Le Parti nationaliste basque (PNV, modéré) est finalement venu à la rescousse du gouvernement conservateur de Mariano Rajoy. Jeudi 26 avril, il a soutenu le projet de loi budgétaire (pour 2018) au Parlement espagnol en échange d'une augmentation des retraites. Une décision qui donne à Mariano Rajoy une bouffée d'oxygène et la perspective de pouvoir terminer la législature.
Le PNV a renoncé à la condition qu'il avait posée : la levée de l'article 155 en Catalogne. Cet article de la Constitution a permis la mise sous tutelle de la région rebelle par Madrid à la suite de la déclaration unilatérale d'indépendance du 27 octobre 2017. A Bilbao, le président du PNV, Andoni Ortuzar, indiquait au
Monde quelques jours plus tôt qu'il ne souhaitait pas risquer
" des élections anticipées qui pourraient bénéficier à Ciudadanos ". Le parti libéral, en tête dans les sondages, est en effet le seul à s'attaquer à l'autonomie fiscale avantageuse du Pays basque.
Pragmatique, le PNV, parti qui gouverne le Pays basque en coalition avec les socialistes, a l'habitude de jouer les funambules, entre son électorat nationaliste et ses intérêts politiques. Ainsi, tout en négociant avec le gouvernement à Madrid, il défend au Parlement basque un nouveau statut d'au-tonomie qui reconnaîtrait la
-" nation basque " et le
" droit à -décider ", euphémisme signifiant l'autodétermination, aux côtés de la gauche indépendantiste EH Bildu, une coalition héritière de mouvements proches de l'ETA – l'organisation armée qui doit annoncer sa dissolution le 4 mai.
" Nous défendons une relation bilatérale avec l'Espagne, de type confédéral, pour qu'il n'y ait plus d'ingérence de l'Etat dans nos compétences ", explique M. Ortuzar, en écartant une possible indépendance.
" Le week-end, le PNV tient un discours très nationaliste, avec le béret et le bâton de marche, mais le lundi il remet le costume du travailleur ", relativise le directeur de l'hebdomadaire
Cambio 16, Gorka Landaburu, qui estime très peu probable que le Pays basque suive le chemin de la Catalogne :
" Nous sommes doublement vaccinés, par le résultat du conflit catalan et par le terrorisme de l'ETA. " La région, riche, jouit déjà d'une large autonomie et savoure la paix retrouvée en 2011 quand le mouvement séparatiste a abandonné les armes.
Cependant, certains se prennent à rêver à leur tour à l'autodétermination et estiment que, pas à pas, en suivant le chemin catalan, il est possible de faire augmenter la pression sociale en faveur d'un référendum sur l'indépendance.
Référendums symboliquesC'est le cas de l'association Gure Esku Dago (" C'est entre nos mains ", GED). Créée en 2013 sur le modèle de l'ANC (Assemblée nationale catalane), elle organise depuis 2016 des référendums symboliques sur l'indépendance dans des villages du Pays basque, comme l'a fait la Catalogne entre 2009 et 2011. Dans les 180 communes de la région où des consultations populaires ont été organisées, près de 177 000 personnes ont voté – soit 24 % du corps électoral concerné – essentiellement pour le oui.
" On nous a dit pendant des -années que si la violence - de l'ETA -
prenait fin, on pourrait parler de tout. Mais on se rend compte avec la Catalogne que ce n'est pas vrai. Si par la voie pacifique on ne peut pas obtenir l'indépendance, alors que l'Europe reconnaît l'indépendance des pays qui l'ont obtenu après une guerre, quel est le message ? ", se demande Zelai Nikolas, porte-parole de GED.
Le 10 juin, l'association organisera une chaîne humaine de 200 km, à laquelle participera
" à titre personnel " M. Ortuzar, qui tient à marquer ses distances. Il a tiré les leçons des liens trop serrés tissés entre l'ANC et le gouvernement catalan :
" Le nationalisme catalan a été emporté pour deux raisons : il n'était pas majoritaire, et il s'est retrouvé à la merci de la CUP - extrême gauche séparatiste -
et emporté par la pression de la rue. "
" L'aide de l'Europe "Refroidie par l'expérience catalane, la société basque est de moins en moins favorable à l'indépendance. Selon le sondage Deustobarometro de décembre dernier, seuls 14 % des Basques la désirent. Et 39 % sont favorables à la tenue d'un référendum, alors qu'ils étaient 59 % un an plus tôt.
" Nous ne soutiendrons pas une réforme du statut d'autonomie qui brise la légalité constitutionnelle et ne peut aboutir qu'à une frustration, tranche la porte-parole du parti socialiste basque, Idoia -Mendia
.En Catalogne, en cherchant l'indépendance, ils ont perdu l'autonomie. Et en Espagne, le sentiment a grandi qu'on est allé trop loin, qu'on a fait trop confiance aux nationalismes et supporté leur mépris envers les régions pauvres. "
Le PNV sait qu'il marche sur des œufs. Et pas seulement du fait de l'exemple catalan. En 2004, l'ancien Lehendakari (président basque), Juan José Ibarretxe, avait déjà défendu une réforme du statut d'autonomie qui incluait le
" droit à décider ". Le débat avait fracturé le Parlement régional, avant que le Parlement espagnol n'écarte le " plan Ibarretxe ".
Autant d'arguments qui poussent aussi Arnaldo Otegi, coordinateur de la coalition de la gauche EH Bildu, à ne pas vouloir aller trop vite.
" La Catalogne a montré que les voies pacifiques sont les bonnes, mais qu'il faut s'appuyer sur des majorités plus solides et le soutien explicite d'une partie de la communauté internationale ", estime l'ancien membre de l'ETA, qui s'imagine à l'avenir
" synchroniser " les revendications basques et catalanes pour
" faire front ensemble et demander l'aide de l'Europe ". En attendant, M. Otegi voit les référendums symboliques de GED comme un outil pour
" savoir organiser un référendum. Au cas où un jour nous souhaitions le faire sans l'accord de l'Etat… "
Sandrine Morel
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire