril sera en quelque sorte le " lever de rideau " en permettant de baliser le champ de la négociation sur la question nucléaire.
Les positions américaine et nord-coréenne sont opposées : Washington exige de la RPDC qu'elle abandonne son arme nucléaire, tandis que celle-ci demande une remise à plat de l'ordre de la guerre froide en Asie de l'Est – dont le retrait des troupes américaines de Corée du Sud, voire du Japon (ce qui n'est pas pour déplaire à Pékin…). Le compromis sera d'autant plus difficile que les frappes sur son allié syrien n'incitent guère Pyongyang à renoncer à sa force de dissuasion. Le silence des médias officiels sur ce qu'auparavant elles qualifiaient d'" agression intolérable ", justifiant ainsi son arme nucléaire, témoigne de son souci d'éviter les provocations à la veille des sommets.
Quelles concessions Kim Jong-un est-il prêt à faire ? " Verbalement, beaucoup. Il sait que Donald Trump a besoin d'un succès spectaculaire à mettre à son actif ", avance Go Myong-hyun, chercheur à l'Asian Institute for Policy Studies à Séoul. " Kim Jong-un, lui, veut gagner du temps. Il peut prendre des engagements, mais le démantèlement des installations et les inspections ne se feront pas du jour au lendemain. En attendant, il peut obtenir la levée partielle des sanctions et la normalisation des relations avec les Etats-Unis. " Un " deal " d'homme à homme entre Kim Jong-un et -Donald Trump est possible mais, une fois le soufflé retombé, il faudra concrétiser les engagements. Et là commenceront les difficultés. " Le diable est dans les détails "rappelle, sceptique, l'analyste Shim Jae-hoon, à Séoul.
Philippe Pons
© Le Monde

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