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mardi 11 décembre 2018

Prison ferme requise au procès de sept militants promigrants à Gap - le 9.11.2018

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Prison ferme requise au procès de sept militants promigrants à Gap
Lors d’une marche « solidaire » qui, en avril, avait relié l’Italie à la France, une vingtaine de migrants en avaient profité pour franchir illégalement la frontière
GAP -envoyée spéciale
De ce week-end d’avril, à la frontière entre la France et l’Italie, la mémoire a retenu l’action spectaculaire des militants du groupe d’extrême droite Génération identitaire dans les Alpes enneigées, venus là pour fermer la frontière aux migrants. Mais, jeudi 8 novembre, il a été question d’autres faits devant le tribunal correctionnel de Gap (Hautes-Alpes). Sept personnes étaient poursuivies – dont six comparaissaient – pour avoir au contraire facilité, en bande organisée, l’entrée irrégulière en France de plus d’une vingtaine d’étrangers, le même week-end. A l’issue d’une audience interminable et souvent décousue, le parquet a requis de six à douze mois de prison, dont quatre mois ferme pour deux d’entre eux.
Le délit aurait été commis à l’occasion d’une manifestation, le 22 avril, à laquelle une centaine de personnes ont participé, entre la ville italienne de Clavière et la commune française de Briançon. Il s’agissait justement de réagir à l’opération menée par plusieurs dizaines de membres de Génération identitaire, la veille : vêtus de doudounes bleues, les militants avaient patrouillé en hélicoptère et en pick-up telle une milice pour « tenir » la frontière face aux migrants. Les images de leur banderole « Rentrez chez vous », étalée sur la montagne, avaient eu un retentissement médiatique fort.
Dans la salle d’audience du tribunal de Gap, à la fois sur le banc des prévenus comme dans le public, figuraient jeudi des « solidaires », qui viennent en aide aux migrants sur des routes périlleuses. Les débats ont été difficilement conduits par Isabelle Defarge, la présidente du tribunal, qui tantôt essayait de ramener les échanges sur les faits, tantôt s’égarait elle-même dans les digressions offertes par un dossier à la dimension politique forte.

Marche « improvisée »

C’est en tout cas ainsi qu’ont voulu le présenter les prévenus et leur défense, qui ont largement dénoncé la « militarisation » de la frontière et les pratiques violentes des forces de l’ordre à l’encontre des migrants. Tandis qu’à son tour le procureur Raphaël Balland cherchait à défendre son action et celles des forces de l’ordre sur son ressort. En raison de quoi, « on a parlé de tout sauf des faits », faisait remarquer un avocat de la défense, Yacine Djermoune, alors que 20 heures allaient sonner. Tard dans la journée, les prévenus, qui avaient gardé le silence au moment de leurs gardes à vue, ont enfin parlé du 22 avril. « C’était avant tout une manifestation pour exprimer nos idéaux et on ne contrôle pas les personnes qui en font partie », a défendu Théo Buckmaster. Agé de 24 ans, ce Belgo-Suisse était arrivé deux jours avant la manifestation à Clavière pour s’investir dans un refuge, avec un ami suisse, Bastien Stauffer, 26 ans.
Lui aussi a assuré au tribunal qu’il n’avait « jamais » eu l’intention de passer en force la frontière. « Mon intention était de manifester contre Génération identitaire qui sévissait impunément », a, à son tour, défendu Lisa Malapert, 22 ans, également prévenue. « Une marche s’est improvisée, on ne pouvait pas les laisser comme ça parader dans nos montagnes », a appuyé Benoît Ducos, 49 ans.
Allant dans leur sens, un Guinéen qui avait franchi de façon irrégulière la frontière ce jour-là, et dont l’audition a été lue à l’audience, a expliqué que « personne ne nous a donné comme consigne de rester à l’intérieur du cortège. Je n’ai fait que suivre le monde ». Les nombreuses vidéos de la manifestation, prises à Montgenèvre (Hautes-Alpes), deux kilomètres après la frontière, et diffusées à l’audience, ont difficilement permis de déterminer le rôle tenu par chacun des prévenus. Elles montrent essentiellement une foule scander « tout le monde déteste la police » et, pour une partie, contourner par le côté une ligne d’une vingtaine de gendarmes, qui, manifestement dépassés par le nombre, renoncent à bloquer l’avancée du groupe, qui poursuivra sa marche jusqu’à Briançon.

« Violation frontale de la loi »

Pour le procureur Raphaël Balland, c’est une « violation frontale de la loi ». Les déclarations d’un prévenu dans la presse au lendemain de la manifestation, ainsi que des témoignages versés au dossier accréditent l’idée que les manifestants voulaient « mettre à l’abri » en France des migrants bloqués en Italie. « C’est la loi du plus fort qu’on va accepter ? », a demandé le magistrat. Il a toutefois abandonné dans ses réquisitions l’accusation de bande organisée – qui rendait les prévenus passibles de dix ans de prison. Six mois avec sursis ont été demandés pour cinq d’entre eux, et douze mois dont huit mois avec sursis pour les deux autres, également poursuivis pour d’autres faits et qui avaient des antécédents judiciaires.
« C’est la montagne qui accouche d’une souris, a raillé l’avocat de la défense Vincent Brengarth. Dans ce dossier, vous n’avez pas de preuve. Au bout de dix heures de débat, je ne suis pas sûr de comprendre qui a fait quoi, qui part d’où, qui va où. » « Il faut plaider des responsabilités individuelles, or vous n’avez pas d’éléments déterminants, a appuyé Me Henri Leclerc. Vous ne pouvez que relaxer ceux qui sont devant vous. » Le jugement a été mis en délibéré au 13 décembre.

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