Ales entendre, les élections européennes constituent une échéance " cruciale "pour leur formation. Un rendez-vous stratégique, à ne pas prendre à la légère. Le scrutin de mai 2019 étant le premier vrai test sur la scène nationale depuis la présidentielle et les législatives de 2017. Mais à un peu plus d'un an de ce rendez-vous électoral, les trois principaux partis ne disposent toujours pas d'un chef de file identifié. Que ce soit La République en marche (LRM), Les Républicains (LR) ou le Front national (FN), aucun n'a encore déniché une tête d'affiche, susceptible de mener la campagne et de mobiliser les troupes.
Le nouveau mode de scrutin pousse pourtant à présenter des candidats identifiés par le grand public et disposant d'une vraie force de frappe médiatique : contrairement aux élections de 2014, qui se déroulaient dans huit grandes régions, les prochaines européennes auront pour cadre une circonscription nationale unique. Un changement acté par l'Assemblée nationale en février, sous l'impulsion d'Emmanuel Macron, qui mise sur cette nouvelle configuration pour lutter contre l'abstention et repolitiser nationalement le débat.
Sauf que son propre mouvement ne sait toujours pas qui sera la personnalité en mesure de porter le discours pro-européen du chef de l'Etat et de tenir la dragée haute aux autres figures de l'opposition. Alors que le parti présidentiel lance officiellement sa campagne, samedi 7 avril, ses dirigeants ne cachent pas leur embarras, en évoquant un
" choix compliqué ".
Macron trancheraUn temps, le nom de Daniel Cohn-Bendit a circulé mais l'ex-député européen a indiqué au
Monde, en février,
" ne pas être candidat ". Lui aussi pressenti, Alain Juppé a finalement exclu cette possibilité. Le sujet fait débat au sein de LRM, où certains plaident pour une personnalité de la société civile, afin d'incarner le
" renouvellement des visages ". D'autres évoquent la nécessité de choisir un responsable politique expérimenté et emblématique.
" Le choix n'est pas arrêté mais il y a plusieurs hypothèses ", explique au
Monde le patron du parti, Christophe Castaner. La plus crédible semble être Sylvie Goulard. L'éphémère ministre des armées du premier gouvernement Philippe a le mérite de connaître les sujets européens sur le bout des doigts. Seuls bémols : elle a été nommée à la direction de la Banque de France en janvier, et l'enquête sur les supposés emplois fictifs du MoDem au Parlement européen, dans laquelle elle avait été mise en cause, n'a pas encore été bouclée.
Parmi les possibles transfuges venus de la droite, les noms de Michel Barnier, actuel négociateur pour l'Union européenne sur le Brexit, ou encore du député européen, Arnaud Danjean, circulent également.
" Toutes les hypothèses sont ouvertes. Chacun prendra ses responsabilités ", explique M. Castaner. Le chef d'orchestre de la campagne de LRM
" n'exclut pas " lui-même d'être le leadeur de son camp. Le choix de la liste et des 79 candidats devant y figurer devrait être dévoilé début 2019. Seule certitude : c'est Emmanuel Macron qui tranchera la question.
L'affaire est aussi compliquée du côté de LR. Le président du parti, Laurent Wauquiez, a fait savoir dès janvier qu'il ne sera pas candidat, par volonté de ne pas se placer en situation de cumul avec son mandat de président d'Auvergne-Rhône-Alpes. Pour ne pas avoir, aussi, à endosser à titre personnel une éventuelle déconvenue. Pourtant,
" il faut une personnalité avec de la notoriété, de la crédibilité " pour mener la liste au niveau national, souligne un député européen. Plusieurs noms circulent, comme celui du philosophe et ex-ministre Luc Ferry – l'hypothèse est écartée par l'entourage de M. Wauquiez –, du maire d'Antibes et président du conseil national de LR, Jean Leonetti, ou encore celui de la vice-présidente de LR, Virginie Calmels. Cette dernière ne confirme pas ses ambitions en la matière, sans écarter pour autant cette perspective. Mais l'hypothèse de sa candidature ne fait clairement pas l'unanimité en interne.
Le profil libéral de l'ancienne juppéiste ne colle pas nécessairement avec la ligne qu'entend porter LR.
" Elle incarne le libéralisme alors qu'on est contre l'accord de libre-échange sur le Mercosur ", note un dirigeant. Autour de M. Wauquiez, beaucoup la jugent trop modérée pour faire face à la concurrence du FN, notamment pour porter une ligne de fermeté sur l'immigration.
" Mettez les frontistes Louis Aliot ou Nicolas Bay en face, ils lui pompent l'électorat ! ", redoute un dirigeant de LR. Il va falloir trouver la perle rare, capable à la fois de contenter tout le monde au sein d'un parti divisé sur cette question et de porter le fer efficacement dans les médias et les meetings.
" Je ne vois pas dans les députés européens une tête de liste qui s'impose ", dit Bruno Retailleau, patron du groupe LR au Sénat, selon qui le candidat idéal doit être
" quelqu'un de neuf ". " Et capable de redonner le goût de l'Europe aux Français. "Sacrée gageure.
Même vide à l'extrême droite. Avec une inconnue ajoutée à l'équation : le FN aura-t-il mué en " Rassemblement national " d'ici là ? Sans marqueur FN ni porte-flamme de premier plan – Marine Le Pen ayant refusé jusqu'ici de mener la liste – d'aucuns craignent la déperdition dans les urnes.
" J'entendrais cet argument si je n'étais plus présidente " du FN, rétorque-t-elle. Si Marine Le Pen n'en prendra probablement pas la tête, rien ne l'empêche d'apposer son nom sur la liste, pour
" faciliter son identification ", ou même d'en prendre les rênes médiatiques.
" Avec les listes nationales, ce sont les partis et donc leurs dirigeants qui vont mener la campagne ", veut-elle croire.
D'autres noms tournent autour de la maison frontiste pour mener la liste. Celui de Louis Aliot, député des Pyrénées orientales et compagnon de Marine Le Pen, celui de l'eurodéputé Nicolas Bay… Ou
" pas forcément " un membre du FN, lançait Sébastien Chenu, en janvier, laissant ouvert l'espoir d'attirer de potentiels alliés, ou ralliés, issus de la droite. Certains frontistes évoquent la possibilité d'un éventuel accord avec Thierry Mariani ou Nicolas Dupont-Aignan. Sans en dire plus. Manière de ne pas dévoiler son jeu trop tôt, ou de bluffer au mieux. En attendant, comme ses concurrents, de trouver la bonne pioche.
Alexandre Lemarié, Olivier FayE, et Lucie Soullier
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