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vendredi 29 décembre 2023

L'actualité littéraire HEBDO avec BIBLIOBS - vendredi 29 décembre 2023

 


BibliObs

Vendredi 29 décembre 2023

Nous autres humains, si sages et si savants, nous sommes longtemps pris pour des esprits supérieurs, relevant d’une autre essence, plus noble et élevée que le reste du monde vivant. Notre intellect aux capacités uniques, exceptionnelles, faisait de nous les maîtres du monde. Et puis les chercheurs nous ont fait descendre de ce piédestal. Darwin nous a révélé que nous sommes des primates comme les autres, cousins des grands singes. L’éthologue Frans de Waal à son tour nous a fait comprendre à quel point nous leur ressemblons, dans ses livres malicieux et futés. Comme nous, ils ont le sens de la justice, font preuve d’empathie, connaissent la générosité ou la jalousie, mais aussi conflits, alliances et réconciliations. Leurs vies et les nôtres ont tant en commun, mais nous ne voulions pas le voir, aveuglés par notre orgueil. Grâce à Peter Wohlebben, génial ingénieur forestier qui excelle à transmettre les découvertes scientifiques, nous savons désormais que les arbres, à leur façon, se parlent, que les plantes éprouvent le stress ou le bien-être, sont capables de mémoriser des informations. Une épatante BD, publiée à l’automne aux Arènes, retrace son parcours.

Mais voici que biologiste Christian Sardet nous livre une révélation plus troublante encore. L’entièreté de ce qui palpite et vit sur terre, animaux, végétaux, bactéries, humains, remonte à une seule sorte de cellule, ancêtre universelle de la vie, dite LUCA pour Last Universal Commun Ancestor. De cette cellule primitive, mère de toutes des cellules, ont progressivement descendu tous les organismes, tous les êtres. Luca, c’est la minuscule origine de notre monde.

Mais le plus vertigineux, c’est que nous vivons en symbiose intime avec d’autres cellules qui ne nous appartiennent pas. Bien loin des errements du transhumanisme qui regarde nos esprits comme des couches d’algorithmes, notre bien-être, nos humeurs et nos émotions dépendent d’autres espèces dont nous ne soupçonnons pas l’existence et moins encore l’influence : nous sommes des holobiontes, des êtres dépendant de larges communautés d’invisibles micro-organismes, formant un tout avec nous. Ainsi, la moitié de nos 70 000 milliards de cellules ne sont pas humaines. Bactéries ou archées − une autre grande famille de micro-organismes − habitent nos organes, notre peau et l’intérieur même de nos cellules. Elles tapissent notre système digestif, formant le fameux microbiote, dont on connaît aujourd’hui l’influence majeure sur notre psychisme.

Et toutes ces cellules possèdent à leur manière ce que nous appelons l’intelligence, formant un vaste réseau social : « Elles communiquent constamment, en se touchant ou en s’envoyant des messages à distance, s’échangent des molécules comme des hormones, se transfèrent divers outils à travers des tunnels, des bulles ou même en des sortes de baisers » explique ce biologiste. Sans frontière ni de genre, ni d’espèce, les cellules interagissent en permanence, s’unissent, s’influencent, y compris en nous-mêmes. C’est cela la vie, ce tissu inextricable d’interactions, de dépendances mutuelles. Nous sommes tous des holonbiotes ! L’alpha et l’oméga à la fois.

Véronique Radier

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A l’origine était Luca, la mère de toutes les cellules
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