28.avril.2018 //
En politique comme dans les entreprises, “les médiocres ont pris le pouvoir”, par Alain Deneault
Source : Télérama, Alain Deneault, Michel Abescat, 07/12/2015
Propos recueillis par Michel Abescat
Sous le règne de la médiocratie, la moyenne devient une norme, le compromis domine : idées et hommes deviennent interchangeables. Il faut résister à la révolution anesthésiante, alerte le philosophe Alain Deneault.
C’est d’une « révolution anesthésiante » qu’il s’agit. Celle qui nous invite à nous situer toujours au centre, à penser mou, à mettre nos convictions dans notre poche de manière à devenir des êtres interchangeables, faciles à ranger dans des cases. Surtout ne rien déranger, surtout ne rien inventer qui pourrait remettre en cause l’ordre économique et social.
« Il n’y a eu aucune prise de la Bastille, rien de comparable à l’incendie du Reichstag, et l’Aurore n’a encore tiré aucun coup de feu, écrit le philosophe Alain Deneault qui enseigne la pensée critique en science politique à l’Université de Montréal. Pourtant, l’assaut a bel et bien été lancé et couronné de succès : les médiocres ont pris le pouvoir. »Explications.
Qu’entendez-vous par « médiocratie » ?
En français, il n’existe pas d’autre mot que celui de « médiocrité » pour désigner ce qui est « moyen ». « Supériorité » renvoie à ce qui est supérieur, « infériorité » à ce qui est inférieur, mais « moyenneté » ne se dit pas. Il y a pourtant une distinction sémantique entre la moyenne et la médiocrité, car la moyenne relève le plus souvent d’une abstraction : revenu moyen, compétence moyenne, c’est-à-dire une place au milieu d’une échelle de valeurs. La médiocrité, en revanche, est la moyenne en acte.
La médiocratie désigne ainsi un régime où la moyenne devient une norme impérieuse qu’il s’agit d’incarner. C’est l’ordre médiocre érigé en modèle. Il ne s’agit donc pas pour moi de stigmatiser qui que ce soit, mais plutôt de comprendre la nature de cette injonction à être médiocre qui pèse aujourd’hui sur des gens qui ne sont pas forcément enclins à l’être.
Quelle est cette injonction ? D’où vient-elle ?
La médiocratie vient d’abord de la division et de l’industrialisation du travail qui ont transformé les métiers en emplois. Marx l’a décrit dès 1849. En réduisant le travail à une force puis à un coût, le capitalisme l’a dévitalisé, le taylorisme en a poussé la standardisation jusqu’à ses dernières logiques. Les métiers se sont ainsi progressivement perdus, le travail est devenu une prestation moyenne désincarnée.
Aux yeux d’un grand nombre de salariés, qui passent de manière indifférente d’un travail à un autre, celui-ci se réduit à un moyen de subsistance. Prestation moyenne, résultat moyen, l’objectif est de rendre les gens interchangeables au sein de grands ensembles de production qui échappent à la conscience d’à peu près tout le monde, à l’exception de ceux qui en sont les architectes et les bénéficiaires.
A l’origine de la médiocratie, vous insistez également sur la montée en puissance de la « gouvernance »…
C’est le versant politique de la genèse de la médiocratie. D’apparence inoffensive, le terme de gouvernance a été introduit par Margaret Thatcher et ses collaborateurs dans les années 80. Sous couvert de saine gestion des institutions publiques, il s’agissait d’appliquer à l’Etat […]
Suite à lire sur : Télérama, Alain Deneault, Michel Abescat, 07/12/2015
Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s'arrête aux propos que nous reportons ici. [Lire plus]
Commentaire recommandé
Ils font tout pour empêcher de parler ceux qui réfléchissent et risquent de dévoiler leur médiocrité. Quant à ceux qui ont un vrai projet pour la France, ils sont réduits au silence ou trainés dans la boue, accusés notamment de “complotisme” et de toutes sortes de “phobismes”.
Les médiocres sont intellectuellement paresseux et sont soumis au pouvoir mondialiste de la finance dont ils espèrent quelques récompenses. Les médiocres renoncent aux projets constructifs et à la lutte, ils ne font que mettre en application la vision du monde de leurs maîtres. Ils confondent combat et agressivité. Faute d’autorité ils sont autoritaristes. Ils n’aiment qu’eux-mêmes et l’image qu’ils en ont ou croient avoir. Ils sont tout dans une réussite éphémère, égoïste et narcissique, et les autres ne sont rien.