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vendredi 11 avril 2025

Blast - Le souffle de l'info - Le bloc-notes de Sébastien Fontenelle #5 - vendredi 11 avril 2025

 

Blast - Le souffle de l’info
Le souffle de l’info

Y A QU’À SE BAISSER

La newsletter signée Sébastien Fontenelle. Un principe simple : une compilation des derniers dérapages observés dans les médias dominants. Parce qu'à force d'extrême droitisation, on finit par ne presque plus les voir.

31 mars 2025
Marine Le Pen écope, dans l’affaire des assistants parlementaires du Front national, d’une peine de quatre ans de prison (dont deux ferme, aménageables sous bracelet électronique) assortie de 100 000 euros d’amende et de cinq ans d’inéligibilité - pour détournement de fonds publics.
On ne souhaite la prison à personne - pas même à la représentante d’un parti xénophobe, cofondé notamment par un ancien Waffen SS, qui souhaite, lui, la prison pour beaucoup de monde.
Mais il est tout à fait normal et conforme au droit qu’elle soit déclarée inéligible, et on imagine qu’elle-même va vouloir fêter dignement ce qu’elle doit forcément considérer comme heureuse nouvelle, exauçant certains de ses plus vieux vœux -puisqu’elle réclamait depuis des années des peines d'inéligibilité pour les élus reconnus coupables de détournement de fonds publics, et plus de sévérité dans l’application de ces peines.
Or, contre toute attente : MLP, loin de se réjouir d’avoir donc été entendue par les juges qu’elle exhortait à se montrer plus fermes, se pose en victime d’une conspiration judiciaire destinée à l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle.

1er avril (1)
Habituellement, le journal Le Figaro manque de mots assez durs pour fustiger ce qu’il appelle « le laxisme de la justice française ».
Mais après la condamnation de Marine Le Pen, cette passion répressive se mélange soudain de plusieurs volumes de tiédeur, et cet implacable quotidien, pris tout d’un coup de compassion, pose cette grave question : « Marine Le Pen pourra-t-elle être candidate en 2027 ? »

1er avril (2)
« Nous ne sommes pas des fachos, nous ne sommes pas des racistes, nous ne sommes pas d’extrême droite », déclare Jordan Bardella.
Poisson d’avril ?

2 avril (1)
L’agitateur d’extrême droite Éric Zemmour continue sa collection : après avoir été plusieurs fois condamné pour provocation à la haine raciale et religieuse, il écope, pour avoir obstinément répété que Pétain (ordonnateur de la déportation de 76 000 Juifs vers les camps d’extermination nazis) avait « sauvé les Juifs français », d’une condamnation pour contestation de crime contre l’humanité - il s’est pourvu en cassation.

2 avril (2)
Emmanuel Macron, chef de l’État français, dénonce un antisémitisme qui « essaime à l’extrême gauche ».
Les esprits taquins pourraient valablement objecter que dans le monde réel - toujours très différent de l’espèce de fantasmagorie colorée dans laquelle vit ce président qui a érigé le mensonge en discipline politique à part entière -, l’antisémitisme essaime plutôt dans les proférations du chef de l’État français qui a osé proclamer (en 2018) que son lointain prédécesseur Philippe Pétain, complice actif de la déportation de 76 000 Juifs vers les camps d’extermination nazis, était, nonobstant ce minuscule accroc, un « grand soldat ».
Nommément : Emmanuel Macron.

2 avril (3)
Lequel Macron proclame également qu’« il ne suffit pas
d’être contre l’extrême droite pour être pour la République »
. N’était que l’on sait l’usage vicieux que font les gens comme lui de la notion de République, devenue l’alibi des pires discriminations : cela ressemblerait presque à une (très) courte autobiographie de ce président élu sur la promesse qu’il ferait barrage à l’extrême droite - mais qui n’aura cessé, tout au long de son règne, de lui creuser un boulevard.

3 avril (1)
La juge qui a présidé le procès de Marine Le Pen, menacée de mort par l’extrême droite, doit être placée sous protection policière.
Bruno Retailleau ne dénonce pas ces menaces - mais profite de l’un ses passages réguliers à la télévision pour fustiger, à l’unisson du Rassemblement national, les « juges rouges ».
Décidément, l’extrême droite, sous François Bayrou, n’est pas aux portes du gouvernement : elle y occupe d’importants ministères.

3 avril (2)
Dans l’Aveyron, un responsable départemental du Rassemblement national délivre cet avis autorisé sur la peine d’inéligibilité infligée Marine Le Pen : « Les juges ont choisi la solution finale. »
Il compare donc la condamnation - parfaitement conforme au droit - d’une élue reconnue coupable d’indélicatesse à la Shoah.
Il compare donc - parce qu’évidemment ces rapprochements vont dans les deux sens - l’extermination des Juifs par les nazis à une décision de justice parfaitement légitime.
Mais, trop pris sans doute par les procès en antisémitisme qu’il intente régulièrement contre la gauche, Gérald Darmanin, ministre de la Justice, omet de rappeler à ce tout petit chef d’extrême droite que la loi française prévoit de lourdes sanctions pénales pour «ceux qui auront nié, minoré ou banalisé de façon outrancière l'existence d'un crime de génocide».

3 avril (3)
L’hebdomadaire Le Point (groupe Pinault) consacre sa couverture, son principal éditorial et un dense dossier à ce qu’il appelle « l’affaire Le Pen » - comprendre : la condamnation de l’intéressée à une peine d’inéligibilité dans l’affaire des assistants parlementaires du Front national.
Bien entendu : un large espace est accordé à sa défense. L’éditorialiste Franz-Olivier Giesbert tranche : Marine Le Pen a été traitée « inéquitablement ». (Puis ce rigoureux professionnel, qui a fait toute sa carrière dans des rédactions lourdement gavées d’aides publiques, retourne à l’une de ses plus prégnantes obsessions pour dénoncer la « glissade vers l’abîme de nos finances publiques ».)
Quelques pages plus loin, l’éditocrate réactionnaire Alain Finkielkraut, enragé par la peine infligée à Le Pen, lance des imprécations hallucinées contre un « pouvoir judiciaire » qui « ne connaît plus de limites », qui « enfreint toutes les règles », et qui « bafoue tous les principes pour satisfaire ses pulsions judiciaires ».
C’est une façon très originale de contester un jugement tout à fait conforme au droit - mais il y a fort longtemps que Finkielkraut, sédimenté dans ses lubies, résiste (courageusement) à la tentation de respecter la vérité factuelle pour mieux prôner une extrême droitisation générale : pour conclure sa péroraison, il regrette d’ailleurs que « la préférence nationale » soit « considérée désormais comme discriminatoire, c’est-à-dire raciste ».
Rappel : ces proférations sont subventionnées par (la glissade vers l’abîme de) nos dépenses publiques.

4 avril (1)
Après avoir publié en 2021 celui de Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur (qui développait dans ses pages d’étonnantes considérations sur « les difficultés touchant à la présence de dizaines de milliers de Juifs en France » à l’époque napoléonienne), les éditions de L’Observatoire annoncent la prochaine parution d’un livre de Bruno Retailleau : ça commence à ressembler à une niche.
On suppose, après qu’il a joint sa voix au chœur des lepénistes fustigeant des « juges rouges », que cet ouvrage présenté comme programmatique aura pour titre : Ne rien céder, sauf à l’extrême droite.
Mais on se trompe, et ce sera : Ne rien céder. Manifeste contre l’islamisme.

4 avril (2)
Le Parti socialiste (PS) annonce qu’il ne participera pas au rassemblement organisé par Les Écologistes et La France insoumise pour dénoncer les attaques de l’extrême droite contre l’État de droit - « pour ne pas politiser la justice ».
Rappels : la justice est un enjeu politique vital en démocratie - et les socialistes qui s’abstiennent de se mobiliser pour la défense de l’une et de l’autre ne sont décidément pas des camarades.

5 avril
La gauche passe beaucoup de temps à se demander comment elle doit - ou peut - aujourd’hui qualifier l’extrême droite : est-elle encore fasciste ? Est-elle néofasciste ?
Pour stimuler sa réflexion, cette gauche peut très utilement
se reporter à ce constat dressé par l’historien Johann Chapoutot dans le passionnant entretien qu’il accorde au site The Conversation : « Au fond, pour les extrêmes droites mondiales soutenues par Musk, Trump, Milei ou Bolsonaro, le Troisième Reich allemand reste une référence indépassable : les nazis, c’est l’extrême droite qui a triomphé en conquérant un continent, en éliminant un peuple entier, en léguant à la postérité des images (défilés au cordeau, congrès spectaculaires, cinéma de propagande…) conçues pour être fascinantes. »

7 avril
Pour la troisième fois, Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée, refuse de se rendre à une convocation d’une commission d’enquête parlementaire.
Un tel refus l’expose à une peine de 7 500 euros d’amende et deux ans de prison - et confirme, sans surprise aucune, que le Rassemblement national n’est pas seul à sauter à pieds joints sur l’État de droit.

8 avril
Dans un magazine d’extrême droite, Laurent Wauquiez (extrême droite), qui dispute à Bruno Retailleau (extrême droite) la présidence des Républicains, décrète qu’il souhaite « que les étrangers dangereux sous OQTF* soient enfermés dans un centre de rétention à Saint-Pierre-et-Miquelon, hors de l’Hexagone »
Un tel projet porte un nom : c’est un plan de déportation.

9 avril
Le vénérable quotidien Le Monde, qui se v(o)it toujours comme le journal français « de référence », publie une tribune ahurissante.
Ses auteurs, au nombre desquels compte notamment l’essayiste Pierre-André Taguieff, mènent en France, depuis d’interminables années - et à l’unisson de toutes les extrêmes droites, de Moscou à Washington - une croisade quelque peu hallucinée contre ce qu’ils appellent « le wokisme ».
C’est-à-dire : contre la sensibilité aux discriminations visant les minorités - et plus généralement les catégories considérées comme indésirables par la doxa dominante.
Un peu gênés aux entournures par l’évidence que l’antiwokisme dont ils se sont faits les champions est ce qui a notamment facilité aux États-Unis l’installation au pouvoir du néofascisme trumpiste, les signataires soutiennent, très sérieusement : « Notre critique du wokisme n’a rien à voir ni avec le poutinisme ni avec le trumpisme. »
Et Le Monde fait donc le choix de publier leur plaidoyer, oubliant au passage cet édifiant précédent : le 4 juillet 2024, Le Figaro avait publié, trois jours avant le second tour des élections législatives (où le Rassemblement national (RN) menaçait de l’emporter), une autre tribune, appelant à faire partout barrage à la gauche qui appelait à faire barrage à l’extrême droite - en votant donc, au besoin, pour le RN.
Parmi ses signataires, déjà : Pierre-André Taguieff.

10 avril (1)
Titre du Monde, qui se passionne pour la compétition opposant Bruno Retailleau à Laurent Wauquiez pour la conquête de la présidence des Républicains : « Avec sa proposition choc sur les OQTF à Saint-Pierre-et-Miquelon, Laurent Wauquiez assume “un projet de rupture“ pour exister face à Bruno Retailleau. »
Le « journalisme politique », tel qu’il se pratique dans la presse comme il faut, est donc aussi un art de vider de leur signification révoltante les pires proférations de l’extrême droite - en présentant par exemple un plan de déportation comme un « projet choc » -, pour mieux suggérer qu’elles seraient un aléa comme un autre dans la vie des partis politiques.
On pourrait presque appeler cela un journalisme de banalisation du pire.

10 avril (2)
Au fur et à mesure que se confirme l’immensité des crimes qu’il commet tous les jours à Gaza : il devient semble-t-il compliqué, pour certains supporteurs du gouvernement israélien, d’assumer complètement cet appui.
Yaëlle Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, exprime ainsi son « regret » d’avoir officiellement et publiquement apporté, ès-qualité, le 10 octobre 2023, son « soutien inconditionnel » à Israël.
On veut supposer que ce n’est qu’un début, et que d’ici quelques années elle reconnaîtra également qu’il était superflu de traiter d’antisémites celles et ceux qui considéraient alors qu’elle avait précisément eu tort de parler de «soutien inconditionnel».

11 avril
Nouveau massacre à Gaza, où les bombardements israéliens tuent 26 personnes, dont plusieurs enfants - bilan provisoire.
Tenir la chronique de cette épouvante devenue atrocement ordinaire - et se rappeler celles et ceux qui lui ont apporté leur « soutien inconditionnel ».

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