Le Sénat a adopté dans la nuit du 18 au 19 avril en première lecture une proposition de loi controversée sur le secret des affaires, en allant même au-delà du texte voté le 28 mars par l'Assemblée nationale. Ce texte, destiné à transposer en droit français une directive européenne de juin 2016, donne une définition large des informations qui doivent être protégées de la concurrence et prévoit l'indemnisation du préjudice civil de l'entreprise victime en cas de détention illégale ou divulgation d'un tel secret.
La proposition de loi, signée Raphaël Gauvain, député de la majorité, a provoqué de très vives oppositions, en raison de craintes pour la liberté d'informer et d'entraves mises aux lanceurs d'alerte.
Un grand nombre de sociétés de journalistes (dont celles du
Monde, de Radio France ou des
Echos), le Syndicat national des journalistes ainsi que de nombreuses associations de défense des libertés et de lutte contre la corruption (Transparency International, la Ligue des droits de l'homme, Greenpeace, etc.) ont signé lundi 16 avril une lettre ouverte au président de la République pour dénoncer un texte qui inverse les principes, où
" le secret devient la règle, et les libertés des exceptions ". Selon cette lettre,
" des scandales tels ceux du Mediator, du bisphénol A ou des “Panama Papers” pourraient ainsi ne plus être portés à la connaissance des citoyens ".
Nicole Belloubet, ministre de la justice, a réaffirmé mercredi devant le Sénat que cette transposition est
" équilibrée " et ne comporte
" aucune restriction des libertés publiques ". La proposition de loi prévoit de fait que le secret des affaires n'est pas opposable lorsque l'obtention ou la divulgation d'une information est
" intervenue pour exercer le droit à la liberté d'expression et de communication, y compris le respect de la liberté de la presse, et à la liberté d'information ".
Procédures " bâillons "Contre l'avis du gouvernement, le Sénat a durci le texte en élargissant la définition du secret des affaires aux informations qui ont
" une valeur économique ", alors que le texte initial parlait de
" valeur commerciale ". Le Sénat a également supprimé l'article introduit à l'Assemblée pour instaurer une amende civile destinée à sanctionner les procédures abusives qui seraient intentées contre journalistes et lanceurs d'alerte.
Ces
" procédures bâillons ", même si elles échouent au fond, sont destinées à décourager associations et organes de presse en raison du coût des procédures judiciaires. Une commission mixte paritaire devrait être convoquée pour trouver un compromis entre les deux assemblées.
Jean-Baptiste Jacquin
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