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samedi 1 avril 2023

LSDJ : À 107 ans, Colette Maze est amazing ! - le 31 mars 2023

 

31 MARS 2023 - N° 1861

CULTURE

À 108 ans, Colette Maze est amazing !

Photo : Colette Maze, pianiste française née en juin 1914, le 24 mars 2023 (Stéphane De Sakutin, AFP).

Sur son piano, ses doigts graciles se promènent et caressent encore les notes de son compositeur favori, Claude Debussy, mort en 1918, quatre ans avant sa naissance… Non, ce n’est pas un robot en peau de latex qui résisterait au temps, un de ses humanoïdes hybridés avec on ne sait quel ChatGPT. Colette Maze est bien vivante, de chair et de sang. La pianiste va même sortir son septième album avant l’été avec des morceaux de Gershwin, Piazzolla, Schuman et, bien sûr, Debussy. Le titre coule de source tel un ruisseau romantique : 108 ans de piano.

Depuis qu’elle est centenaire, Colette Maze collectionne les followers, a une page Facebook et « redonne le moral aux gens, d'où son succès fou », explique à l’AFP son fils, le journaliste Fabrice Maze. Arthrose ne rime pas avec virtuose. La voilà qui pétille : « La jeunesse, c’est intérieur », enseigne-t-elle à l’envoyé de Konbini quelque peu éberlué. La vidéo d'une dizaine de minutes la montre dans son appartement, au 14e étage d'un immeuble donnant sur la Seine. On voit une petite dame toute frêle se faufiler entre les trois pianos qui trônent dans son salon et qu’elle tutoie quatre heures par jour. « L'âge, ce sont des histoires qui n'existent pas », glisse-t-elle, sans savoir que le pays vit dans les années 60, avec un 2 ou un 4 à la place du 0.

Quand on l’écoute, on est saisi par le contraste avec les slogans proférés contre la réforme des retraites comme « métro, boulot, tombeau » ou « mourir au travail ? Plutôt crever ! » L'enthousiasme de Colette Maze tranche avec « l’image lugubre que renvoie l’activité professionnelle, (…) associée à la mort ou à la privation de vie », comme le constate Danièle Linhart dans Le Monde diplomatique. Cette directrice de recherche au CNRS note que « les nouvelles technologies informatiques sont censées alléger les peines physiques, que plus des deux tiers des salariés appartiennent au secteur tertiaire et que la durée légale du travail n’est que de trente-cinq heures ». Or, si jamais le travail n’a été si peu pénible, jamais le rapport à celui-ci n’a été autant dégradé. On observe le même paradoxe pour la fin de vie : jamais la douleur n’a été aussi bien soulagée et jamais l’euthanasie n’a été à ce point présentée comme une promesse.

Colette Maze dit que « la musique apporte ce que la vie n’apporte pas ». Quoiqu’issue d’une famille bourgeoise, la sienne ne fut pas toujours simple. Elle commence le piano à 5 ans mais ses parents s'opposent à ce qu'elle devienne pianiste professionnelle. Elle parvient toutefois à 15 ans à intégrer l'École normale de musique de Paris, où elle suit les cours des célèbres Alfred Cortot et Nadia Boulanger. Ne s’entendant point avec sa mère, elle quitte le domicile familial à 18 ans. C’est son père qui lui loue un studio. Lors de la Seconde Guerre mondiale, elle est infirmière à Auxerre et fait l'exode de 1940 à bicyclette, de Paris à Clermont-Ferrand. La paix revenue, elle enseignera pendant des décennies à l'École normale de musique et au Conservatoire de Bagneux. Le fait qu’elle soit dépositaire de la méthode Cortot, fondée sur des exercices d'assouplissement, n’est pas étranger à sa longévité. Ses muscles tiennent son squelette, elle le dit et ça se voit.

Son timbre, son élocution, son intonation, tout respire la jeunesse dans cette voix résolue et posée. Pour elle, « il y a des gens qui sont éternellement jeunes, émerveillés de tout, et puis des gens qui sont blasés de tout et qui n'ont jamais rien aimé ». La musique l'immerge dans l'univers de la poésie, ce chant de l’âme. Un Debussy exaltant la beauté sensuelle de la nature la rend sensible à toutes les harmonies, développe son écoute d’autrui.

Il y avait 1500 centenaires dans les années 80, il y en a 30 000 aujourd’hui. Bien sûr, Colette Maze a la chance d'être en pleine possession de ses moyens à un âge si avancé. Son fils le dit : « Elle n'a ni diabète, ni cholestérol, sa tension est normale. Elle boit du vin, mange du fromage, du chocolat. Et les gens qui ont 80, 90 ans se disent : "Finalement, on n'est pas foutus". »

C’est le meilleur message que l’on pouvait faire passer aujourd’hui, aux vieux comme aux jeunes.

Louis Daufresne

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Pour aller plus loin :

L’incroyable histoire de Colette Maze, qui va sortir son 7e album à 108 ans

>>> Voir sur Konbini

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