| Hadrien Mathoux Directeur adjoint de la rédaction Retraites : quels citoyens défend-on ?
Loin de la fable de dirigeants ayant à coeur le sort de « tous les Français », il est toujours instructif d'examiner quels intérêts sociaux se chargent de défendre les forces politiques du pays. Nul besoin d'avoir potassé Le Capital pour admettre qu'il existe en France des catégories occupant des positions différentes dans les rapports de production, et que le président ayant trouvé la martingale permettant de ne faire que des heureux n'est pas encore né.
Le « septennat » d'Emmanuel Macron a montré de manière très explicite à quel point la politique menée par le pouvoir était liée à son électorat. Soutenu contre vents et marées par les « boomers », le chef de l'Etat a refusé jusqu'à l'absurde de faire contribuer les retraités, y compris les plus riches, à l'effort de redressement des finances publiques. La France fait pourtant partie des pays consacrant le plus d'argent à ses aînés, lesquels vivent en moyenne mieux que les actifs, un particularisme presque unique au monde. Voilà un pan du modèle social que Macron a jusqu'ici refusé de toucher, quitte à faire peser tout l'effort sur les travailleurs, les services publics, la jeunesse… Rien ne viendra non plus du Rassemblement national, pourtant plébiscité dans les urnes par « la France qui travaille » : ayant identifié les retraités comme cible prioritaire pour 2027, le parti de Marine Le Pen ne fera rien pour les froisser, ce qui donne une idée des renoncements électoralistes auxquels il est prêt à se plier pour hériter des clés de l'Elysée.
Dans ce contexte, l'attitude choisie par la gauche ne laisse pas d'étonner, même en ayant admis qu'elle a cessé depuis longtemps d'être le camp de la classe ouvrière pour devenir celui des fonctionnaires, des urbains diplômés et des minorités. La France insoumise est ainsi montée énergiquement au créneau pour dénoncer l'hypothèse d'une désindexation des retraites sur l'inflation ; le Parti socialiste continue d'envisager une hausse des cotisations sociales comme principal remède à la situation ; enfin, dans une stupéfiante tribune, plusieurs membres éminents de L'Après (mouvement principalement composé par des ex-LFI comme Alexis Corbière ou Clémentine Autain) annoncent que « la démographie impose de faire évoluer la part du PIB consacrée aux retraites vers 20% », proposant « d'ajuster les cotisations pour garantir la prestation ».
Les principes cardinaux de l'économie politique sont ici balayés : les cotisations sont envisagées comme unique variable d'ajustement, comme si le poids qu'elles font peser sur les salaires des actifs et l'activité des entreprises n'existait pas — les travailleurs peuvent pourtant constater tous les mois l'écart collectif entre leur rémunération brute et ce qu'ils touchent concrètement. Surtout, si le modèle français servait à garantir une existence digne à tous nos aînés, de telles mesures pourraient se justifier. Or tel n'est pas le cas, puisque les près de 400 milliards d'euros transférés chaque année des actifs aux retraités servent en bonne partie à alimenter l'épargne de multi-propriétaires au train de vie confortable. Est-ce vraiment ces catégories de Français que doit servir la gauche ? Twitter @hadrienmathoux
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