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jeudi 19 avril 2018

Reprise du dialogue à Notre-Dame-des-Landes......On a l'impression d'être dans une région en guerre......


19 avril 2018

Reprise du dialogue à Notre-Dame-des-Landes

Nicolas Hulot devait présider la rencontre entre la préfète et les zadistes sur la question des régularisations

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La marge de négociation est extrêmement serrée. Désireux de ne pas s'embourber dans la " zone à défendre " (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, l'Etat commence ce qui semble être une médiation de la dernière chance. La préfète de Loire-Atlantique devait recevoir à Nantes mercredi 18  avril une délégation de la ZAD, et les représentants d'associations antiaéroport. Signe de l'urgence à renouer le dialogue, l'exécutif a décidé de dépêcher Nicolas Hulot, le ministre de la transition écologique, pour présider la rencontre qui portera essentiellement sur la question des régularisations.
Le compte à rebours a débuté. -Dimanche 15  avril, le président de la République, Emmanuel Macron, a sommé les zadistes – ces militants anticapitalistes ayant investi dès 2008 le bocage nantais pour le protéger et y développer des projets de vie alternatifs – d'entrer en voie de régularisation et de déclarer, à titre individuel, les activités qu'ils souhaitent mener sur la zone. Faute de quoi, " à l'issue du délai du 23  avril, a précisé le chef de l'Etat, tout ce qui doit être évacué sera évacué ".
" Laisser les chemins accessibles "Une première vague d'expulsions, lancée le 9  avril, a donné lieu à -quatre journées d'affrontements d'une rare violence qui ont fait d'innombrables blessés, tant du côté des gendarmes que dans les rangs des zadistes. Vingt-neuf squats, sur 97 recensés, ont été démolis. L'opération n'a rien réglé. Bien au contraire. Elle a ranimé le mouvement de soutien en faveur des zadistes et de leur projet de vie.
Près de 250  personnes sont installées durablement dans la ZAD, en dehors des " renforts " arrivés récemment en réaction aux expulsions. Stricto sensu, la grande majorité demeure hors la loi. Hormis quatre agriculteurs historiques réclamant la rétrocession de leurs terres expropriées, l'Etat ne recense que " 33 conventions d'occupation temporaire de parcelles ", négociées avec des personnes -dûment identifiées.
La préfète de région et de Loire-Atlantique, Nicole Klein, enjoint les zadistes de remplir un formulaire simplifié, élaboré par ses services, qui constitue une " amorce indispensable au processus de régularisation ". " Je n'ai pas changé de discours,énonce Mme  Klein. Les occupants de la ZAD doivent décliner identités et projets agricoles ou para-agricoles avant la date du 23  avril. " La représentante de l'Etat a l'intention de " rappeler les conditions de projets agricoles sur la zone " : adhérer à la Mutualité sociale agricole, " payer son eau et son électricité, laisser les chemins accessibles à tous ". Geste d'ouverture : les personnes expulsées peuvent envisager une installation sur d'autres parcelles.
De prime abord, le dialogue paraît mal emmanché : la date couperet du 23  avril relève du " chantage par la terreur ", estime un porte-parole de la ZAD. " On parle de main tendue, mais c'est surtout un revolver que l'on pose sur notre tempe ", cingle Michel, 34 ans, dont l'habitat, baptisé la ferme des " 100 noms ", a été rasé au cours de l'intervention des forces de l'ordre. Dominique Fresneau, coprésident de l'Acipa, principale association ayant lutté contre le projet d'aéroport, use de la même image, et parle de " compte à rebours infernal ".
Mais c'est surtout l'individualisation des demandes de régularisation exigée par l'Etat qui fait débat. " On est prêts à défendre un projet collectif étayé par des démarches individuelles, mais il faut comprendre que la ZAD a bâti sa force, son originalité, sur les notions de collectif et de solidarité. Ici, tous les projets sont reliés les uns aux autres, interconnectés ", explique Dominique Fresneau.
Un " Camille ", prénom générique décliné à l'envi par les zadistes, confie sa " peur de voir l'Etat opérer une sélection dans les projets individuels ", et pointe : " On sent comme une logique de vengeance de la part du gouvernement, comme s'il digérait mal sa décision d'abandonner l'aéroport, et comme s'il voulait à tout prix écraser toute forme d'existence en dehors du monde libéral ou du statut d'autœntrepreneur. " " Est-ce que le cadre individualiste laisse une place à des projets autres qu'agricoles ? ", s'inquiète un autre camarade. " Cette histoire de noms a une connotation policière pour les habitants de la ZAD, confie Marcel Thébault, agriculteur historique. En déposant des projets individuels, certains ont peur de se désolidariser du groupe. Au moins quatre personnes se sont déclarées auprès de la Mutualité sociale agricole, d'autres sont prêtes à franchir le pas. Mais il faut aussi prendre en compte le fait qu'ici une personne menant un projet individuel prête souvent ses terres à des copains. "
" Le problème, c'est qu'il y a des gens qui revendiquent d'être en dehors de tout système, fustige Jacques Lemaître, président de la chambre départementale d'agriculture. Mais la création d'une grande communauté, sans dirigeant identifié, c'est impossible. Si tout le monde s'appelle Camille, on va où ? Ce serait le grand bazar, sans aucun responsable s'il survient un pépin, en matière de sécurité sanitaire par exemple. "
" Ce qui est sûr, dit Sarah, bergère de 29 ans, c'est que la vie d'un territoire rural ne se résume pas qu'à ses paysans. La richesse de la ZAD, c'est la somme de tout un tas de projets agricoles, artisanaux, sociaux, culturels qui se sont inventés ici, et il faut les préserver. "" Le formulaire de la préfecture ne peut pas fonctionner pour tout le monde, reprend M.  Thébault. Il faut accepter l'idée qu'un village rural compte des personnes sans emploi. Et puis il y a aussi des gens qui s'engagent bénévolement. On a la chance d'avoir une bibliothèque qui fait venir des auteurs importants. Il suffit d'un peu de bon sens pour admettre que ce projet-là est intéressant. "
Les discussions entre la préfète et les occupants de la ZAD s'annoncent tendues, mais chaque camp veut croire en " une possible avancée "" On n'est pas idiots, il y a des lignes qui peuvent bouger, indique un autre “Camille”. On a compris qu'il fallait faire évoluer nos positions et réfléchir à différents “cadres” permettant aux uns et autres de rester. Mais on veut avoir des garanties, trouver une forme qui n'exclut personne et qui n'étouffe pas notre volonté de porter des projets collectifs et solidaires. "
" Lâcher du lest "" Il faut lâcher du lest de part et d'autre, affirme M. Thébault. Si on ne parvient pas à un accord, on saute tous dans le gouffre. " Mme Klein note que " les messages délivrés vont dans le bon sens ", mais insiste : la convention d'occupation collective des terres, rêvée par les habitants de la ZAD, " n'est pas une forme qui cadre avec le droit, il faut une convention personnalisée "" A l'origine de toute coopérative ou de tout GAEC - groupement agricole d'exploitation en commun - , il y a des individus, parfaitement déclarés, qui s'engagent dans une démarche collective ", abonde M.  Lemaître.
La préfète est prête " à enchaîner les réunions toute la semaine " pour un dénouement pacifique : " Emmanuel Macron a dit qu'il y aura une intervention si… Je travaille pour empêcher ce “si”. "
Yan Gauchard
© Le Monde


19 avril 2018

" On a l'impression d'être dans une région en guerre "

Autour de la ZAD, les habitants sont excédés de vivre au rythme des opérations des forces de l'ordre et des barricades

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Survols d'hélicoptères, tirs de grenades lacrymogènes, barrages de gendarmes, routes coupées, la vie de nombreux riverains de Notre-Dame-des-Landes a viré au cauchemar depuis le 9  avril, début des opérations d'évacuation de la ZAD.
Si les centres-villes des communes sont éloignés des zones d'affrontements survenus la semaine passée, plusieurs hameaux nichés à la lisière de la ZAD ont été aux premières loges de ces journées d'extrême tension. Une trentaine de foyers ont momentanément été décrochés du réseau d'électricité. Le prestataire Enidis a réagi en installant des groupes électrogènes, mais certains riverains n'ont pu être immédiatement alimentés du fait de la présence de barricades.
" J'ai vécu au régime sandwich gobé à la chandelle ", témoigne un habitant qui s'agace : " Ma femme est à bout de nerfs. On sent les gaz lacrymogènes jusque dans notre jardin. On se fait contrôler sans cesse. On est réveillé par le bruit de l'hélico qui tourne dès 6 h 30 du matin. Dans ces moments-là, on a l'impression d'être dans une région en guerre. " Un autre riverain confie son " ras-le-bol de vivre avec des barricades vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Toutes ces routes bloquées, ça ne peut pas s'éterniser. Il va quand même falloir que l'on puisse très vite retrouver notre liberté de mouvement. " Eprouvés par la fermeture de la route départementale 281 depuis six ans, les commerçants du bourg de la Paquelais, commune de Vigneux, se retrouvent " dans un cul-de-sac ", selon l'expression utilisée par l'une des porte-parole de ces commerçants. " En huit mois, on a perdu notre boulangerie, notre bureau de tabac-presse et notre pharmacie, alors que les commerces sont viables, car il y a de nouveau lotissements ", se désole la responsable.
Sitôt la date de l'opération des forces de l'ordre révélée par les médias, la charcuterie Allain a vu son activité fondre de 30  % : " Les gens ont peur de venir, ils pensent que les scènes d'affrontements se déroulent sous nos yeux ". La réouverture des routes est urgente " pour éviter de prendre le bouillon ".
A Notre-Dame-des-Landes, le couple gérant le restaurant La Récré a tiré définitivement le rideau le 9  mars. Le chiffre d'affaires plongeait inexorablement au fil des atermoiements de l'Etat sur le dossier d'aéroport et des menaces d'intervention. Le couple affirme ne pas regretter son choix, même s'il n'a aucune proposition de reprise entre les mains : " Avec l'intervention des gendarmes, on n'aurait pas vu un chat passer tant les conditions de circulation sont compliquées. "
Dans tous les villages alentour, la question de l'avenir de la ZAD alimente les débats parmi les riverains. " Ça crée des tensions et des rancœurs entre habitants ", confirme une commerçante. " C'est une patate chaude que chaque gouvernement s'est refilée de quinquennat en quinquennat, regrette un autre habitant. On a laissé des gens dix ans dans l'illégalité, c'est un peu normal qu'ils se sentent chez eux, désormais. "
Soutien proclamé des zadistes, une animatrice, qui travaille à Notre-Dame-des-Landes, affirme : " Oui, il fallait détruire certains squats. Mais il y avait un peu plus d'une dizaine de personnes qui posaient de réelles difficultés. L'intervention des forces de l'ordre a dérapé. Des trucs chouettes ont été détruits, avec des gens impliqués, appréciés de tous, développant de vraies activités. "
La crise qui se pose est " insoluble ", juge un riverain, exprimant sa colère à l'encontre des zadistes, mais ne se faisant " aucune illusion. Ils seront encore là dans cinquante ans ".
Y. G.
© Le Monde

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