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vendredi 13 avril 2018

Le pape confesse ses " erreurs " sur la pédophilie au Chili


13 avril 2018

Le pape confesse ses " erreurs " sur la pédophilie au Chili

En janvier, François avait défendu Mgr Juan Barros, accusé d'avoir couvert des agressions sexuelles

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C'est un mea culpa qui fera date dans l'histoire de ce pontificat. Le pape François reconnaît " avoir commis de graves erreurs d'appréciation et de perception "dans la crise qui secoue l'Eglise chilienne à propos d'accusations d'actes de pédophilie et d'agressions sexuelles portées contre certains des membres du clergé.
Le Vatican a rendu publique, mercredi soir 11  avril, la lettre tout à fait inhabituelle que le chef de l'Eglise catholique a adressée aux évêques chiliens, et dans laquelle il reconnaît ses torts. Datée du 8  avril, cette missive – et sa publication, encore plus hors du commun – est un nouvel épisode dans cette affaire qui avait tourné au désastre pour le pape François, lors de sa visite au Chili, en janvier.
Au cours de ce déplacement, le pape avait pris la défense de l'évêque Juan Barros. Nommé par François, en janvier  2015, à la tête du diocèse méridional d'Osorno, il est accusé par plusieurs personnes d'avoir couvert les agressions sexuelles commises pendant des années par un prêtre charismatique de Santiago, Fernando Karadima, condamné par l'Eglise pour pédophilie en  2011. En janvier, François s'était dit convaincu de l'innocence de Mgr Barros. Il avait accusé les victimes d'avoir proféré des calomnies et leur avait reproché de n'apporter aucune preuve à  l'appui de leurs accusations.
Le pape François a écrit sa lettre aux évêques après avoir pris connaissance des 2 300 pages du rapport que lui ont remis ses deux envoyés spéciaux au Chili, Mgr Charles Scicluna, archevêque de Malte, et le père Jordi Bertomeu Farnos, membre de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Les deux ecclésiastiques avaient été dépêchés en catas-trophe par le pontife lorsque, de retour à Rome, celui-ci s'était rendu compte des dégâts occasionnés par ses propos au Chili.
Les deux envoyés spéciaux, indique le pape, ont collecté soixante-quatre témoignages et lui ont avoué s'être sentis " accablés par la douleur de tant de victimes de graves abus de conscience et de pouvoir et, en particulier, des abus sexuels commis par plusieurs personnes consacrées (…) à l'encontre de mineurs ". François impute, au moins en partie, son erreur d'appréciation à un " manque d'information fiable et équilibrée ".
" Après une lecture attentive du rapport, je crois pouvoir affirmer que tous les témoignages recueillis parlent de manière crue, sans additif ni édulcorant, de beaucoup de vies crucifiées, et je vous confesse que cela m'a causé douleur et honte ",écrit le pape.
" Je demande à présent pardon à tous ceux que j'ai offensés et -j'espère pouvoir le faire person-nellement, dans les prochaines -semaines, dans des rencontres que j'aurai avec des représentants des personnes rencontrées - par ses envoyés spéciaux - ", ajoute Jorge Bergoglio.
Quelles seront les conséquences de la reconnaissance sans faux-fuyant de ce dysfonctionnement majeur de la hiérarchie -catholique ? Dans sa lettre, -François invite les trente-deux évêques chiliens à se rendre à Rome, à une date encore indéterminée, pour " dialoguer " sur la base des conclusions de ce rapport et pour en tirer des conséquences pour l'avenir. Le nom de l'évêque Barros n'est pas cité dans la -lettre, mais il est peu douteux qu'il soit sur la sellette. Cependant, l'ampleur de la reconnaissance des erreurs de la hiérarchie catholique laisse à penser que l'exercice d'autocritique auquel est conviée la hiérarchie -chilienne dépassera largement son cas.
" Gauchistes "Le pape pourrait aussi tirer les conséquences de ce que, comme il le mentionne lui-même, il a  le sentiment d'avoir manqué, dans cette affaire, d'" information fiable et équilibrée ". Or, la crise chilienne touche le Vatican au moins depuis janvier  2015 et la nomination de Mgr Barros dans le diocèse d'Osorno.
Aux personnes qui tentaient d'alerter le pape sur le trouble dans lequel cette nomination avait plongé le diocèse, le pape François répondait qu'il ne fallait pas se laisser manipuler par les " gauchistes ". Toutes les courroies de transmission entre le Chili et le Saint-Siège sont donc potentiellement en difficulté, qu'il s'agisse de la Conférence épiscopale chilienne ou de la nonciature. En attendant cette réunion, François a suggéré aux évêques chiliens de mettre leur Eglise " en état de prière ".
Cécile Chambraud
© Le Monde

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