Translate

vendredi 19 avril 2024

L'actualité littéraire avec BIBLIOBS - Vendredi 19 avril 2024

 


BibliObs

Vendredi 19 avril 2024

Une tendance étonnante a affolé TikTok, il y a quelques mois - autant dire il y a quelques siècles. Sous le mot-dièse #RomanEmpire (Empire romain), des utilisateurs du réseau social ont âprement débattu pour savoir qui, des hommes ou des femmes, pensaient le plus souvent à l’Empire romain. A titre personnel, j’y pense souvent. Non parce que notre époque délétère rejouerait sur un mode nettement moins flamboyant la décadence et la chute de l’Empire romain d’Occident telle que narrée par Edward Gibbon, mais parce que les histoires d’empereurs déchus comme Néron l’incendiaire ou Héliogabale le sanguinaire me fascinent.

Bien que bref - de 218 à 222 - le règne de Sextus Varius Avitus Bassianus dit Héliogabale, ou plutôt sa légende, a de quoi affoler l’imagination, avec ses intrigues, ses meurtres, ses scandales et ses perversions. Grand prêtre du Soleil, le jeune empereur (il fut porté au pouvoir à l’âge de 14 ans) voulut imposer son Dieu unique aux Romains, épousa des hommes et exigea que l’on use du pronom féminin pour le désigner. Les historiens de l’Antiquité l’ont volontiers dépeint en être capricieux, dépensier et d’une créativité débordante pour le renouvellement des supplices.

Cette dernière « qualité » a inspiré au peintre pré-raphaélite Lawrence Alma-Tadema « Les roses d’Héliogabale » (1888), une toile spectaculaire. On y voit les convives d’une orgie organisée par Héliogabale noyés et agonisant sous un déluge de pétale à la demande du facétieux empereur qui cherchait ainsi à tromper son ennui. Un tel personnage, inventeur du théâtre de la cruauté avant l’heure, avait tout pour plaire à Antonin Artaud, qui lui a consacré un livre : « Héliogabale ou l’anarchiste couronné » (1934).

Nous parvient aujourd’hui « Héliogabale » (Gallimard), une pièce inédite de Jean Genet, écrite en 1942. Là encore, le destin funeste du jeune empereur ne pouvait que séduire l’auteur de « Notre-Dame-des-Fleurs ». Son drame en quatre actes raconte les dernières heures du jeune Héliogabale, amoureux du cocher Aeginus et cible du complot fomenté par sa grand-mère toujours accompagnée d’un guépard en laisse (évidemment, on l’adore). Sur scène, Genet imaginait pour décor une pierre phallique noire et des peaux de bêtes. On se croirait chez Régine. Stupre, travestissement et crachats : du pur Genet, bien que l’écriture de la pièce soit étonnamment sobre. On imagine déjà Michel Fau ou Guillaume Gallienne dans le rôle de la grand-mère et, pour celui d’Héliogabale, Isabelle Huppert bien sûr. Who else ?

Elisabeth Philippe

Notre sélection
Hachette : après Saporta virée de Fayard, Bolloré ne s’arrêtera pas là
La suite après cette publicité
 
   
  
 
   
 
   
  
 
   
Contribuez à l'information durable, découvrez nos offres d'abonnement

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire