LE VRAI BOSS DE LA DROITE, C’EST MACRON
Recomposition. Tout le week-end, les caciques de la majorité ont appelé les cadres « LR » à les rejoindre. Les ralliements devraient s’accélérer : l’électorat traditionnel de la droite « LR » a déjà reconnu Macron comme l’un des siens.
Lundi, 3 Juin, 2019
Une alliance entre « LR » et LaREM ? Claude Goasguen en rêve à voix haute. L’ancien maire du 16e arrondissement de Paris, aujourd’hui député, souhaite un « candidat unique » aux municipales « pour battre Anne Hidalgo ». Et puis, « Macron n’est pas Hollande ». « Arrêtons de faire de l’opposition systématique », insiste, au micro de Sud Radio, cet ancien de l’UDF et de Démocratie libérale. Cette figure de « LR », parmi les plus droitiers de son parti, semble à deux doigts du ralliement.
A-t-il une autre option ? Dans son bastion, les beaux quartiers jouxtant le Trocadéro, la vieille bourgeoisie a choisi pour lui. La liste de Nathalie Loiseau y a fait 46,1 % des suffrages, reléguant la liste « LR » vingt points derrière. À Paris, la carte électorale des européennes se confond avec celle des niveaux de revenus de la capitale, établie par l’Insee. Plus on est aisé, plus on vote pour la République en marche. C’est la même chanson à Auteuil, Passy… et Neuilly ! Dans l’ex-fief de Nicolas Sarkozy, les marcheurs recueillent 47,92 % des suffrages, soit peu ou prou le score de l’UMP en 2014.
Razzia dans les Hauts-de-Seine
Ce n’est plus seulement le bilan d’Emmanuel Macron qui le place à droite (lire ci-contre), c’est aussi, désormais, son électorat. La liste Renaissance fait une razzia dans les Hauts-de-Seine, avec sept villes où elle dépasse la barre des 40 %. Au point que le responsable de la fédération « LR » des Hauts-de-Seine, Philippe Juvin « n’exclut pas de quitter » cette formation si elle ne change pas de chef et de ligne. La droite « LR » s’est « miniaturisée », accuse-t-il dans le Monde. « Alors qu’elle aurait dû être libérale, elle a condamné la mise en concession d’Aéroports de Paris. Alors qu’elle aurait dû être sociale et rester le parti de l’ordre, elle n’a pas su répondre à la désespérance des gilets jaunes, ni même condamner leurs exactions. Alors qu’elle pouvait être fière du bilan de ses eurodéputés sortants, elle s’est montrée eurogrincheuse, promettant une pseudo-refondation de l’Europe sans jamais en dessiner les contours. » Philippe Juvin, ancien eurodéputé, pourrait être le prochain cador à rejoindre Édouard Philippe, Gérald Darmanin, Bruno Le Maire et Sébastien Lecornu au sein de la majorité. Vendredi, c’est Ludovic Jolivet, maire « LR » de Quimper, qui a annoncé qu’il rejoignait la formation de centre droit, Agir.
Pressions pour les municipales
Les ralliements devraient se poursuivre dans les prochaines semaines, accélérés par l’octroi des investitures pour les municipales par la République en marche. Si cela ne suffisait pas, les élus de droite subissent aussi les (inamicales) pressions du pouvoir. « Un maire qui sera réélu avec l’apport de la République en marche et du Modem, ce sera un allié du président pour 2022, et un maire qui sera réélu sans leur apport, ce sera un ennemi du président », a carrément prévenu Gilles Boyer, proche d’Édouard Philippe et fraîchement élu au Parlement européen.
Pourquoi tant de menaces ? L’analyse des résultats, et le très faible score de « LR », suffisait amplement à les faire sortir de leur tanière. Emmanuel Macron, en bon banquier d’affaires, a réussi son OPA sur toutes les places fortes des « Républicains ». Dans les Yvelines, le Maine-et-Loire ou en Vendée, de Bordeaux à Annecy en passant par Aix-en-Provence, le même scénario se répète : la droite macroniste prend la première place, reléguant le parti de Laurent Wauquiez à la quatrième position. Seule exception en Paca, où c’est l’extrême droite lepéniste qui rafle la mise. La frange la plus modérée de la droite, de tradition chrétienne-démocrate ou libérale, vivant dans de grandes métropoles ou dans des villes moyennes, a largué les amarres pour rejoindre Emmanuel Macron, qu’elle reconnaît désormais comme l’un des siens.
Son mouvement arrive premier chez les plus de 65 ans, un tiers d’entre eux ayant voté LaREM, contre 14 % pour « LR ». Dans cette catégorie d’âge, pourtant, François Fillon était arrivé loin devant à la présidentielle. D’après l’analyse du scrutin réalisée par l’Ifop, la République en marche est premier au sein des catégories aisées (36 % des voix) et chez les classes moyennes supérieures (28 %).
Les classes populaires oubliées
On assiste à la consolidation du « bloc bourgeois », sur lequel s’est appuyé Emmanuel Macron pour fracturer les blocs de gauche et de droite, jusqu’ici basés sur une alliance entre classes supérieures et classes populaires. En 2017, il a voulu unifier une nouvelle base sociale, « autour de l’objectif du prolongement de l’intégration européenne », afin de poursuivre la mise en œuvre de politiques libérales, analysent Bruno Amable et Stefano Palombarini, dans un ouvrage éclairant (1). Mais cet objectif néolibéral ne faisait pas l’unanimité, notamment chez les classes moyennes et supérieures travaillant dans le secteur public acquises en 2017, analysent ces deux chercheurs. « Il est donc assez logique que les tentatives pour élargir la nouvelle alliance sociale se fassent plutôt vers l’électorat libéral de droite. » Si Emmanuel Macron tente de maintenir l’illusion du « en même temps », le score obtenu dimanche dernier lui octroie une solide base politique pour poursuivre dans cette veine. Les contre-réformes du statut des fonctionnaires, de l’assurance-chômage, des retraites et du modèle social né en 1945, prévues dans les prochaines semaines, ainsi que les réformes territoriales annoncées satisferont les néoconvertis. Reste à savoir qui va réussir à fédérer les classes populaires et les classes moyennes pour le contrer.
(1) L’Illusion du bloc bourgeois. Alliances sociales et avenir du modèle français, Raisons d’agir éditions, 2018.
Pierre Duquesne
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