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dimanche 3 avril 2016

La Grèce exige des explications du FMI après la révélation explosive d'observations "catastrophes"

Le Huffington Post

La Grèce exige des explications du FMI après la révélation explosive d'observations "catastrophes"

Publication: Mis à jour: 

TSIPRAS PARLIEMENT

Photo: Alexis Tspiras au Parlement grec le 6 décembre 2015. | ASSOCIATED PRESS

INTERNATIONAL - La révélation de commentaires de représentants du Fonds monétaire international laissant entendre que l’institution pourrait menacer de se retirer du plan de sauvetage de la Grèce suscite la colère d’Athènes et pourrait compromettre les négociations sur la dette du pays.
Ce samedi 2 avril, le HuffingtonPost américain a obtenu, en exclusivité, communication d’un courrier confidentiel envoyé par le premier ministre grec à la directrice générale du FMI Christine Lagarde. Dans cette lettre, Alexis Tsipras exige des explications sur les propos polémiques prononcés le 19 mars lors d’une conférence téléphonique entre Poul Thomsen, directeur Europe du FMI, Delia Velculescu, chef de la mission du FMI en Grèce, et la fonctionnaire du Fonds Iva Petrova.
Wikileaks a dévoilé samedi une retranscription de cette conversation, au cours de laquelle Poul Thomsen et Dalia Velculescu affirment que seule une nouvelle crise pourrait pousser la Grèce et l’Allemagne à honorer leurs obligations dans le cadre du plan de sauvetage du pays. Delia Velculescu y exprime ses craintes qu’au vu du temps nécessaire pour aboutir à un accord entre les deux pays, le report d’une réunion serait une “catastrophe”.
Crise de confiance
Alexis Tsipras veut savoir si l’opinion de Poul Thomsen et Delia Velculescu qui ressort de cette conversation, selon laquelle le FMI devrait s’appuyer sur un “incident de crédit” susceptible de déboucher sur une crise pour forcer la main de la Grèce “reflète la position officielle du FMI”. Si tel est le cas, Tsipras met l’institution au défi de défendre cette approche, au vu des normes en vigueur en matière de négociations. “Utiliser un incident de crédit comme moyen de pression à l’encontre de la Grèce et des autres Etats membres dépasse clairement les limites du processus de négociation tel que nous l’envisageons”, écrit-il.
Le premier ministre se demande également si la Grèce “peut faire confiance” au FMI pour négocier “de bonne foi” après la révélation des propos de Thomsen et Velculescu, qui suggèrent selon lui qu’ils souhaiteraient retarder les négociations afin de précipiter un “incident de crédit”. “J’espère sincèrement que la position du FMI demeure d’aboutir rapidement à une conclusion positive et durable des pourparlers, et je suis certain que vous prendrez toutes les mesures nécessaires pour que le processus de négociations reste sur les rails”, écrit Tsipras.
grece fmi
La Grèce a par le passé accusé Poul Thomsen de sciemment saboter les discussions, lorsque le FMI refusait de faire des compromis sur la baisse des retraites grecques, après que le gouvernement avait proposé des solutions alternatives, à l’impact fiscal équivalent.
Le gouvernement grec perçoit la conversation entre Poul Thomsen et Delia Velculescu comme un nouveau signe de la mauvaise foi du FMI, mais la transcription révèle que les représentants de l’institution doutent de la volonté des pays européens à s’accorder sur une réduction de la dette.
Ces observations concordent avec les prises de position insistantes du FMI, qui a affirmé à maintes reprises être un intermédiaire entre l’Union européenne et la Grèce, qui sont toutes deux irresponsables. “Qu’est-ce qui va pousser à prendre des décisions? Jusqu’à présent, il n’y a eu qu’une fois où une décision a été prise, et c’était quand ils étaient sur le point d’être vraiment à cours d’argent et de faire défaut, non ?” dit Poul Thomsen. “Tout à fait !” lui répond Delia Veculescu.
La précédente “prise de décision” à laquelle Poul Thomsen fait allusion est l’épisode au cours duquel la Grèce a cédé aux exigences du FMI et de l’UE en matière d’austérité en juillet dernier, alors qu’elle était sous la menace d’un effondrement économique. La suspension des prêts d’urgence de la Banque centrale européenne avait contraint le pays instaurer un contrôle des capitaux, qui limitait les retraits dans les banques de détail. Cette situation avait finalement poussé le gouvernement grec à accepter l’accord de sauvetage de 86 milliards d’euros avec des conditions beaucoup plus strictes que ce qu’il avait accepté jusqu’alors. Cet accord était le troisième programme de ce type, austérité en échange de financements, visant à résoudre la crise de la dette grecque depuis 2010.
Précipiter une crise avant le Brexit?
Poul Thomsen anticipe dans la conversation rendue publique que si un tel “moment décisif” se reproduisait, il surviendrait en juillet, alors même que les dirigeants de l’UE consacreront leur énergie à maintenir le Royaume-Uni au sein de l’Union. Les électeurs britanniques prendront position sur le Brexit lors d’un référendum organisé le 23 juin. “Il est clair que les Européens ne vont pas négocier pendant un mois, avant le Brexit”, postule Poul Thomsen. Le gouvernement grec interprète ce passage de la discussion entre Thomsen et Velculescu comme un signe que le FMI envisage de précipiter la survenue d’une crise avant le Brexit afin d’éviter de prolonger le processus.
“Le gouvernement grec demande au FMI de préciser si la mise en en place des conditions d’une faillite de la Grèce, juste avant le référendum britannique, représente la position officielle du Fonds”, affirme dans un communiqué Olga Gerovasili, porte-parole du premier ministre Alexis Tsipras.
Mais à un autre moment de la discussion, Poul Thomsen et Delia Velculescu disent clairement qu’ils se méfient tout autant du manque de volonté des pays européens de réduire le fardeau de la dette grecque, en particulier pour ce qui concerne l’Allemagne, plus gros créancier souverain de la Grèce et plus puissante économie de la zone euro. En mars, le ministre allemand des finances Wolfgang Schaüble a fait connaître son opposition à une restructuration de la dette grecque.
Poul Thomsen laisse entendre qu’une menace de la part du FMI de se retirer du plan de sauvetage de la Grèce pourrait mettre une pression suffisante sur la chancelière Angela Merkel pour qu’elle accepte un allègement de la dette, en particulier en lien avec les difficultés politiques auxquelles elle doit faire face avec la crise migratoire. La participation du FMI et son rôle de superviseur ont contribué à rendre les prêts allemands d’urgence à la Grèce plus acceptables aux yeux du public allemand.
Poul Thomsen a donné des détails sur l’ultimatum qu’il pourrait poser à Angela Merkel. “Ecoutez, vous, Madame Merkel, vous êtes face à un choix, vous devez déterminer ce qui est le plus dommageable: si vous continuez sans le FMI, est-ce que le Budestag dira ‘Le FMI n’est pas de la partie’? ou est-ce qu’il faut choisir l’allègement de la dette, dont la Grèce a besoin, pour que nous restions dans le jeu? D’accord? C’est ça la vraie question”, développe Thomsen dans la conversation.
Une preuve que le FMI veut "faire chanter" l'Allemagne
Un responsable grec haut placé a affirmé au Financial Times que la divulgation de cette discussion prouvait que le FMI voulait “faire chanter” l’Allemagne sur la question de l’allègement de la dette. “Nous ne laisserons personne jouer avec le feu et faire chanter la Grèce, l’Allemagne ou l’Europe”, a-t-il déclaré.
Dans le cadre du plan de sauvetage mis en place en juillet dernier, les dirigeants européens se sont mis d’accord pour discuter d’allègements des dettes que la Grèce a contractées auprès des différents nations européennes. Le FMI et une majorité d’économistes estiment que le pays n’aura jamais la capacité de les rembourser intégralement – et ces dettes risquent d’empêcher l’économie grecque de se rétablir à long terme.
De plus, Delia Velculescu et Poul Thomsen ne sont pas tout à fait d’accord sur le fait que la Grèce aurait totalement échoué à mettre en place les économies budgétaires et les hausses d’impôts qu’exigent ses créanciers. “Ils sont encore très loin” d’avoir répondu à toutes les exigences du FMI, affirme Delia Velculescu. “Mais ce qui est intéressant c’est que... ils ont fait un peu de chemin sur la réforme de l’impôt sur le revenu... les crédits d’impôts et les retraites complémentaires. Ils font des choses, mais ça reste très limité.”
Raviver la suspicion
“Bon, s’ils reviennent avec les 2,5 % et pas avec des broutilles, il faudra les soutenir”, répond Poul Thomsen en référence à un compromis sur un objectif d’excédent budgétaire de 2,5 % du PIB. Le FMI a publié un communiqué suite à la révélation de cette transcription, qui ne confirme ni ne dément son authenticité, et affirme que l’institution “ne commente pas les divulgations ou les supposés compte-rendu de discussions internes”.
“Nous avons exprimé clairement ce que nous estimons être une solution durable aux problèmes économiques auxquels la Grèce est confrontée – une solution qui mettrait la Grèce sur la voie d’une croissance durable, soutenue par un ensemble crédible de réformes combinées avec un allègement de la dette de la part de ses partenaires européens”, a déclaré un porte-parole du FMI.
Même si la transcription de cette conversation est en phase avec les positions exprimées publiquement par le FMI, il est probable qu’elle ravive les suspicions qui depuis longtemps élèvent des obstacles politiques en Grèce et en Allemagne sur le chemin d’une résolution de la crise de la dette grecque.
La Grèce, ainsi que de nombreux observateurs internationaux qui compatissent à ses malheurs, verront dans les observations des responsables du FMI une nouvelle preuve que le Fonds et l’Union européenne n’accordent que peu d’importance à la souveraineté du pays. Les importantes coupes budgétaires et les substantielles économies d’impôts que la Grèce a déjà mises en place au cours des dernières années dans l’objectif de rembourser ses créanciers ont contribué à une hausse massive de la pauvreté et à un taux de chômage record pour un pays de l’Union européenne.
Dans le même temps, une potentielle menace de retrait du FMI pourrait exacerber les suspicions allemandes sur le plan de sauvetage. L’opinion publique allemande est depuis longtemps méfiante à l’égard de nouveaux prêts à la Grèce, estimant que cette dernière n’a pas réussi à réformer son Etat dépensier ni à libéraliser son économie.
Quel impact sur la crise migratoire?
Il reste aussi à déterminer quelles seraient les conséquences d’une nouvelle impasse financière grecque sur la crise migratoire qui touche l’Europe, dans laquelle la Grèce s’est retrouvée en première ligne. Le pays est le premier point d’entrée pour les milliers de réfugiés qui affluent en Europe à partir de la Turquie et d’autres pays. Des dizaines de milliers de personnes espérant pouvoir rejoindre des nations européennes mieux loties ont échoué en Grèce après que les pays européens ont fermé leurs frontières.
L’Union européenne a conclu un accord avec le gouvernement turc le 18 mars pour renvoyer les demandeurs d’asile qui cherchent à rejoindre le continent par la mer, en échange d’une assistance supplémentaire à la Turquie. Ils se sont également mis d’accord sur un accroissement du nombre de réfugiés situés en Turquie que l’Europe prendrait en charge dans le cadre d’un processus d’absorption contractuel. Cet accord doit entrer en vigueur ce lundi.
Cet article, initialement publié sur le HuffingtonPost américain, a été traduit de l'anglais par Mathieu Bouquet.
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http://www.huffingtonpost.fr/2016/04/03/grece-fmi-explication-revelation-commentaires-catastrophe...

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