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"J'ai choisi ce métier pour soigner, pas pour maltraiter" : les personnels des urgences ont manifesté leur ras-le-bol devant le ministère
Un demi-millier d'infirmiers et d'aide-soignants ont défilé à Paris pour dénoncer leurs conditions de travail dans des services d'urgences débordés et en grève depuis plusieurs mois.
Le cortège s'est terminé devant le ministère de la Santé à Paris, jeudi 6 juin 2019. (FABIEN MAGNENOU / FRANCEINFO)
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"L'hôpital nous met à poil mais c'est nous qui portons la culotte."Environ cinq cents personnels paramédicaux ont battu le pavé à Paris, jeudi 6 juin, à l’occasion d’une journée nationale de mobilisation organisée par le collectif inter-urgences et les syndicats Sud, FO et CGT. Ce rassemblement vient ponctuer des mois de mobilisation dans plus de 80 services d’urgences français saturés par un nombre croissant de patients.
"Le nombre d'admissions a progressé de 20% en quatre ans, explique Bastien, infirmier à Chambéry. C'est très insatisfaisant au quotidien, avec des patients qui attendent sur des brancards pendant plusieurs heures. On a choisi ce métier par vocation mais certains commencent à être dégoûtés."
"Les urgences sont devenues la variable d'ajustement"
Et cette situation est loin d'être inédite. Les mêmes scènes des longues heures d'attente avant la prise en charge se répètent partout en France. Les chiffres sont éloquents. Le nombre d’entrées est ainsi passé de 10 à 21 millions par an en dix ans. "L'exceptionnel devient le quotidien", lâche une infirmière.
"On va mal, affirme l'urgentiste Patrick Pelloux, venu apporter le soutien des médecins aux personnels. Les urgences sont devenues la variable d'ajustement de tous les dysfonctionnements de santé." L'urgentiste fait notamment référence au trop faible nombre de médecins généralistes ou la fermetures de lits, qui a pour effet d'alourdir encore l'attente dans les urgences.
Plus généralement, les manifestants évoquent tous des agressions verbales presque quotidiennes, en partie liées à la trop longue attente qui exaspère les patients. "A l'époque, j'ai travaillé à Lariboisière, mais j'ai décidé de partir quand je me suis retrouvé avec un couteau sous la gorge", confie Frédéric, infirmier à l'hôpital Saint-Louis.
"Ras-le-bol de voir des collègues pleurer"
Les personnels mobilisés dénoncent l’insuffisance des effectifs, dans ce contexte général tendu. Ce qui nuit, selon eux, aux conditions d'accueil et de sécurité des patients. "Je dois parfois demander aux parents de tenir le bras de leur enfant quand je fais une perfusion, résume notamment Juliette, infirmière aux urgences pédiatriques de Robert-Debré. J'ai choisi ce métier pour soigner, pas pour maltraiter." La jeune femme est perchée sur deux béquilles à cause d'une tendinite : "On doit courir partout, tout le temps".
Tous les grévistes décrivent des équipes fatiguées et usées, avec des arrêts maladie à répétition et un important turnover. Alexandre, aide-soignant à l’hôpital Mondor, évoque également un matériel "obsolète" ou insuffisant. Faute de pieds à perfusion, explique-t-il, "on doit parfois clamper (couper) les antalgiques d’un patient pendant 45 minutes, pour qu'il aille passer un examen ou une radio". Les brancards, eux aussi, viennent parfois à manquer.
"Nous souffrons autant que nos patients et c'est un scandale", déclare un infirmier de Saint-Nazaire. Les personnels s'interrogent également sur l'avenir de leur mouvement, alors que le personnel de l'hôpital Lariboisière a multiplié les arrêts maladie pour se faire entendre, ce qui a entraîné des réquisitions afin de garantir le service minimum. "J'ai pris rendez-vous demain chez le docteur, car j’en ai ras-le-bol. J'en ai ras-le-cul de voir des collègues pleurer dans la salle de repos", ne décolère pas un infirmier sous les fenêtres du ministère. Une médecin venue soutenir le personnel fustige également le manque de reconnaissance : "Ils n'ont même plus de plateau-repas la nuit !"
Deux cercueils face au ministère
Agnès Buzyn a lancé quelques pistes dans la matinée, lors du congrès des urgentistes qui se déroule également à Paris. La ministre a notamment commandé un rapport et demander aux agences régionales de santé (ARS) d'orienter des crédits spécifiques pour les services les plus en difficulté. Elle veut notamment inciter les établissements à déclencher une prime de risque existante de 100 euros, mais cette mesure a été accueillie avec des huées à Montparnasse, au départ du cortège. Les organisations réclament de leur côté une meilleure revalorisation salariale de 300 euros.
Une délégation a été reçue par Yann Bubien, directeur adjoint du cabinet de la ministre. Face au ministère, deux cercueils ont été déposés avec deux poupées. L’une représente un patient imaginaire, mort sur son brancard après avoir trop attendu. L’autre montre le visage d’une infirmière victime de burn-out. "Pardon de ne pas t'avoir entendue", glisse Juliette au micro, avant d'y déposer une poche de sang symbolique.
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