Après l'euphorie, le coup de mou. D'après les estimations de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), rendues publiques vendredi 27 avril, la croissance a nettement ralenti en France au premier trimestre. Le produit intérieur brut (PIB), qui avait progressé de 0,7 % à la fin de l'année précédente, plafonne à 0,3 % pour les trois premiers mois de 2018. C'est 0,1 point de moins que ce qui était anticipé par l'organisme public.
" On a sans doute atteint un point haut fin 2017. Le pic de croissance est derrière nous ", estime Alexandre Vincent, économiste chez Cœ-Rexecode, un think tank proche du patronat. Faut-il s'en inquiéter ? Non. En tout cas pas pour l'instant. Le fléchissement était attendu. Il n'y a
" rien de surprenant " à ce
" léger tassement ", a estimé vendredi le ministre des finances, Bruno Le Maire. Début avril, la Banque de France avait été la première à revoir ses prévisions à la baisse, évoquant déjà une croissance de 0,3 % au premier trimestre. En cause : la contraction de la production manufacturière et une consommation des ménages atone.
Même si elles augmentent en glissement annuel, les performances enregistrées dans l'industrie au premier trimestre piquent en effet du nez dans presque tous les secteurs. Affectée par la baisse des matériels de transport, la production manufacturière tombe dans le rouge, à – 1,1 % après + 1,5 % au quatrième trimestre 2017. Seules la construction et l'énergie soutiennent un peu les courbes, de même que les services, qui se maintiennent à un bon niveau (+ 0,5 % après + 0,8 %).
Pas étonnant, dans ce contexte, que le moral des entrepreneurs ait marqué le pas ces derniers mois. La demande globale et étrangère a été moins vivace que prévu. L'euro s'est apprécié par rapport au dollar, les prix du pétrole ont augmenté. En outre, les menaces de guerre commerciale persistent entre Washington et Pékin.
" Les chefs d'entreprise sont fatalement plus circonspects. On assiste à une correction après la forte progression de 2017 ", observe Hélène Baudchon, analyste chez BNP Paribas.
Marché de l'emploi dynamiqueRésultat :
" Les goulots de production se desserrent, après avoir augmenté continûment depuis fin 2016 et atteint en janvier 2018 un niveau proche de celui d'octobre 2000 ", notait l'Insee dans son enquête trimestrielle de conjoncture dans l'industrie. En d'autres termes, les tensions, liées aux problèmes de recrutement et au renouvellement de l'appareil productif, s'apaisent. En avril, le taux d'utilisation des capacités de production s'est établi à 85,3 %, un chiffre très élevé, mais en baisse de 0,5 point par rapport à janvier.
" Le trou d'air s'explique par l'explosion de la bulle d'optimisme. On le voit bien dans l'automobile : la production a été beaucoup plus forte que le niveau des immatriculations. Les entreprises ont parié sur une demande qui n'a pas été aussi forte qu'attendue, alors elles déstockent… ", note Stéphane -Colliac, économiste chez Euler Hermes. Cela se répercute assez logiquement sur les décisions d'investissement. Ces dernières baissent très nettement, passant de 1,6 % à 0,5 %.
En revanche, l'investissement des ménages, très corrélé au marché des logements neufs, reste stable. Mieux : les dépenses publiques augmentent, ce qui devrait soutenir la croissance dans les mois à venir, souligne M. Colliac.
La principale inquiétude vient du niveau de la consommation. Les dépenses en biens et services plafonnent à 0,2 %, comme au quatrième trimestre 2017. La baisse est particulièrement marquée dans l'alimentaire, tandis que la consommation en énergie a rebondi, en raison des tempé-ratures inférieures aux normales saisonnières enregistrées en février et mars.
Cette frilosité des ménages -s'explique notamment par la contraction du pouvoir d'achat. Une faiblesse ponctuelle, liée, selon Mathieu Plane, de l'Observatoire des conjonctures économiques (OFCE), au calendrier des mesures fiscales mises en œuvre par le gouvernement. La hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) et des impôts indirects (tabac, hydrocarbures) n'a pas encore été compensée par la baisse des cotisations salariales. Des réformes favorables comme la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % de ceux qui la règlent aujourd'hui n'entreront en -vigueur qu'à la fin de l'année.
La consommation devrait donc reprendre progressivement, entretenue par un marché de l'emploi qui reste dynamique, malgré la hausse continue des temps partiels et des contrats précaires.
" On n'a pas mangé toute notre -réserve de croissance ", résume M. Plane.
Quels effets auront les grèves sur l'activité ? Impossible à évaluer pour le moment, même si M. Le Maire, a affirmé sur
Europe 1 que le tourisme pâtissait déjà des mouvements sociaux.
La France n'est pas la seule, en Europe, à connaître un trou d'air. Le moral des patrons a encore flanché en avril outre-Rhin. Les indicateurs donnent des signes de faiblesse en Allemagne et en Italie.
Malgré le tassement du premier trimestre, les économistes ne revoient pas, pour le moment, leurs prévisions annuelles à la baisse. Tous tablent encore sur une croissance évoluant en France entre 1,9 % et 2,1 % pour 2018.
" L'élan acquis l'an passé est porteur, justifie Hélène Baudchon, de BNP Paribas
. L'essoufflement est plutôt attendu pour 2019-2020. "
Élise Barthet
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