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samedi 24 février 2024

La lettre de Patrick Le Hyaric - samedi 24 février 2024

 


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La Lettre du 24 février 2024
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Bonjour à chacune et chacun,
 
Les cérémonies de panthéonisation de Mélinée et Missak Manouchian et de leurs camarades ont été belles, puissantes dans les messages délivrés, grandioses dans leurs mises en scène, pleines d’enseignements et de messages. Dans son édition du 22 février, l’Humanité en relate toute la grandeur. (lire ici)

Ces cérémonies et la reconnaissance de la Résistance étrangère, communiste, juive, consacrent des années de travail et de combat de la famille épaulée par plusieurs historiens et personnalités d’opinions différentes, unies pour un acte de justice que le président de la République a accepté.

Son discours a été à la hauteur de l’événement. D’une haute tenue, faisant vivre à la fois Louis Aragon et les combattants communistes, les belles valeurs internationalistes et fraternelles que porte le communisme originel. Il a remis à jour l’apport du Parti communiste à la nation française bien que sa politique le détruise méticuleusement.

Jamais pourtant, les mots « communistes » et « communisme » ne sont autant apparus dans un discours de président de la République française.

Des centaines de milliers de nos concitoyens ont sans doute à cette occasion découvert le rôle des étrangers, des juifs et des communistes pour notre liberté et pour que la France recouvre sa République des lumières. Plusieurs émissions de télévision, des films et des documentaires de qualité, notamment sur France Télévisions, ont largement enrichi le grand livre historique de la Résistance, dont la Résistance armée organisée par les communistes qu’un récit uniforme concocté par des officines de droite a voulu effacer de l’histoire.

De nombreux et remarquables livres et hors-série de journaux parus ces derniers mois, tel celui de l’Humanité, donnent à voir et à comprendre ce qu’étaient les Francs-Tireurs et Partisans - Main d’Œuvre Immigré (FTP-MOI) de Missak Manouchian, Joseph Epstein, Henri Krasucki, Joseph Epstein, Arthur London, Lise London, Olga Bancic, Albert Ouzoulias et tant d’autres organisés au sein du Parti communiste.
 
 
« Ils étaient vingt-trois Étrangers et nos frères pourtant »

En creux, cela pose une question pour aujourd’hui. La nation doit au Parti communiste sa capacité à accueillir, à former, à solidariser, à donner de grandes responsabilités à ces « étrangers et nos frères pourtant ».

Fort de cette expérience, de cette richesse historique vivante, pourquoi, dans les conditions nouvelles de la lutte des classes et des nouvelles migrations avec les enfants et petits-enfants des femmes et des hommes venus des anciennes colonies faire fonctionner nos usines durant les prétendues « Trente glorieuses », le Parti communiste ne se donnerait-il pas l’objectif de travail, de lutte et d’organisation de toutes les travailleuses et travailleurs immigrés d’aujourd’hui et de leurs enfants devenus Français , qui constituent une part importante de la classe ouvrière, voire d’un nouveau prolétariat ?

Historiquement, il est également utile de rappeler qu’à partir des années 1938 en France, les centristes, les libéraux et la droite qui mirent fin au Front populaire, chassèrent les réfugiés juifs, les immigrés, ceux-là mêmes qui à l’époque étaient indispensables à l’industrialisation de la France. Les Républicains espagnols qui combattaient Franco et les Italiens en lutte contre Mussolini connurent le même sort.

L’histoire bégaie parfois. Faisons réfléchir aujourd’hui sur le fait que Manouchian et ses camarades comme des milliers d’autres Résistants ne sont pas morts pour les lois « séparatisme », la loi « immigration » et la tentative de remise en cause du droit du sol, la casse minutieuse des services publics et du statut de la fonction publique, l’explosion des inégalités.

Il n’est pas inutile d’ouvrir les yeux et les oreilles face aux récidives actuelles. Il ne suffit pas de prononcer un discours un soir, sous la voûte du Panthéon, pour être fidèle à celles et ceux que la République honore. Voilà pourquoi, d’œil et d’oreilles grand ouvert pendant un discours, dénonçant les contradictions ; soufflant pour dissiper l’épais brouillard que le haut de l’état et de grands médias injecte dans les esprits nous savons qu’il ne suffit pas de scander « Est-ce ainsi que les hommes vivent » pour ne pas y répondre. Oui, nous savons comment vivent les êtres humains sous le capitalisme mondialisé et ses guerres économiques qui écrasent le travailleur des usines et des bureaux comme celui des champs.

Que nous diraient aujourd’hui celles et ceux qui ont sacrifié leur vie de ce qui se passe aujourd’hui ?
 
 
Ces abominables propos tenus à quelques mètres du cercueil de Mélinée et Missak Manouchian.

Non contente de s’être sans vergogne présentée au panthéon la chef de l’extrême droite, celle dont le parti a été fondé par des collaborateurs et même des nazis s’est précipitée sur le micro de France 2 qui lui était tendu pour proférer une abomination mélangeant le mot « étranger » à celui de « Légion étrangère ». « Vous savez a-t-elle dit, j’ai évidemment quelques liens familiaux avec la Légion étrangère, donc que des étrangers soient venus tout au long de notre histoire se battre pour défendre notre pays est une évidence » Personne, ni la journaliste qui faisait l’entretien ni sur le plateau ne releva cette odieuse provocation. La chef du RN/FN traçât ainsi dans le silence de cette nuit d’hiver un trait d’égalité entre la résistance communiste, juive, étrangère avec la sanglante carrière de son père Le Pen engagé dans un régiment « étranger parachutiste » lors des guerres coloniales en Indochine puis en Algérie. Il a été documenté que lors de ses activités sanglantes il attaque lune famille – la famille Moulay- dont il tortura le père de famille jusqu’à la mort. On trouva en ces lieux oublié par l’assassin un poignard des jeunesses hitlériennes dont la lame était grave au nom de « J M Le Pen 1er REP ». Peut-être que l’audace de Mme Le Pen a été décuplée par la drôle d’idée de faire porter les deux cercueils par des légionnaires. Il aurait été préférable et fort de symbole de les faire porter par des militants, par des travailleurs étrangers qui font la richesse de la France. Ainsi on peut faire un beau discours, on peut même trouver indésirable la présence des chefs de l’extrême droite et lui dérouler le tapis percé de cette fameuse dédiabolisation qui leur permet de tenir d’odieux propos à quelques mètres du cercueil. La machine à fabriquer le brouillard tourne à plein. Il faut garder les yeux et les oreilles grands ouvert.
 
 
Internationaliste
 
À cette occasion, des contresens et du fiel ont été une nouvelle fois lâchés contre le Parti communiste. Passons sur la rengaine défraîchie et simpliste sur une prétendue entrée tardive en résistance des communistes, qu’après la fin du « pacte de non-agression germano-soviétique ».
 
En revanche, il est utile d’étudier et de partager la signification de « l’Affiche rouge » - qui se voulait tâche de sang - placardée sur les murs par les services nazis et leurs complices de Vichy, qualifiant non pas de libérateurs, mais « d’armée du crime » de « terroristes » Missak Manouchian et ses camarades.
 
Ceci visait, déjà et comme toujours, à désigner les juifs, les communistes et les étrangers comme responsables des malheurs de la France. Il ne pouvait pas être selon la propagande Pétainistes et Nazis des résistants.
 
Ce sens a longtemps été occulté par une certaine propagande et quelques histoires qui se voulaient officielles, y compris gaulliste, jusqu’à conceptualiser « la Résistance française ». Or, ce sont des étrangers qui ont été fusillés. La Résistance n’était donc pas que... française. Elle était nationale, mais pas nationaliste. Elle était internationaliste. Elle désignait l’ennemi des peuples.
 
La phrase de Missak Manouchian dans sa dernière lettre à Mélinée le dit admirablement, « je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand ».
 
Il fait la distinction entre le nazisme, la collaboration et le peuple allemand. La propagande nazie et celle des pétainistes voulaient que les combattants FTP-MOI ne fussent pas aux yeux des Français des « Résistants » et encore moins des « Libérateurs » du pays puisque ce n’était pas le leur.
 
Ils justifient ainsi leur arrestation et leur exécution au nom même de la tranquillité et de la liberté des Français.
 
Il est un autre contresens sciemment véhiculé à partir d’une strophe du grand poème, « Strophes pour se souvenir » paru pour la première fois dans l’Humanité, superbement mise en chanson et en musique par Léo Ferré, en accord et avec le soutien de son auteur, le poète Louis Aragon.
 
Les deux mots « français de préférence » ont été tous ces derniers jours sortis du texte et du contexte par certains à dessein. La phrase exacte est « Nul ne semblait vous voir français de préférence » ce qui signifie que malgré la propagande nazie et vichyste, personne ne s’est dit en voyant l’affiche, qu’il eut été préférable que ces visages soient ceux de Français au lieu de ceux « d’étrangers » pour être ceux d’authentiques Résistants. Au contraire. Louis Aragon le dit ensuite « Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant », autrement dit, ils faisaient mine de ne pas vous connaître pour ne pas vous dénoncer aux miliciens et à la Gestapo. « Mais à l'heure du couvre-feu, des doigts errants avaient écrit sous vos photos “Morts pour la France”.
 
Il y eu aussi, cette volonté de diviser. Lors d’une revue de presse l’Humanité, a été attaqué parce qu’elle n’aurait pas écrit « juif », derrière un nom de combattant. Nous conseillons à l’auteur de lire le Hors-série de L’Humanité en son entièreté. Ce petit procès a sa petite importance puisque c’est le même reproche fait à Louis Aragon qui n’a pas écrit le mot « juif » dans son poème.
 
On devine en ces temps où la critique du gouvernement israélien est accusée d’antisémitisme à quelle manipulation l’on veut en venir. Les communistes sont internationalistes et promeuvent la laïcité. Beaucoup des Résistants étaient juifs et communistes. De grands militants et Résistants communistes ont protégé des Juifs pendant la déportation et dans les camps de la mort. Pourquoi ces insinuations fielleuses depuis le confort de studios de radio ou de plateaux de télévision ?
 
Un ami, Bernard Vasseur, me rappelle ces jours-ci que Louis Aragon est le premier et le seul de toute la littérature française à citer Auschwitz et la Shoah dès 1943 dans son recueil, le Musée Grévin :
 
« Aux confins de Pologne existe une géhenne
Dont le nom siffle et souffle une affreuse chanson

À Auschwitz À Auschwitz Ô syllabes sanglantes
Ici l'on vit ici ici l'on meurt à petit feu
On appelle cela l'exécution lente
Une part de nos cœurs y périt peu à peu

Limites de la fin limites de la force
Ni le Christ n'a tenu ce terrible chemin
Ni cet interminable et déchirant divorce
De l'âme humaine avec l'univers inhumain

Ce sont ici des Olympiques de souffrances
Où l'épouvante bat la mort à tous les coups »

Notre devoir est d’être digne d’eux.
 
 
Droit du sol. Une nouvelle entaille dans notre République

Les beaux discours du président de la République en hommage à Robert Badinter ou lors de la panthéonisation de Mélinée et Missak Manouchian cachent habilement la terrible réalité d’actes qui contredisent totalement les combats de ces résistants et hommes d’État.

Voici que le pouvoir reprend une nouvelle fois un alinéa du programme de l’extrême droite : la remise en cause du droit du sol à Mayotte. C’est un pilier de l’architecture juridique française - fondant le droit à la nationalité depuis 1889* consacré par toutes les constitutions révolutionnaires et le bloc de lois républicaines qui serait scié par la base. Le droit du sol est le moyen permettant à un enfant de parent étranger d’accéder à la nationalité française à l’âge de 18 ans. Ce droit ne voyage pas seul. Il porte l’espérance d’une République qui répond à une aspiration universelle à la liberté. Une République capable, grâce à ses institutions et services publics, d’élever chacune et chacun sans distinction d’origine vers la construction d’une société commune, dans un projet commun d’émancipation. Loin des clichés véhiculés par les officines de propagande nauséabonde, l'accès à la nationalité répond à quelques conditions : être né en France, y avoir vécu au moins cinq ans et y résider toujours à l’âge de sa majorité. Pour Mayotte s’y ajoute, depuis l’année 2018, une condition supplémentaire : être née sur place de parents en situation régulière depuis trois mois. Il s’agit d’une adaptation issue de la loi du 18 septembre 2018 validée par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel. À l’époque le président de la République l’avait ainsi justifiée : « il s’agit de préserver le droit du sol qui est l’un de nos principes fondamentaux en adaptant ses conditions d’exercice à la réalité de ce territoire ». Ce qui semblait vrai hier ne le serait donc plus !

Aujourd’hui, un enfant d’une maman comorienne qui accouche dans une maternité de Mayotte ne peut avoir la nationalité française. De fait, l'application de la nouvelle loi a conduit à une considérable réduction du nombre de celles et ceux qui ont acquis la nationalité française. Pour faire croire que la remise en cause du droit du sol à Mayotte réglerait les problèmes de ce département, les boniments gouvernementaux cachent les chiffres du ministère de l’Intérieur lui-même. Alors qu’il y avait 2900 personnes accédant à la nationalité française en 2018, il n’y en avait plus que 900 en 2022. Ce recul n’a pourtant eu aucun effet sur les flux migratoires. Les causes sont donc ailleurs. La proximité géographique, les liens familiaux, la langue commune. Au-delà, c'est la différence de développement entre les deux îles sur fond de profonde crise sociale et économique qui poussent aux migrations.

Mais le gouvernement ne veut pas faire porter le débat sur ces enjeux. Il profite de l’occasion pour ouvrir une béante plaie dans la République. Il ne s’agit plus « d’adapter » le droit du sol, mais d’inscrire sa suppression dans la Constitution. Comment pourrait-on inscrire une telle disposition dans notre loi fondamentale sans contredire son article premier qui proclame que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ; elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». Il ne peut donc pas y avoir dans notre pays deux régimes de nationalité au risque d’une rupture d’égalité entre citoyens. Dans le cas contraire, on reviendrait à un régime colonial pour Mayotte.

Entailler le droit du sol à Mayotte revient à ouvrir une brèche dans le droit de la nationalité, car les territoires et départements d’outre-mer sont utilisés comme des laboratoires pour des politiques plus générales. Demain, n’importe quel gouvernement pourrait se servir de cette modification constitutionnelle pour supprimer le droit du sol sur l’ensemble du territoire par une simple loi ordinaire. À-t-on décidé en haut lieu de faire directement la courte échelle aux extrêmes droites ?

C’est aussi le moyen de faire revenir en force une disposition votée par la macronie, la droite et l’extrême droite et retoquée par le Conseil constitutionnel, visant à mettre fin à l’automaticité de l’accès à la nationalité française pour l’ensemble des mineurs nés en France de parents étrangers. De facto, une modification constitutionnelle entaillerait le droit à la nationalité.

Le pouvoir et la droite versent leur part de soupe avariée dans la puante gamelle des extrêmes droites, validant leurs thèses xénophobes consistant à faire de la figure de « l’étranger » le coupable de toutes les difficultés afin d’exonérer les dégâts humains et environnementaux du capitalisme. Ainsi, malgré les trompeuses professions de foi de ceux qui nous gouvernent en accord avec les droites, Missak Manouchian et ses camarades seraient restés des « étrangers ».

Pour être certain de bien protéger le système, l’idéologie du « grand remplacement » est instillée dans les pores de la société. Le pluralisme et la diversité française sont niés. Après les lois « séparatisme » la loi « immigration » la tentative de supprimer le droit du sol, la République est toujours plus balafrée. Il est urgent de se lever pour elle.

● Droit à la nationalité via le droit du sol décidé dès 1851 suivi des réformes de 1889, 1927,1945, 1973
 
 
● Deux ans déjà d’une sale guerre contre le peuple ukrainien qui fait des milliers de morts, qui détruit des services. Depuis quelques jours nous assistons à une inquiétante escalade internationale. Que nous prépare-t-on ? Les usines d’armement européen sont sommées de tourner à plein. J’y reviendrai la semaine prochaine. Pour comprendre les raisons de la guerre en Ukraine mon livre reste disponible dans les librairies et sur commande sur la boutique de L’Humanité.
 
 
 
Des poèmes pour Gaza

Soutenez l’initiative de notre ami André Prone qui édite un recueil de poèmes en solidarité avec les enfants de Gaza. Toutes les recettes du livre qu’il propose seront reversées à l’association France Palestine Solidarité. Remercions André et soutenons-le pour soutenir Gaza.
 
 
En vous souhaitant la meilleure semaine possible, recevez mes amicales salutations.
 
Patrick Le Hyaric
 
 
 
 
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