Se réjouir ou s'inquiéter. Applaudir une croissance planétaire qui se raffermit ou s'alarmer des risques qui s'accumulent à l'horizon. Ce va-et-vient devrait marquer les traditionnelles assemblées de printemps du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, cette semaine, à Washington. La présentation des dernières prévisions économiques du FMI, mardi 17 avril, a donné le ton.
Lancée sur de bons rails, la reprise ne faiblit pas. Après une croissance du produit intérieur brut (PIB) mondial de 3,8 % en 2017 – la plus rapide depuis 2011 –, le FMI table sur 3,9 % en 2018 et 2019. Les raisons de cet élan ? Elles sont multiples, de la reprise de l'investissement aux conditions toujours favorables sur les marchés, en dépit du retour d'une certaine volatilité.
Les économies avancées ont surpris à la hausse ces derniers mois. Cette année et la suivante, elles devraient progresser au-delà de leur potentiel. Déjà au plein-emploi, les Etats-Unis toucheront les dividendes de la réforme fiscale et devraient enregistrer une croissance de 2,9 % puis de 2,7 %. Même optimisme pour la zone euro, toujours soutenue par une politique monétaire très accommodante : son PIB devrait augmenter de 2,4 % en 2018 et de 2 % en 2019 (2,1 % et 2 % pour la France).
Les perspectives restent solides pour l'Asie, qui demeurera le principal moteur de l'activité mondiale. La Chine ralentira un peu, tout en maintenant une vitesse de croisière élevée. Ailleurs, les pays exportateurs de matières premières devraient sortir la tête de l'eau. Cette éclaircie générale se lit aussi dans les chiffres du commerce mondial. En 2017, les échanges mondiaux de biens et de services ont progressé de 4,9 %, tirés notamment par les pays émergents. Un rebond vigoureux après une année noire, en 2016, à + 1,3 %. La dynamique devrait se poursuivre cette année et la suivante.
" Le tableau général est actuellement lumineux, notait la directrice générale du FMI, Christine -Lagarde, dans un discours prononcé la semaine dernière à Hongkong.
Mais nous pouvons voir des nuages plus sombres pointer à l'horizon. "
Des tensions commercialesLe rapport du FMI souligne que les risques susceptibles d'influencer négativement ce scénario l'emportent sur les facteurs positifs. En bonne place figurent les tensions commerciales, à l'heure où l'administration américaine semble vouloir se lancer dans une offensive tous azimuts contre la Chine.
L'atmosphère est aussi alourdie par le dossier des droits de douane sur les importations américaines d'acier et d'aluminium. Le président américain, Donald Trump, doit préciser d'ici le 1er mai le sort qu'il entend réserver à ses partenaires bénéficiant d'exemptions temporaires. Parmi eux, la zone euro espère bien en bénéficier définitivement, et entend profiter des réunions de Washington pour faire à nouveau passer le message.
Laisser ces tensions dégénérer en guerre commerciale serait
" un échec politique collectif inexcusable ", a martelé Mme Lagarde à -Hongkong. Un échec potentiellement néfaste pour la croissance mondiale : une augmentation des barrières tarifaires et non tarifaires pourrait
" nuire à la confiance sur les marchés, perturber les chaînes de valeur mondiales, et ralentir la diffusion de nouvelles technologies, réduisant la productivité et l'investissement au niveau mondial ", insiste le rapport du FMI.
Jusqu'ici, les menaces relèvent encore largement du domaine rhétorique, à l'exception de quelques mesures sur les importations américaines de machines à laver et de panneaux solaires. Mais une escalade pourrait interrompre la bonne marche du commerce international, mettait en garde l'Organisation mondiale du commerce, le 12 avril. En mars, l'indice des commandes -mondiales à l'exportation a reculé. Une réaction possible au
" degré plus élevé d'incertitude lié à l'aggravation des tensions commerciales ", analysait le gendarme des échanges internationaux.
A l'unisson, le FMI exhorte à préserver le système multilatéral. Et à résorber les déséquilibres, non par l'imposition de droits de douane, mais par des politiques macroéconomiques. Car un déficit commercial, observe l'institution, est avant tout le reflet d'un pays qui dépense plus que les revenus qu'il génère.
Un ralentissement inéluctableLes Etats-Unis sont donc appelés à accroître leurs recettes budgétaires pour pouvoir faire face à l'augmentation stratosphérique de leur dette et leurs déficits. En zone euro, l'Allemagne est incitée à utiliser ses vastes surplus commerciaux pour augmenter le volume de ses investissements publics.
La concertation internationale est d'autant plus nécessaire que d'autres menaces pèsent sur la reprise. Entre autres, celle d'une correction sur les marchés, si l'inflation et les taux d'intérêt aux Etats-Unis remontent plus vite que prévu. Un retour de bâton qui exposerait particulièrement les économies les plus endettées. Les épisodes de fortes turbulences enregistrés par les Bourses mondiales en février et en mars en ont fourni un avant-goût.
Outre ces risques, la croissance mondiale devrait inéluctablement ralentir au-delà des deux prochaines années. Les conditions financières deviendront plus restrictives à mesure que les banques centrales poursuivent la normalisation de leurs politiques monétaires. La plupart des économies avancées devraient enregistrer des performances inférieures aux rythmes d'avant-crise, pénalisées par le vieillissement de leurs populations et une productivité en berne.
" La conjoncture favorable actuelle offre une fenêtre pour adopter des politiques et des réformes qui protègent la reprise ", conclut le FMI.
Marie de Vergès
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire