Bientôt un an après l'élection d'Emmanuel Macron, les Français ont eu le temps de prendre du recul et d'évaluer les effets du séisme politique de 2017. Or leur jugement est pour le moins mitigé et témoigne de la persistance d'un grand scepticisme.
Tel est le principal enseignement d'une enquête réalisée par Ipsos Public Affairs auprès d'un échantillon de 1 505 personnes, interrogées du 19 au 22 mars, pour l'association Lire la politique à l'occasion de la 27e Journée du livre politique, organisée -samedi 7 avril à l'Assemblée -nationale.
Une campagne déplorable Le premier constat, très sévère, porte sur la campagne présidentielle elle-même. A l'évidence, elle n'a pas laissé aux Français un souvenir positif. Ainsi, 42 % d'entre eux la qualifient aujourd'hui de
" malsaine " et de
" conflictuelle ", 35 % d'
" agressive " et 22 % de
" diffamatoire ". Si 30 % jugent qu'elle a été
" surprenante ", 7 % seulement déclarent qu'elle a été
" constructive " et 6 % qu'elle a
" traité de sujets de fond ".
Même les sympathisants de La République en marche (LRM) ne se démarquent pas franchement, sur ce point, des autres sondés : s'ils sont nettement moins nombreux (27 %) à juger que la campagne a été malsaine, ils ne sont que 14 % à déclarer qu'elle a été -constructive et seulement 11 % pensent qu'elle a traité des sujets de fond.
Une recomposition fragile Le jugement n'est pas beaucoup plus encourageant sur l'impact à court et moyen terme des changements provoqués par l'élection de M. Macron et le scrutin législatif qui a suivi. Ainsi, 47 % des personnes interrogées (contre 53 % d'avis contraire) estiment que la recomposition politique déclenchée par ces deux élections est
" profonde " et 44 % la jugent
" durable ". Ils ne sont même qu'un gros tiers (38 %, contre 62 % d'avis contraire) à estimer que cette recomposition
" va permettre de vraiment améliorer les choses en France ".
Seuls les sympathisants de LRM se distinguent de façon spectaculaire de cette morosité générale. Ils sont, en effet, 77 % à juger que les changements politiques de ces derniers mois sont profonds, 82 % à déclarer qu'ils seront durables et 80 % qu'ils auront un impact concret sur la vie des Français. Chez eux, l'enthousiasme suscité par l'élection de leur champion est quasiment intact.
Un clivage droite-gauche vivace La volonté du candidat puis du président Macron de dépasser le clivage qui structure depuis des décennies la vie politique nationale a bousculé les grilles de lecture des Français. A première vue, le message présidentiel a été largement reçu : 70 % des sondés assurent que le clivage droite gauche
" ne veut plus dire grand-chose aujourd'hui ". Ce sentiment est nettement majoritaire dans toutes les catégories de l'électorat : 56 % chez les sympathisants de La France insoumise (LFI), 63 % chez les socialistes, 67 % chez Les Républicains (LR), 74 % chez ceux de LRM et 76 % chez ceux du Front national (FN).
Mais, pour autant, les mêmes personnes assurent à 71 %, et de façon assez homogène, qu'être de gauche et de droite,
" ce n'est pas pareil ". De même, 62 % considèrent qu'il existe entre ces deux grandes familles politiques
" de vraies différences ". D'ailleurs, quand on demande aux Français de se positionner sur une échelle droite gauche de 1 à 10, ils n'hésitent guère : 32 % se classent à gauche, 37 % à droite et 29 % au centre (22 % assurant, par ailleurs, n'être ni à gauche, ni à droite, ni au centre).
Une dérive du parti présidentiel La perception par les Français de LRM après une dizaine de mois d'exercice du pouvoir a sensiblement évolué. En mars 2017, 12 % jugeaient ce parti très à gauche ou à gauche ; ils ne sont plus que 5 % ; 9 % le situaient au centre gauche, ce pourcentage n'a pas varié. En revanche, 33 % classaient LRM au centre ; ils ne sont plus que 21 %.
De même, 13 % situaient le parti présidentiel au centre droit et 15 % à droite en mars 2017 ; désormais, ils sont respectivement 25 % et 20 %, tandis que 5 % le jugent, comme hier, très à droite. Indéniablement, les premières réformes emblématiques, fiscales et sociales, du gouvernement ont fortement modifié l'image du parti macroniste : un tiers des Français le classaient à droite il y a un an ; ils sont désormais 50 %.
Un pessimisme tenaceEmmanuel Macron avait l'ambition de redonner aux Français confiance dans l'avenir. Or on est encore loin du compte. Sur une échelle de 1 à 10, ils sont en effet 24 % à s'afficher nettement optimistes sur leur avenir personnel (notes de 1 à 4), tandis que 43 % (et jusqu'à 55 % des ouvriers) se déclarent franchement pessimistes sur leur avenir personnel (notes de 7 à 10). Entre ces deux groupes, 33 % restent incertains (réponses de 5 à 6).
De même, M. Macron a fait de la défense et de la relance de l'Union européenne (UE) l'une des orientations les plus vigoureuses de son action. Là encore, le doute reste fort. Une majorité seulement relative des sondés (44 %, et jusqu'à 69 % chez les sympathisants de LRM) juge que l'appartenance de la France à l'UE est une bonne chose, contre 32 % que ce n'est ni une bonne, ni une mauvaise chose et 24 % une mauvaise chose.
Mais 48 % jugent que l'appartenance à l'Union européenne a plutôt tendance à
" aggraver les effets des crises économiques, diplomatiques et environnementales ", contre 36 % qui estiment qu'elle a un effet protecteur et 16 % qu'elle n'a pas d'impact. Globalement, le professeur Macron va donc devoir faire un sérieux effort de pédagogie pour convaincre les Français des bienfaits de son action.
Gérard Courtois
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