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mercredi 28 avril 2021
LE MEDIA - NON, L'ÉPIDÉMIE N'EST PAS UNE "CATASTROPHE NATURELLE" - le 28.04.2021
"C'est la Covid19 qui est responsable des 100 000 morts, pas l'Etat." déclarait récemment Eric Dupond-Moretti.
C’est une réaction classique de dirigeant face à un désastre d’origine naturelle, qui n'est pas sans rappeler celles que l'on entendait à l’époque de la canicule de 2003.
« Qu’est-ce que c’est que cette société où on se tourne vers le gouvernement quand il fait chaud ou quand il fait froid ? Oui, de temps en temps, il y a des étés de canicule, c’est dangereux pour les personnes âgées, c’est vrai, nous le savons depuis très longtemps. Si on pense que le gouvernement va changer la nature des choses et la température, on se trompe » Bernard Kouchner, ancien ministre de la Santé, Le Figaro, 12 août 2003
« Ce n’est pas le retard d’information qui a entraîné l’ampleur de la vague de surmortalité, mais le phénomène climatique lui-même. » Bernard Accoyer, vice-président du groupe UMP de l’Assemblée nationale, Le Parisien, 20 août 2003
Quid du rôle des facteurs humains dans les catastrophes dites naturelles ?
En 1755, un tremblement de terre suivi d’un tsunami et d’un incendie ravagent la ville de Lisbonne. Beaucoup y voient la colère divine s'abattant sur les habitants pour les punir de leurs péchés. L’événement entraîne une polémique parmi les intellectuels. Voltaire, par exemple, met de côté toutes les explications impliquant Dieu ou les actions impies des hommes. Il affirme tout simplement que le désastre arrive sans raison : c’est par hasard que la terre a tremblé là, à ce moment-là. C'est un fait qu'il faut prendre comme tel. Ce que font alors, par exemple, les scientifiques qui cherchent les causes naturelles du désastre à partir des théories - certes erronées - de l’époque.
Il y a donc d'un côté ceux qui cherchent des intentions divines et des responsabilités humaines, et d'un autre ceux qui naturalisent l'événement.
Dans notre épidémie, le virus est une chose naturelle : même si l'on n’a pas encore fini de tirer au clair son origine, on sait désormais que sa dissémination dans le monde humain n’est pas intentionnelle.
Dupond-Moretti a donc l'air de tenir une position de bon sens : les catastrophes naturelles sont à première vue des sinistres sans coupable. D'autres désastres, au contraire, nous font spontanément chercher un agent humain, ayant provoqué l’événement soit sciemment par mauvaise intention (un attentat terroriste), soit involontairement par incompétence ou négligence (accident nucléaire de Tchernobyl).
Revenons au tremblement de terre de Lisbonne. Rousseau s'oppose à Voltaire, affirmant qu'il y a bel et bien une responsabilité humaine. Pas au sens où, les Hommes ayant fauté, Dieu les punirait, mais simplement par leurs choix d'urbanisation : "Convenez, par exemple, que la nature n’avait point rassemblé là vingt mille maisons de six à sept étages, et que, si les habitants de cette grande ville eussent été dispersés plus également et plus légèrement logés, le dégât eût été beaucoup moindre et peut-être nul."
On peut donc tout à fait reconnaître à la fois le caractère naturel ou indépendant de la volonté humaine de certains phénomènes (c'est le cas pour le séisme) et le rôle déterminant de facteurs humains pour la gravité de leurs conséquences : un séisme en plein désert ne tue personne, mais des immeubles qui s'effondrent font de nombreuses victimes.
Qu’il s’agisse d’accident domestique, industriel ou de catastrophes naturelles (séisme, cyclone, avalanches), ce qui compte pour calculer un risque, c'est-à-dire la probabilité d’un dommage, c’est toujours la combinaison de trois facteurs : un aléa, une exposition, une vulnérabilité.
Dans le cas des séismes, par exemple, il y a des zones du globe plus ou moins exposées, des bâtiments plus ou moins vulnérables en fonction de leur capacité à endurer des secousses d’une certaine magnitude sans s'effondrer. De sorte qu'il n’y a pas correspondance systématique entre la force de l'aléa et les dégâts humains.
La notion de vulnérabilité ne concerne pas seulement les infrastructures, mais aussi les conditions de vie et les inégalités sociales. Des bidonvilles sans système d’évacuation des eaux usées sont plus vulnérables à une épidémie. Il est donc plus judicieux de parler d'une multitude de risques pesant sur des groupes plus ou moins vulnérables plutôt que d’un risque global pesant sur une population.
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