« Le flou persiste autour du projet de loi sur la fin de vie » constate La Croix (26 septembre). Mi-septembre, Olivier Véran, porte-parole du Gouvernement, avait promis une « avancée importante d'ici à la fin du mois de septembre ». L'examen de ce texte avait été reporté après la visite du pape François pour ne pas froisser le Saint-Père. Là-dessus, silence total d'Emmanuel Macron lors de son entretien télévisé du 24 septembre. Et le lendemain, le ministre des relations avec le Parlement, Franck Riester, annonce qu'il sera finalement débattu par l'Assemblée nationale « l'année prochaine »... L'obscurité qui entoure ce projet de loi commence à énerver ses partisans comme ses adversaires. On pourrait presque lui appliquer la phrase de Churchill à propos de l'URSS : « ... un rébus enveloppé de mystère au sein d'une énigme ».
« À ce stade, nous ne savons toujours rien des modalités et du calendrier retenus », constate dans La Croix Claire Fourcade, présidente de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP). Elle rappelle : « Le président Macron s'était engagé à ce que ce texte soit coconstruit avec les parlementaires et les soignants. Depuis, nous n'avons cessé de clamer que donner la mort ne peut être considéré comme un soin. Mais avons-nous été entendus ? » Même inquiétude agacée dans le camp adverse, dont le fer de lance est l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) : « Six mois après que la Convention citoyenne s'est nettement prononcée en faveur de l'euthanasie, je ne m'explique pas cette indécision. Le président aurait-il peur de froisser la droite ou les soignants ? » suggère, également dans La Croix, Jonathan Denis, président de l'ADMD.
Le pape François a rappelé à Emmanuel Macron son opposition à la légalisation de l'euthanasie lors de sa visite à Marseille : « Qui écoute les gémissements des personnes âgées isolées qui, au lieu d'être valorisées, sont parquées dans la perspective faussement digne d'une mort douce, en réalité plus salée que les eaux de la mer ? », a lancé le Saint-Père devant le président de la République, au Palais du Pharo. Il est revenu sur le sujet pendant la messe au stade Vélodrome, puis à bord de l'avion qui le ramenait à Rome : interrogé par un journaliste sur l' « aide active à mourir », il a rappelé qu'il avait déjà « clairement » fait part de son point de vue à Emmanuel Macron : « Avec la vie on ne joue pas, ni au début ni à la fin », a-t-il répété. « Il ne s'agit pas de mon avis, il s'agit de protéger la vie », a expliqué le Pape. Tant pour « la loi qui ne laisse pas grandir l'enfant dans le sein de la mère », que pour celle « sur l'euthanasie », il ne s'agit pas de foi, a souligné le Pape, « c'est quelque chose d'humain ». En d'autres termes, c'est le premier des droits naturels, le droit à la vie, qui est en cause. Un sujet auquel il faut être « attentif, sinon, avec cette politique de la non douleur, ça finira par une euthanasie humaniste », a-t-il averti. « C'est de la mauvaise compassion. »
Le projet de loi comporterait trois parties : accès aux soins palliatifs, aide active à mourir et droits des patients. C'est bien la légalisation de « l'aide active à mourir » qui pose un problème majeur. Que se cache-t-il derrière cette expression ? L'euthanasie, le suicide assisté, eux-mêmes confondus dans l'expression « mort choisie » ? Il est bien question aussi de développer les soins palliatifs mais ceux-ci sont mélangés avec « l'aide active à mourir », ce qui scandalise le collectif de 800.000 professionnels de santé de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP,) rapportent Le Figaro (20 septembre) et le JDD (24 septembre, en lien ci-dessous). « Parler dans une même loi des soins palliatifs et d'un projet de mort du patient, c'est une aberration », s'insurge Sophie Chrétien, de l'Association des infirmiers en pratique avancée (ANFIPA). Ségolène Perruchio, vice-présidente de la SFAP, dénonce un stratagème : « Comment des députés pourraient voter contre ce magnifique projet de développer des soins palliatifs dans lequel on a glissé aussi le sujet moins consensuel de l'aide active à mourir ? »
Selon les mots prononcés par Emmanuel Macron lui-même en avril dernier, devant les citoyens de la Convention sur la fin de vie, il s'agirait d'une réforme de société majeure, susceptible de provoquer un « vertige éthique »... Mais, avait-il ajouté, ni ce « vertige éthique » ni son « opinion personnelle qui peut évoluer » n'entameraient sa volonté d'avancer vers un nouveau « modèle français de la fin de vie ». Le texte finira par être présenté mais quand et dans quel état ? Mystère. Et quand c'est flou...
Philippe Oswald
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