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jeudi 19 avril 2018

Merkel freine les ambitions de Macron



 
19 avril 2018

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Merkel freine les ambitions de Macron

Fragilisée politiquement, la chancelière allemande ne veut pas d'une réforme en profondeur de la zone euro

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BRUXELLES VEUT OUVRIR DES NÉGOCIATIONS D'ADHÉSION AVEC L'ALBANIE ET LA MACÉDOINE
La Commission européenne a proposé, mardi 17 avril, aux Etats membres de l'Union européenne (UE) d'ouvrir les négociations pour une adhésion de l'Albanie et de la Macédoine. " La décision se fonde sur une évaluation de progrès réalisés par ces deux pays ", a expliqué la représentante de la diplomatie européenne, Federica Mogherini. Plusieurs pays, dont la France, sont toutefois très réticents à tout nouvel élargissement. Dans les Balkans, la Serbie et le Monténégro ont déjà entamé des négociations d'adhésion. Selon la Commission, ils pourraient intégrer l'UE d'ici à 2025. Le Kosovo et la Bosnie sont, quant à eux, encore loin de commencer des négociations.
LE CONTEXTE
Majorité fragile
Angela Merkel a été réélue chancelière par le Bundestag, le 14 mars, pour un quatrième mandat, après six mois de négociations difficiles. Sa majorité, constituée des conservateurs de la CDU-CSU et des sociaux-démocrates du SPD, est fragile : elle tient à neuf sièges seulement. L'extrême droite a par ailleurs fait son entrée au Parlement pour la première fois depuis 1945.
DIVISIONS
Si la France souhaite réformer l'Union européenne pour approfondir la solidarité budgétaire entre Etats membres, la priorité allemande est l'amélioration de la gestion des flux migratoires. Berlin veut une réforme des règles en matière d'asile pour éviter un nouvel afflux de migrants comme en 2015.
Quand Emmanuel Macron s'était rendu à Berlin au lendemain de sa prise de fonction, le 15  mai 2017, Angela Merkel l'avait accueilli en citant l'écrivain allemand Hermann Hesse : " Au début de toute chose, il y a un charme ", avait-elle déclaré à ses côtés, face à la presse. " Mais le charme ne dure que si les résultats sont là ", avait-elle aussitôt prévenu.
Un an plus tard, la chancelière allemande n'a pas à se plaindre de la politique du président français. Outre-Rhin, les réformes qu'il a mises en œuvre sont considérées comme positives par la coalition de Mme Merkel ainsi que par les milieux économiques. Pourtant, le charme s'est dissipé. M. Macron devrait en faire le constat en se rendant, jeudi 19 avril, à Berlin, où son volontarisme sur les dossiers européens suscite de vives réticences.
A priori, le programme du nouveau gouvernement allemand devrait pourtant convenir au président français. Intitulé " Un nouvel élan pour l'Europe ", le contrat de coalition, laborieusement scellé entre les conservateurs (CDU-CSU) et les sociaux-démocrates (SPD), entre en résonance avec l'ambition de M. Macron de " refonder " celle-ci. La réalité est plus prosaïque. Un mois après sa réélection pour un quatrième mandat, la chancelière semble en effet avoir abandonné toute hardiesse réformatrice sur le front européen. Face à M. Macron, " Mme Merkel est-elle en train de devenir Mme Non ? ", s'interrogeait ainsi leSpiegel, lundi. Poser la question, c'est déjà y répondre.
Officiellement, bien sûr, il n'est pas question de renoncement. " Je pense que l'Allemagne peut apporter sa propre contribution et que nous trouverons d'ici - au Conseil européen de - juin des solutions conjointes avec la France ", a déclaré la chancelière, mardi, ajoutant " attendre avec impatience " la visite de M. Macron.
" Retour à la réalité "Sur le fond, il est toutefois peu probable que cette rencontre se traduise par des avancées notables, à part peut-être sur l'union bancaire. A Berlin, Mme Merkel ne peut en effet ignorer les réserves de sa famille politique à l'égard des propositions françaises, notamment sur la création d'un budget de la zone euro. " Je ne pense pas que cela soit une bonne idée d'avoir un deuxième budget distinct de celui qui existe déjà pour l'Union européenne dans son ensemble ", a ainsi déclaré, lundi, Annegret Kramp-Karrenbauer, secrétaire générale de la CDU et proche de la chancelière.
Avant son rendez-vous avec le président français, Mme Merkel a également tenu à rassurer son camp sur un autre sujet sensible. Lors d'une réunion du groupe CDU-CSU au Bundestag, mardi, elle a ainsi défendu l'idée que la transformation du Mécanisme européen de stabilité en Fonds monétaire européen (FME) ne pourrait se faire sans modification des traités, ce qui revient à l'enterrer. Un gage donné à l'aile conservatrice de sa majorité, opposée à l'idée d'un FME qui puisse aider des pays en difficulté sans les contraindre à de sérieuses réformes structurelles, comme l'envisage la Commission européenne, soutenue par la France.
Mais la CDU-CSU n'est pas la seule à freiner les ambitions européennes de M. Macron. Bien que social-démocrate, Olaf Scholz, le nouveau ministre des finances allemand, se montre lui aussi d'une grande prudence vis-à-vis des propositions de l'Elysée. " Les idées de M. Macron apportent un nouvel élan au projet européen dont nous avons besoin. Mais le président français sait aussi qu'elles ne pourront pas toutes être réalisées ", a ainsi déclaré M. Scholz, dimanche, à la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Pour Paris, celui-ci ne devrait pas être un interlocuteur beaucoup plus souple que son prédécesseur, Wolfgang Schäuble (CDU). Mardi, le ministre des finances a d'ailleurs annoncé qu'il maintenait à leurs postes les principaux conseillers de M. Schäuble.
Face à M. Macron, " l'Allemagne est passée du tapis rouge aux lignes rouges ", reconnaît Henrik Enderlein, directeur de l'Institut Jacques Delors, à Berlin. Proche du SPD, cet économiste allemand écouté à l'Elysée estime toutefois que la " fin de la lune de miel " entre le président et la chancelière ne marquera pas un coup d'arrêt dans leur volonté commune de faire avancer l'Europe. " Le processus prendra sans doute plus de temps que ce que certains espéraient. De ce point de vue, la feuille de route qui sera présentée par la France et l'Allemagne au Conseil européen de juin sera davantage un point de départ qu'un point d'arrivée ", prédit M. Enderlein.
" Si on peut avoir l'impression que les choses sont plus compliquées qu'il y a un an entre Paris et Berlin, c'est parce qu'on n'entre que maintenant dans le vif du débat, avec la mise en place d'un nouveau gouvernement à Berlin ", explique Joachim Bitterlich, ancien conseiller aux affaires européennes du chancelier Helmut Kohl. Chercheur à la Fondation Konrad-Adenauer, proche de la CDU, Olaf Wientzek refuse lui aussi de céder au désenchantement, estimant que la situation actuelle n'est au fond qu'un " retour à la réalité " après plusieurs mois d'" attentes un peu exagérées " des deux côtés du Rhin.
" A la chancellerie, on continue de soutenir Macron. Mais les Français doivent avoir en tête que le contexte politique a changé à Berlin. Il y a près de 100 députés d'extrême droite au Bundestag. La majorité de Mme Merkel est plus étroite. Cela ne veut pas dire que la dynamique est enrayée. Mais il est certain que cela peut compliquer les choses. "
Thomas Wieder
© Le Monde

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