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vendredi 13 avril 2018

Asile-immigration : le ton se durcit au sein de LRM


13 avril 2018

Asile-immigration : le ton se durcit au sein de LRM

Le patron du groupe a rappelé à l'ordre les élus les plus critiques envers le texte

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Des députés libres de leur parole mais en même temps disciplinés. Le délicat équilibre sur lequel repose la vie du groupe La République en marche (LRM) à l'Assemblée nationale subit depuis quelques semaines d'importantes turbulences. A tel point que Richard Ferrand, président du groupe majoritaire, a durci le ton à l'égard de ses troupes ces derniers jours. A mots couverts, il a menacé d'exclusion ceux qui rechigneraient à soutenir la ligne politique du gouvernement. " On ne fait jamais d'omelettes sans casser des œufs, et s'il faut casser des œufs, je le -ferai ! ", a prévenu le député du Finistère lors d'une réunion du groupe qui s'est tenue mardi 11  avril.
La raison de ce sec rappel à l'ordre réside dans une situation inédite à l'échelle de la courte histoire du groupe LRM. Depuis plusieurs semaines, les tensions sont vives au sujet du projet de loi asile-immigration en cours d'examen à l'Assemblée. " C'est encore plus difficile de convaincre que pour l'ISF ", relate un pilier de la majorité en référence au débat déjà délicat qui a eu lieu sur la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune à l'automne.
Une partie des députés bataille pour adoucir le texte qu'ils jugent trop ferme à l'égard des demandeurs d'asile. Certains menacent également de s'y opposer lors de l'examen en Hémicycle qui débutera le 16  avril. " S'il n'y a pas d'avancées significatives, je voterai contre ", a ainsi prévenu le député du Maine-et-Loire Matthieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot, lors de la même réunion de groupe. Il assure pour l'heure travailler à de " nouvellesavancées " sur le texte, sans s'avancer sur son vote.
Si la majorité des députés LRM se range derrière le compromis en cours de négociation avec Gérard Collomb, une grappe de députés s'est, elle, détachée du collectif lors de l'examen en commission des lois la semaine dernière. Une quinzaine de macronistes ont ainsi défendu de nombreux amendements opposés à un texte dont ils estiment qu'il manque " d'humanité ".
Cette attitude n'a pas été du goût du président de groupe, d'autant que le risque de voir plusieurs lignes s'opposer au sein de la majorité existe également sur d'autres textes. C'est le cas du projet de loi sur l'agriculture et l'alimentation, pour lequel des députés de sensibilité écologiste défendent de nombreux amendements. Certains ont été adoptés en commission du développement durable malgré le désaccord de Stéphane Travert, ministre de l'agriculture, ce qui n'a pas non plus été apprécié.
" Beaucoup sont ingérables "" Il ne faut pas qu'on laisse le bordel s'installer à la maison ", justifie un pilier de la majorité. " On a des débats importants qui arrivent, on est dans un moment de contestation sociale, il faut se serrer les coudes ", abonde Pacôme Rupin, vice-président du groupe. " Ils avancent à l'aveugle ! Plus le temps passe, plus les sujets consensuels sont derrière nous et plus les risques de lézarde sont importants car le ciment qui unit les En marche ! manque ", observe pour sa part le député Les Républicains Philippe Gosselin.
Pour se préserver de telles situations, qui s'enracinent dans les parcours politiques et professionnels très divers des députés, Richard Ferrand avait fixé une règle en début de mandat : seuls les amendements approuvés par la majorité du groupe LRM pouvaient être défendus. Or les députés s'affranchissent de plus en plus de cette consigne, d'où ce rappel à l'ordre, mardi, du patron de la majorité : " Quand on n'a pas réussi à convaincre en réunion de groupe, on n'a pas réussi… Sinon, on devient autœntrepreneur, c'est-à-dire non inscrit ! " Une allusion directe aux députés qui ne sont rattachés à aucun groupe et dont fait partie M'jid El Guerrab, seul exclu de la majorité jusqu'ici, après sa mise en examen pour violences volontaires.
Le rappel à l'ordre de M. Ferrand est accueilli plutôt favorablement par ses troupes." C'est salutaire, on a trop reproché à Bruno Le Roux - ancien patron du groupe PS -de ne pas le faire avec les frondeurs ", estime Sacha Houlié, député de la Vienne. Pour Pacôme Rupin, " 95  % des députés respectent les règles, ceux qui sont minoritaires ne peuvent pas s'exprimer à tort et à travers dans les médias et dans l'Hémicycle. "
Les mots de Richard Ferrand ont marqué les députés. " Il a été un peu abrupt, ça a pu effrayer certains collègues mais ça a été mal compris ", estime un élu LRM. " Nos frondeurs, ils savaient jusqu'où ils pouvaient aller, mais là beaucoup sont ingérables ", analyse un parlementaire socialiste. De l'avis de plusieurs députés LRM, les propos du président de groupe ne visaient toutefois pas l'ensemble des récalcitrants sur le projet de loi asile-immigration. " Il y a des gens qui portent des convictions mais qui n'ont pas la volonté de fracturer le groupe. D'autres le font avec d'autres intentions ", observe Aurélien -Taché. Selon lui, " il y a deux trois personnes qui le font dans une logique politique assumée. Ça ne peut pas durer cinq ans ".
Voix hostileSur la loi asile-immigration, Jean-Michel Clément, député de la Vienne, ancien socialiste, fait partie des plus contestataires. Il est l'un des pilotes du petit groupe de députés qui ont porté une voix hostile au texte la semaine dernière en commission des lois. " On ne m'a jamais menacé d'exclusion quand j'ai voté la déchéance de nationalité - lors du mandat précédent - ", rétorque l'intéressé, qui rappelle que " le droit d'amendement est personnel ". " Quand on n'est plus solidaire, on peut se poser la question de sa légitimité à exister dans le groupe ", estime pour sa part Pacôme Rupin.
" Le nucléaire ça marche quand on ne l'utilise pas, ils ne vont exclure personne ",croit savoir un membre haut placé de la majorité. " Exclure, il faut le faire s'il n'y a pas d'autre solution ", nuance en effet M. Rupin. L'attitude des députés lors de l'examen du texte asile-immigration et notamment la nature de leur vote seront néanmoins scrutées de très près, autant que l'attitude des députés contestataires sur les textes à venir. " On verra si c'est une prochaine étape pour la suite ", se projette également Jean-Michel Clément, comme s'il était prêt à de nouvelles batailles.
Manon Rescan
© Le Monde

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