Translate

samedi 28 avril 2018

ECONOMIE - Pourquoi les prix du pétrole grimpent

ECONOMIE


28 avril 2018

Pourquoi les prix du pétrole grimpent

Le baril a atteint, mercredi 25 avril, son plus haut niveau depuis 2014, à 74 dollars

agrandir la taille du texte
diminuer la taille du texte
imprimer cet article
PROFITS CROISSANTS POUR LES PÉTROLIERS
La hausse du cours du baril a fortement profité au secteur
pétrolier au premier trimestre. Le bénéfice net ajusté du français Total a ainsi progressé de 13  %, à 2,36  milliards d'euros sur la période, et celui de Royal Dutch Shell a fait un bond de 67  %,
atteignant 4,8  milliards d'euros. Le norvégien Statoil a, lui, connu une hausse de 21  % de son bénéfice net, à 1,1  milliard d'euros. Cette dynamique a été largement favorable aux trois plus gros acteurs du secteur des services pétroliers, dont les bénéfices ont crû de 15  % au premier trimestre.
C'est la nouvelle routine des tradeurs du pétrole : lire consciencieusement les Tweet de Donald Trump au réveil, même si personne ne sait aujourd'hui si cela aura un impact sur les prix. " Dans une note pleine d'interrogations, l'analyste Tamas Varga, de PVM Oil Associates, a résumé l'état d'esprit fébrile du monde pétrolier après la colère du président américain sur le réseau social, vendredi 20  avril, face à la montée des cours du baril, qui se sont envolés de plus de 10  % en l'espace de trois semaines.
" On dirait que l'OPEP fait encore des siennes. Malgré les niveaux record de pétrole à travers le monde, y compris les bateaux pleins en mer, les prix du pétrole sont artificiellement élevés ! Ce n'est pas bien, et ce ne sera pas accepté ! ", a tweeté un Donald Trump rageur.
Le moment de cette saillie n'est pas fortuit. Au même moment, les ministres russe et saoudien de l'énergie se félicitaient du succès de leur accord de baisse de production pétrolière… justement dans le but de faire monter les prix. De fait, le pétrole a renoué avec des niveaux élevés : mercredi 25  avril, le baril a atteint 74  dollars, pour la première fois depuis novembre  2014. Mais personne ne parierait sur une hausse durable, tant le marché est instable.
Le poids de l'accord sur le nucléaire iranien.La sortie de Donald Trump a d'autant plus surpris qu'il est lui-même l'un des acteurs de cette hausse temporaire. Sa volonté de " déchirer " l'accord sur le nucléaire iranien de 2015 et de revenir à des sanctions plus fortes contre Téhéran sème l'inquiétude sur le marché pétrolier.
Officiellement, le président américain doit se prononcer le 12  mai sur la survie de cet accord. Mais les récentes nominations de tenants d'une ligne très anti-iranienne à des postes clefs – notamment John Bolton comme -conseiller à la sécurité nationale et Mike Pompeo au département d'Etat – laissent planer peu de doutes sur ses intentions.
Les propos de M. Trump qualifiant l'accord de " fou " et de " ridicule " ont achevé de convaincre les analystes. L'impact sur le marché pourrait être sensible. L'Iran exporte près de 2,1  millions de barils de pétrole par jour et, compte tenu de la demande importante, une forte réduction de ces exportations ne pourrait que pousser les prix vers le haut, alors que la demande reste soutenue. Plusieurs banques jugent qu'une telle décision générerait une hausse de 3 à 7  dollars du prix du baril.
L'Arabie saoudite veut faire monter les prix.Ce n'est pas le seul paradoxe du moment : en mars, lors d'une visite de trois semaines aux Etats-Unis, le prince saoudien Mohammed Ben Salman (" MBS ") a affiché sa proximité avec Donald Trump. Mais Riyad, également farouche opposant à l'accord nucléaire iranien, ne cache plus son envie de voir le prix du baril revenir à des prix extravagants, entre 80 et 100  dollars. L'une des raisons ? La future introduction en Bourse de la compagnie nationale Saudi Aramco. La valorisation du fleuron saoudien, assis sur des réserves estimées à plus de 260  milliards de barils, dépendra forcément du prix. Or ceci est capital pour financer les réformes voulues par " MBS " et la guerre au Yémen voisin.
Ces dernières semaines, les Saoudiens ont multiplié les signaux en faveur d'une prolongation de l'accord de Vienne, conclu en novembre  2016 entre les Etats membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et la Russie, notamment.
Cet accord de réduction de la production visait à faire remonter les cours de l'or noir en diminuant l'offre présente sur le marché. L'objectif est désormais atteint, mais l'équilibre reste précaire. " Russes et Saoudiens sont maintenant prisonniers de cet accord, juge un patron du secteur. S'ils décidaient d'y renoncer, le marché serait de nouveau déstabilisé. "
" Cet accord est fragile, écrit la chercheuse Meghan L. O'Sullivan dans une tribune à Bloomberg, et n'importe quel événement géopolitique qui le ferait s'effondrer verrait une baisse des prix forte et rapide. " Pour parer à cette éventualité, " MBS " a assuré qu'il envisageait que l'alliance avec la Russie se poursuive pendant " dix ou vingt ans ".

Le pétrole américain en plein boom.On en oublierait presque pourquoi l'OPEP a dû en arriver là. Il faut remonter à 2014 et se souvenir qu'à l'époque, les Saoudiens avaient la stratégie inverse : arroser le marché pour faire baisser les prix du pétrole, dans le but d'écraser la concurrence américaine du pétrole de schiste. Mais c'est l'inverse qui s'est produit : les producteurs américains ont survécu, et l'Arabie saoudite et ses alliés ont dû procéder à des coupes sérieuses pour faire remonter les prix.
Le problème pour Riyad et Moscou reste le même : leur accord a certes permis de faire remonter les prix… mais il a bénéficié à leurs principaux concurrents. Grâce à la hausse du prix du baril, les producteurs américains de pétrole de schiste se portent mieux que jamais. Pour la première fois depuis 2015, les entreprises de ce secteur sont rentables et peuvent autofinancer leurs projets de développement. " Le ciel est notre seule limite ", clamait il y a quelques semaines Tim Dove, le patron de PNR, l'un des plus gros opérateurs du Bassin permien.
Cette zone, située à cheval sur le Texas et le Nouveau-Mexique, pourrait devenir le plus grand champ pétrolier du monde d'ici à 2023. " Si le Bassin permien était membre de l'OPEP, il serait le quatrième pays producteur du cartel ! " a expliqué Rob Thummel, du cabinet Tortoise, à l'agence Bloomberg. Pourtant, si cette flambée des prix a grandement bénéficié à l'industrie pétrolière américaine, elle aura aussi des conséquences négatives pour les ménages américains. De quoi provoquer l'ire de Donald Trump.
Nabil Wakim
© Le Monde

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire