Le candidat Macron l'avait annoncé, Muriel Penicaud l'a fait : le projet de loi " Pour la liberté de choisir son avenir professionnel ", qui doit être présenté au conseil des ministres vendredi 27 avril, entend produire un " big bang ". Cette réforme cruciale suscite autant d'attentes que d'interrogations légitimes. L'enjeu est de taille, alors que la transformation des métiers induite par la révolution numérique exige de mieux outiller les individus face à l'impérieuse nécessité d'acquérir de nouvelles compétences. Jugé inefficace par 77 % des Français, selon un sondage BVA réalisé du 12 au 13 mars 2018 pour La Tribune, le système qui organise la formation des individus doit faire sa mue.
Si l'ambition que se donne l'exécutif ne souffre d'aucune contestation – et c'est -heureux –, le texte porté par la ministre du travail comporte des zones d'ombre qu'il convient d'éclaircir, sans quoi le chemin de la transformation conduira les actifs dans une impasse dangereuse pour leur sécurité professionnelle.
Au centre de la " révolution copernicienne " qu'appelle de ses vœux le gouvernement figure la transformation du compte personnel de formation (CPF), véritable instrument de formation tout au long de la vie pour les actifs. En vigueur depuis le 1er janvier 2015, il reste très largement méconnu de ses bénéficiaires. Une étude de l'agence d'intérim spécialisée dans le BTP MisterTemp', réalisée par e-mailing auprès de 170 000 utilisateurs de sa base entre le 8 et 15 mars, montrait que 76 % d'entre eux ignorent ce que le CPF leur permet de faire, et 81 % ne connaissent pas le volume d'heures de formation dont ils disposent. Derrière ces chiffres figure une réalité qu'il convient de rappeler : le CPF reste principalement un instrument de formation pour les demandeurs d'emploi, dont la décision de se former est très largement conditionnée par les prescriptions de Pôle emploi.
Une revalorisation impérativePour donner un coup de pouce au CPF et encourager les salariés à user de leur liberté de se former tout au long de leur parcours professionnel, le gouvernement a donc décidé, au nom de la transparence des prix, de faire passer l'unité de mesure de l'heure à l'euro. C'est une bonne idée sur le principe, mais elle crée en réalité une contradiction majeure.
En effet, dans sa mouture actuelle, le texte remet en cause les droits à la formation -acquis jusqu'à présent par les 5 millions -d'actifs titulaires d'un CPF. Pourquoi ? Parce que l'exécutif a choisi de retenir un taux de conversion de 14,28 euros par heure de -formation en faisant une moyenne entre les taux de prise en charge par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA, chargés du financement de la formation dans les différentes branches professionnelles), situés entre 30 et 35 €, et celui de Pôle emploi, -inférieur à 10 euros.
Dans ces conditions, un salarié qui disposait hier de 100 % de ses droits à la formation – soit près de 5 000 euros au taux moyen de prise en charge des OPCA – héritera de seulement 2 142 euros de droits. Une évolution pour le moins surprenante de la part d'un gouvernement qui se dit autant attaché au développement de la formation professionnelle. C'est donc à une revalorisation de ce taux qu'il est impératif de procéder. Les 150 heures de formation d'aujourd'hui doivent correspondre à 100 % du nouveau CPF, pour un taux horaire qui se situerait donc plutôt autour de 33 euros.
Par-delà ces considérations pécuniaires derrière lesquelles se cachent des réalités de vie dont on ne saurait faire fi se pose la question de la popularisation du CPF. Car, si la monétisation apporte quelques éléments de réponse, elle ne saurait résoudre à elle seule la problématique du faible recours à la formation des salariés qui, bien souvent, -attendent que survienne une période de chômage pour s'y intéresser. Les Français doivent retrouver le goût de se former pour être prompts à accompagner les mutations économiques qui impactent durablement le monde du travail.
Avec la création, prévue par le gouvernement, d'une application mobile consacrée au CPF, chacun disposera désormais d'une boussole dans l'océan d'opportunités qu'offre la formation tout au long de la vie. Mais il faut aller plus loin et sonner la mobilisation générale auprès de tous les prescripteurs de la formation, en particulier ceux qui, au sein des entreprises, sont au contact quotidien des salariés, afin d'encourager ces derniers à mobiliser leurs droits à la formation.
La transformation du CPF voulue par le gouvernement n'ira dans le bon sens que si elle répond à un double impératif de simplification et d'élargissement de l'accès à la formation. Pour y parvenir et prévenir les bouleversements liés à ce changement d'échelle, la création d'une commission de transition réunissant l'ensemble des acteurs de la formation professionnelle est plus que souhaitable. Nous l'appelons de nos vœux afin que le nouveau paysage qui se dessine mette l'individu au centre du jeu et lui garantisse la préservation de ses droits à la formation, et leur libre utilisation.
Natanael Wright
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire