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jeudi 28 septembre 2023

LSDJ (La Sélection du Jour) - Un arbre généalogique vieux de 6700 ans dévoilé grâce l'ADN - le 27.09.2023

 

 
La Sélection Du Jour
27 SEPTEMBRE 2023 - N°1994

HISTOIRE

Un arbre généalogique vieux de 6700 ans dévoilé grâce l'ADN

Photo (peintures rupestres de la grotte de Magura en Bulgarie) : Shutterstock

Et si le rêve d'une machine à remonter le temps était réalisé par la recherche en génétique ? Dans le petit village bourguignon de Gurgy, au lieu-dit Les Noisats, un trésor datant du Néolithique a été mis à jour et passionne les archéologues du monde entier au point que la revue scientifique Nature lui a consacré un article (notre sélection). Entre 2004 et 2007, un groupe de chercheurs a découvert un cimetière datant de 4700 ans avant J.C. Plus d'une centaine de dépouilles ont été trouvées dans des tombes individuelles soigneusement creusées. Pas d'objets de valeur cependant, ce qui rend paradoxalement la découverte extraordinaire. En effet, le Néolithique a connu une révolution : des communautés se sont sédentarisées pour travailler la terre et faire de l'élevage. Des structures politiques et cultuelles se sont mises en place et elles sont mises en évidence par les découvertes de tombes monumentales ou par les sites mégalithiques. Le Bassin parisien élargi est une région riche de traces de cette époque. Mais, comme ailleurs en Europe, les tombeaux découverts sont d'habitude ceux de l'élite, recelant des bijoux, des squelettes d'animaux etc… Rien de tel à Gurgy, avec ces humbles dépouilles ensevelies les unes à côté des autres.

Les chercheurs espéraient que les progrès technologiques allaient permettre de dévoiler un peu de la vie de ce qui semblait bien être un clan de fermiers vivant 4700 ans avant notre ère. La patience a payé : un groupe de chercheurs franco-allemands a réussi à extraire de l'ADN de 94 corps pour reconstituer leur génome complet. Les séquences génétiques ont permis d'établir les liens de parenté entre certains de nos lointains ancêtres pour reconstruire un arbre généalogique sur 7 générations. Et la première conclusion est que les communautés de l'époque étaient déjà très structurées, bien avant le début de l'âge de Bronze. À Gurgy, 2 clans familiaux distincts dirigés par des patriarches vivaient côte à côte. Les 64 dépouilles enterrées dans le même cimetière appartiennent à un premier clan sur 7 générations. Le second comprend 12 corps sur 5 générations. Or, on ne trouve qu'une mère dans le plus petit clan ayant des liens génétiques avec un homme du clan majeur. Ce qui prouve l'existence de règles communautaires strictes : aucune polygamie et un tabou de l''inceste déjà bien établi puisque même les mariages entre deux clans proches étaient proscrits.

Les chercheurs ont réussi à dessiner des portraits de la plupart des membres de ces clans grâce à la génétique. Au-delà de l'expérience toujours touchante de voir apparaitre des visages aussi anciens, le travail réalisé permet de mieux comprendre le fonctionnement des sociétés de l'époque. Plusieurs faits saillants : tout d'abord les hommes restaient toute leur vie dans leur groupe d'origine alors que les femmes étaient envoyées dans d'autres communautés. Les isotopes du strontium accumulés dans les dents permettent de savoir d'où venait l'eau bue par les personnes dans leur enfance. Or, l'analyse de ces isotopes dans les dents des femmes prouve qu'elles venaient toutes d'endroits différents. On ne trouve à l'inverse quasiment aucune femme dans le cimetière appartenant aux deux clans d'origine. Si ce réseau élaboré d'échanges entre communautés n'est pas une surprise, l'étude confirme qu'il était bien en place dès le Néolithique.

D'autres surprises attendaient Maïté Rivollat, paléogénéticienne en charge du projet… Contrairement à l'image d'une préhistoire faite de violence et de précarité, les squelettes alignés avec soin ne portaient aucune trace de violence. L'analyse génétique a ensuite démontré une forte fertilité avec l'exemple de six frères ayant atteint l'âge adulte, et qui donneront eux-mêmes naissance à une nombreuse progéniture. Sans compter les sœurs très probables qui – pour les raisons évoquées plus haut – ne sont pas enterrées là… On peut donc en déduire une vraie stabilité sociale combinée à une abondance alimentaire.

Le cimetière néolithique de Gurgy garde certains mystères… La première personne enterrée sur le site était une femme et – près d'elle – ont été disposés les os d'un homme plus âgé dont l'ADN indique qu'il est le fondateur du clan le plus important. Mort et enterré ailleurs, sa dépouille a été déplacée et de nouveau ensevelie à côté de cette femme – mystérieuse car les chercheurs n'ont pas réussi à extraire son ADN. Jusqu'à 1800 personnes ont occupé les lieux et le cimetière a été utilisé sur 4 générations soit un peu plus d'un siècle. Pas de traces d'habitations retrouvées et tout le groupe est parti brusquement sans qu'on sache pourquoi… Le plus vertigineux pour les chercheurs est de pouvoir affirmer que ce type élaboré de structure communautaire stable, avec des règles strictes, existait bien avant l'âge de Bronze, qui a débuté il y a 3300 ans. Car le cimetière néolithique de Gurgy est deux fois plus vieux (6700 ans) ! Les racines de l'humanité se dévoilent donc toujours plus grâce à un progrès technologique fascinant …

Ludovic Lavaucelle
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Pour aller plus loin :

Extensive pedigrees reveal the social organization of a Neolithic community

>>> Lire l'étude sur : Nature

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