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vendredi 13 avril 2018

La social-démocratie entre en résistance


13 avril 2018

La social-démocratie entre en résistance

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Par une coïncidence fortuite, François Hollande réapparaît dans le débat public au moment où Emmanuel Macron rencontre ses premières difficultés sociales. La publication des mémoires de l'ancien président, Les leçons du pouvoir (Stock, 288 p., 22  euros) intervient alors que la SNCF est en grève, que des universités sont bloquées et que l'actuel président perd en popularité chez les retraités et parmi les classes moyennes et populaires.
Cette concomitance simplifie le travail de réhabilitation que mène M. Hollande en instruisant le procès en trahison de son successeur : Emmanuel Macron a beau avoir été nourri en son sein, il a beau avoir été l'un des personnages-clés du précédent quinquennat, il ne peut apparaître, aux yeux de l'ex-président, comme le transformateur d'une social-démocratie qui aurait échoué, il ne peut être l'héritier de la gauche.
Risque calculéLe ralliement d'une grande partie de l'électorat socialiste à la bannière macroniste lors du premier tour de la présidentielle aurait pu le laisser croire. De même que l'entrée au gouvernement d'anciennes figures du PS comme Gérard Collomb et même d'anciens hollandais comme Jean-Yves Le Drian. Ou encore la difficulté éprouvée par le Parti socialiste à se positionner face au nouveau pouvoir lors du vote de confiance au gouvernement Philippe.
Mais au fil des mois, la social-démocratie est entrée en résistance. En dépit de son affaiblissement historique, elle a signifié qu'elle ne se laisserait pas fondre dans le social-libéralisme. C'est ce qu'Olivier Faure, le nouveau patron du PS, dit lorsqu'il constate  qu'" avec Macron, les Français de gauche pensaient avoir voté pour Mendès France et ils se sont réveillés avec Juppé ", ou qu'il résume le macronisme en trois mots : " Libéralisme, individualisme, bonapartisme ".
La cassure s'est produite en trois occasions : lors de la remise en cause des emplois aidés et de l'aide personnalisée au logement l'été dernier, lors du débat budgétaire de l'automne où le PS a bataillé ferme contre la suppression de l'ISF et l'instauration de la " flat tax ", et lors de la préparation du projet de loi sur l'asile et l'immigration au cours duquel les socialistes ont relayé l'indignation des associations d'aide aux migrants.
Sur les deux premiers sujets, François Hollande est sorti très tôt de sa réserve, comme lors d'un déplacement à Séoul en octobre  2017 pour mettre en garde contre le risque d'un creusement des inégalités. Cette prise de distance marque la première année du quinquennat : élu sur un positionnement " et de gauche et de droite " qui visait à effacer " l'ancien monde ", Emmanuel Macron s'est éloigné, en se déportant à droite, de ceux qui l'avaient vu naître en politique et peut-être même fait naître.
Le risque est calculé car le président table sur les divisions de la gauche, cette mosaïque qui va de Jean-Luc Mélenchon à Olivier Faure en passant par Benoît Hamon, pour tenir la social-démocratie dans un état structurellement faible et parachever la recomposition qui le laisserait seul face à Marine Le Pen. Mais lorsque François Hollande affirme : " L'ancien monde c'est le mien, il a de l'avenir ", on comprend que la reconquête, millimètre après millimètre, du terrain perdu est lancée, à partir des fautes de l'adversaire, mais pas que. Il faudra aussi un réarmement idéologique dont on peine aujourd'hui à percevoir les contours. C'est tout le problème de la social-démocratie.
par Françoise Fressoz
© Le Monde

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