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lundi 9 avril 2018

Hollande, Cazeneuve et Vallaud-Belkacem n'ont pas renoncé à exister


8 avril 2018

Au milieu des ruines du PS, les fantômes du passé rôdent

Hollande, Cazeneuve et Vallaud-Belkacem n'ont pas renoncé à exister

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Le calendrier ne peut être le fruit du hasard. Moins d'un an après avoir quitté l'Elysée, et surtout quelques jours après le congrès du PS à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) les 7 et 8 avril, François Hollande sort son livre " testament ". DansLes Leçons du pouvoir (Stock, 288  p., 22 euros), publié mercredi 11 avril, l'ancien président revient sur ses cinq années à l'Elysée. Il sera l'invité du " 20  heures " de France 2, mardi 10  avril. Une séquence de communication qui va percuter l'intronisation du nouveau premier secrétaire du PS, Olivier Faure.
" C'est très hollandais, sourit un pilier de la rue de Solférino. C'est une façon de dire “Coucou je suis encore là” à ses petits camarades alors qu'eux s'en passeraient bien. "" On attend la semaine prochaine pour commencer les interviews ", se justifie l'entourage de François Hollande avant de confirmer que ce dernier " suit et s'intéresse au congrès, qui est un événement de la vie politique ".
A la façon des " cartes postales " de Nicolas Sarkozy quand il avait quitté le pouvoir, M. Hollande aime ainsi se rappeler au bon souvenir des socialistes, par petites touches. Preuve que le père n'est pas encore tué et qu'il entend bien continuer à jouer un rôle. Pour exister, Olivier Faure, le " fils unique de Martine Aubry et de François Hollande ", comme il se définit lui-même, devra s'affranchir de cette figure tutélaire. Et d'autres fantômes de l'ancien monde, Bernard Cazeneuve et Najat Vallaud-Belkacem, qui planent toujours au-dessus des ruines du PS.
Dans les mois à venir, la nouvelle génération socialiste devra s'affranchir. Car l'ancien chef de l'Etat n'est pas décidé à disparaître de lui-même. Le 15 mars, le jour du premier tour du congrès du PS, il a mis en scène son vote à Solférino, sous le regard des caméras invitées exceptionnellement pour l'occasion. Une apparition qui n'a pas plu à la plupart des candidats, qui ont tout fait pour se tenir le plus éloigné possible de leur ancien chef de file pendant la campagne. " François Hollande, c'est fini. Les militants, et moi le premier, ne veulent plus en entendre parler ", peste le député socialiste (Haute-Garonne) Joël Aviragnet, tout juste réélu après une partielle, et qui devait intervenir samedi 7 avril lors du congrès d'Aubervilliers.
Même agacement chez son collègue David Assouline, sénateur de Paris : " Le meilleur service que peuvent rendre ceux qui ont dirigé le pays en notre nom c'est de laisser la nouvelle génération écrire l'histoire du socialisme. L'aider quand elle peut, mais la laisser faire, ne pas être un boulet. "
Une pique directement adressée à François Hollande qui pourrait également s'appliquer à… Bernard Cazeneuve. Autre ancien dont l'image ne s'est pas totalement effacée. L'automne dernier, à la sortie de son livre  Chaque jour compte (Stock), l'ancien premier ministre a été très sollicité pour prendre la relève du parti lors du congrès. Il a décliné. " Je n'ai pas de goût pour le conflit, je ne sais pas diriger un appareil politique ", expliquait-il alors, estimant qu'il fallait laisser la place à une " nouvelle génération ".
Beaucoup continuent à le voir comme un possible  recours pour 2022. " Il peut être l'homme de la situation, déclare ainsi Patrick Kanner, président du groupe socialiste au Sénat.  Il apparaît comme l'homme de l'honnêteté, de l'engagement et de la loyauté, mais il porte encore l'image de la France en deuil, du fait de ses anciennes responsabilités de ministre de l'intérieur. "
" Un sage de 58 ans "Sans reprendre le terme " recours ", l'entourage de Bernard Cazeneuve ne ferme aucune porte. " Il est détaché des échéances politiques, son activité d'avocat lui prend beaucoup de temps, mais il regarde ce qu'il se passe, confie l'un de ses ex-conseillers de la place Beauvau. C'est vrai que le paysage n'est pas affriolant et que son bilan, aussi bien politique à Matignon qu'opérationnel à l'intérieur, n'est pas contesté. "" Après un président de 40 ans qui aura fatigué tout le monde, pourquoi pas un sage de 58 ans ? ", s'interroge un autre proche.
Reste à savoir si l'ancien premier ministre de François Hollande pourra y aller. Les parlementaires socialistes préfèrent rester prudents sur cette hypothèse pour ne pas gêner les premiers pas du nouveau premier secrétaire. " Je sais qu'il y pense. Mais je n'aime pas le terme recours, cela signifie qu'on a tout raté. Là, on est à bord d'un nouvel avion ", fait savoir un député proche d'Olivier Faure.
La France insoumise, elle, se régale d'avance d'un tel scénario. " Il faut qu'ils fassent des économies en vue de 2022, parce que c'est n'est pas sûr qu'ils fassent 5  % à la prochaine présidentielle !, ironise Alexis Corbière, député de Seine-Saint-Denis, en référence au remboursement des frais de campagne. Il n'a pas compris ce qu'il s'était passé ? Il ne comprend pas que les gens en ont ras-le-bol de les voir ? Quelle absence d'humilité ! " L'aile gauche du Parti socialiste n'est pas plus tendre. " C'est le dernier premier ministre de François Hollande. C'était lugubre !, se souvient une parlementaire. L'individu est respectable, mais ce ne sont pas les hollandais qui peuvent gagner. "
Dernière ombre dans le paysage, Najat Vallaud-Belkacem. L'icône des gouvernements de François Hollande était pressentie pour prendre la relève lors du congrès d'Aubervilliers. Mais elle aussi a refusé cette possibilité. Poussée par ses camarades " quadras ", comme Matthias Fekl, Carole Delga ou Olivier Faure, l'ancienne ministre de l'éducation nationale s'est longuement posé la question, notamment à l'automne.
" La période de réflexion dans laquelle j'entre a été intense, se souvient la nouvelle dirigeante de collection chez Fayard. Le sort de ma famille politique et celui du pays me tiennent viscéralement à cœur. Renoncer à y prendre part, même temporairement, ne se fait pas l'esprit léger. Et en même temps, à 40 ans, l'envie de me renouveler, de m'alimenter d'autres expériences, le besoin de m'ouvrir l'esprit par d'autres modes de réflexions que les confrontations un peu courtes et souvent caricaturales, tout cela a compté et finalement dicté mon choix. "
" Egoïste "Reste que l'ancienne porte-parole de François Hollande manque à ses camarades. Beaucoup ont déploré que le congrès se soit joué entre hommes. Certains, comme le député Joël Aviragnet, regrettent enfin " qu'elle ne soit pas dans la salle "d'Aubervilliers pour le congrès. D'autres aimeraient la voir prendre la tête de liste pour les européennes. " Je suis heureuse là où je suis ", répond-elle.
Certains jeunes élus déplorent une attitude " d'enfant gâtée "" Depuis le début, elle a tout eu. Elle ne s'est jamais battue. Elle a eu une place à Lyon grâce à sa copine de Sciences Po Caroline Collomb, elle a été catapultée porte-parole de Ségolène Royal à 27 ans, puis de François Hollande. Du point de vue de l'histoire de la gauche, elle a été égoïste ", regrette un trentenaire du parti. " Ce n'était pas dans ce rôle-là que je me projetais pour les années à venir. Je suis convaincue qu'Olivier est la bonne personne au bon endroit, je lui souhaite de réussir ", répond l'intéressée.
La grande absente du congrès a décidé de prendre du recul, tout comme Bernard Cazeneuve. Mais pour un fin observateur de la vie de Solférino, ces deux personnalités n'ont peut-être pas fait le bon choix. " François Mitterrand n'a jamais démissionné. Même quand il était à la tête d'un groupuscule” comme la convention des institutions républicaines, il est resté. C'était un combattant. C'est dans la retraite qu'on voit les chefs ", estime Alain Bergounioux.
Pour ces anciens, l'avenir n'est pas beaucoup plus rose que celui du PS. En s'éloignant de leur famille, ils ne se sont pas forcément facilité la tâche. Car si leur parti retrouve des couleurs, la nouvelle génération n'aura plus besoin d'eux. Et si le PS continue à stagner, ils incarneront toujours le souvenir du désastre de 2017.
Astrid de Villaines
© Le Monde

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