Lettre à François Lenglet
- 25 FÉVR. 2017
- PAR ADRIEN DAQUIN
- BLOG : LE BLOG DE ADRIEN DAQUIN
"Un français sur deux ne saurait pas encore pour qui voter. Heureusement, des expertises comme la vôtre les aident à faire un choix libre et éclairé."
Cher Monsieur,
En deux jours, deux de vos interventions ont fait naître en moi l’envie, que je n’aurais jamais soupçonnée, de vous écrire une petite lettre.
Le 24 février, vous présentez deux chroniques, l’une à RTL, l’autre au journal de 20 heures de France 2, dans lesquelles vous commentez le programme économique du candidat Emmanuel Macron. Sur RTL, vous nous apprenez que c’est « un programme qui n’oublie aucun des grands problèmes de l’économie française », mais, critique, vous notez que « son défaut principal, c’est aussi sa qualité principale : il est raisonnable et cohérent ». Raison et cohérence, deux défauts bien connus et détestés de tout un chacun. Vous concluez en comparant ce programme avec ceux des autres candidats : « L’électeur a désormais le choix entre deux stratégies : la révolution nationale, avec Le Pen et Mélenchon, qui visent la sortie de l’euro, chacun avec ses priorités ; et la vie en Europe, avec Fillon et Macron, l’un étant pour la thérapie de choc, l’autre pour la réforme. » Je relève votre choix des termes « révolution nationale » pour désigner indistinctement les programmes de Mélenchon et Le Pen ; termes qui ne sont employés par aucun de ces candidats et qui, dans les livres d’Histoire (mais ce doit être un hasard) désignent l’idéologie officielle du régime de Vichy sous l’occupation nazie.
Je note aussi que vous feignez ignorer que la sortie de l’euro n’est que le « plan B » de Jean-Luc Mélenchon. Il l’a pourtant expliqué la veille, le 23 février, à « L’émission politique » de France 2 où vous intervenez. Ce soir-là, vous nous aviez d’ailleurs permis de mieux connaître le programme économique de ce candidat. Après avoir présenté sur un écran en arrière-plan une liste des propositions qu’il aurait en partage avec le Front National (liste que personne n’a pu lire jusqu’au bout), venait votre question : « Comment expliquez-vous ces similitudes ? » Point crucial, car nous sommes nombreux à soupçonner Mélenchon de piquer au FN ses propositions, comme par exemple celles-ci, qui figuraient dans votre liste : retraite à 60 ans, augmentation du SMIC et des minimas sociaux, programme public de réindustrialisation, sortie des traités de libre-échange… Bref, autant de thèmes qui appartiennent historiquement à la gauche et dont on voit mal pourquoi Mélenchon devrait se justifier de ce qu’ils figurent aussi dans le programme du FN.
Mais revenons à vos commentaires sur Macron. Eclairés par votre analyse, nous ne manquerons pas de choisir « la vie en Europe » (plutôt que la mort dans une France nationaliste). Il faudra encore décider entre Fillon et Macron, entre « la thérapie de choc » et « la réforme » ; c’est-à-dire, une fois de plus, entre une solution présentée comme violente (Fillon), l’autre comme douce (Macron). Douce, mais pas molle ! Vous nous rassurez à ce sujet le soir même, au Journal de France 2, où vous nous « informez » que le programme de Macron est « réaliste et efficace ».
Un français sur deux ne saurait pas encore pour qui voter. Heureusement, des expertises comme la vôtre les aident à faire un choix libre et éclairé.
Que Macron aie votre préférence, c’est bien votre droit. Mais c’est depuis la position de journaliste, sans contradicteur et notamment sur le service public, que vous vous prononcez en sa faveur, de manière à peine voilée, au mépris du principe de pluralisme.
Cordialement,
Adrien Daquin
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