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vendredi 13 avril 2018

A Bordeaux, la filière hydrolienne se jette à l'eau.....Le gisement inexploité des énergies marines......





13 avril 2018

A Bordeaux, la filière hydrolienne se jette à l'eau

Dans la Garonne, un site teste le potentiel de l'énergie des courants. Un marché émergent mais prometteur

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Sous le vieux Pont de pierre aux voûtes cuivrées, la Garonne charrie des eaux limoneuses. L'histoire – l'ouvrage, dû à Napoléon, fut le premier à enjamber le fleuve et reste l'un des emblèmes de la capitale girondine – rejoint ici l'innovation. Amarrée en aval des piles dont le passage étréci -accélère l'écoulement, une plate-forme flottante oscille doucement. En son centre, un parallélépipède de huit tonnes est immergé : une hydrolienne, dont les pales sont actionnées par le courant comme celles d'une éolienne le sont par le vent.
Et du courant, il y en a à revendre. " Jusqu'à 3,5 mètres par seconde, avec un marnage- différence de niveau entre la pleine et la basse mer - de plus de 5 mètres en période de vives-eaux ", indique Marlène Kiersnowski, responsable du -développement du Site expérimental estuarien national pour l'essai et l'optimisation d'hydroliennes (Seeneoh).
Inaugurée début mars, cette installation accueille sa première machine, conçue par la société iséroise HydroQuest. Un ensemble de quatre turbines d'une puissance totale de 80 kilowatts, fonctionnant aussi bien au flot (marée montante) qu'au jusant (marée descendante). De quoi fournir en électricité verte, ou plutôt bleue, près d'une centaine de foyers. Symboliquement, les premiers postes de consommation, sur le réseau auquel la plate-forme est raccordée par un câble sous-marin, sont une " maison écocitoyenne " et une borne de recharge électrique.
Mais plus que pour générer des électrons, la machine est là pour être testée. " Pendant un an, nous allons étudier sa courbe de pro-duction, son comportement dans l'eau et son impact environnemental ", précise Marc Lafosse, océanographe de formation et président du bureau d'études Energie de la Lune, principal actionnaire de -Seeneoh. Le milieu saumâtre et turbide, corrosif et chargé de matières en suspension abrasives, va soumettre l'hydrolienne à rude épreuve. De son côté, celle-ci va modifier la dynamique sédimentaire et pourrait avoir des effets – mécaniques, acoustiques ou électromagnétiques – sur les poissons, dont la Garonne abrite des espèces rares ou vulnérables, comme l'esturgeon européen, le saumon -atlantique, ou la lamproie marine. Il y a peu de risques qu'ils soient hachés menu par des pales dont la vitesse maximale de rotation est de 40 tours par minute. Mais pour le vérifier, il est prévu de lâcher quelques centaines de spécimens d'une espèce témoin, le mulet porc, dans le " moulin à eau ".
" L'énergie hydrolienne a très peu d'impact sur l'environnement, assure Marc Lafosse. Surtout, à la différence du solaire ou de l'éolien, elle est prédictible, les marées pouvant être calculées un millier d'années à l'avance. Et la ressource est immense. "
Jean-François Simon, président d'HydroQuest, en est le premier convaincu. Sa société s'est déjà fait la main avec des prototypes expérimentés à Orléans, dans la Loire, et en Guyane, dans le fleuve Oyapock. Elle commencera à faire tourner cet été à Caluire-et-Cuire, dans le Rhône, une ferme de -quatre hydroliennes, et prévoit de déployer, fin 2018 ou début 2019, une flottille de trente-neuf -machines, dans le Rhône toujours, en aval du barrage de Gé-nissiat. Ce parc, d'une puissance de 2 mégawatts, serait capable -d'alimenter en électricité plus de 1 200 foyers.
La France est bien placéeA Bordeaux, dans l'estuaire de la Gironde, il s'agit de valider un système conçu non pas pour le flux continu d'un fleuve, mais pour l'alternance des marées. " Ce type de machine n'est pas destiné aux seuls estuaires, mais aussi aux atolls, des Maldives ou de Polynésie française par exemple ", souligne Jean-François Simon. Les passes par lesquelles les lagons de ces anciennes îles volcaniques communiquent avec l'océan sont en effet soumises au régime des courants entrants et sortants. Leurs populations sont aujourd'hui approvisionnées par des groupes élec-trogènes brûlant du fuel, coûteux et polluant, et l'hydrolien pourrait leur apporter une alternative plus écologique.
D'un coût de 3  millions d'euros, l'installation Seeneoh a été financée aux deux tiers par des fonds publics, dont la part principale (700 000  euros) émane de la région Nouvelle-Aquitaine. " Nous nous sommes fixé l'objectif ambitieux de 32  % d'énergies renouvelables en  2021, explique Françoise Coutant, vice-présidente (EELV) du conseil régional chargée du climat et de la transition énergétique. Cela passe par la réduction de la consommation et par le développement de toutes les ressources, photovoltaïque, éolien, méthanisation, géothermie, stockage, énergies marines renouvelables… L'estuaire de la Gironde, le plus vaste d'Europe occidentale, offre à cet égard un potentiel important. "
D'ailleurs, Bordeaux n'en est pas à son coup d'essai. Une PME locale, Hydrotube Energie, a mis à l'eau à l'été 2015 un premier modèle d'hydrolienne flottante. Depuis fin 2017, ses bureaux sont alimentés, en autoconsommation, par le courant puisé dans la Garonne. " Nous avons des contacts avec plusieurs pays africains, comme le Cameroun, la Côte d'Ivoire, la République démocratique du Congo ou le Sénégal, où l'accès à l'électricité est une première nécessité, indique son directeur général, Antoine Mialocq. Une hydrolienne fluviale peut fournir à un village non seulement l'éclairage, mais aussi le moyen de conserver des produits agricoles ou de pomper de l'eau potable. "
Dans les prochaines semaines, la société irlandaise DesignPro viendra à son tour éprouver sa technologie sur le site girondin, adapté aux turbines de petite taille mais aussi aux modèles réduits de machines géantes destinées au milieu océanique. Car si le potentiel mondial de l'hydrolien fluvial ou estuarien est estimé à 50 gigawatts (GW), celui de l'hydrolien maritime est évalué, lui, entre 75 et 100 GW. Soit, en puissance cu-mulée, l'équivalent d'une petite centaine de réacteurs nucléaires de type EPR.
Sur ce marché émergent – aucun parc commercial n'est encore en service dans le monde –, la France est bien placée, avec un potentiel de l'ordre de 3 GW et de nombreux acteurs prêts à se lancer dans le bain. La petite société quimpéroise Sabella a été pionnière, avec un démonstrateur plongé en  2015-2016 dans le passage du Fromveur (Finistère), l'un des deux " spots " nationaux, avec le Raz Blanchard au large du cap de La Hague (Manche), traversés par de très puissants courants. Elle va réitérer l'expérience avec une machine améliorée, à partir de l'été 2018, et participe à un programme soutenu par la région Bretagne, qui vise à couvrir 80  % des besoins électriques des près de 900 habitants de l'île d'Ouessant, en combinant deux hydroliennes, une éolienne à terre et une centrale photovoltaïque.
D'autres initiatives restent pourtant à quai, lorsqu'elles n'ont pas capoté. EDF-Energies nouvelles attend les résultats d'une expérimentation menée au Canada par son partenaire Naval Group pour décider de l'implantation d'une ferme pilote de sept turbines dans le Raz Blanchard. Quant au projet concurrent porté par Engie et Alstom, il a été emporté par le rachat de ce dernier par General Electric. Les industriels disent avoir désormais besoin de " visibilité " pour une filière qui n'est pas encore parvenue à maturité. Ils espèrent donc le lancement rapide d'appels d'offres commerciales annoncés par le gouvernement.
Avec une production à grande échelle, le coût du mégawattheure marin pourrait à terme se situer " entre 100 et 150  euros ", pense le président de Sabella, Jean-François Daviau. Un coût élevé par -rapport à celui des autres énergies, aujourd'hui deux ou trois fois moindre, mais qui permettrait à l'électricité des courants de trouver un débouché sur les sites in-sulaires ou isolés non raccordés. De la Garonne aux premiers parcs industriels, le chemin n'est peut-être plus si long.
Pierre Le Hir
© Le Monde



13 avril 2018

Le gisement inexploité des énergies marines

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Avec plus de11 millions de km2 d'espace océanique sous sa juridiction en métropole et dans les outre-mers – soit le deuxième domaine maritime après celui des Etats-Unis –, la France dispose d'un gisement d'" or bleu " presque inépuisable. Il reste pourtant inexploité. L'ambition affichée par François Hollande, en 2012, de faire du pays " le leadeur européen des énergies marines renouvelables " s'est enlisée. A l'exception de l'unique usine marémotrice de la Rance (Ille-et-Vilaine), en fonctionnement depuis 1966, l'Hexagone ne tire aucun kilowattheure de ses ressources marines.
En cale sèche, l'éolien offshore, déjà entravé par de multiples recours, est aujourd'hui plongé dans la tourmente par la volonté du gouvernement de renégocier à la baisse, voire d'annuler, les contrats des six premiers parcs attribués en 2012 et en 2014 par appels d'offres, pour un total de 3 gigawatts, au large des côtes normandes, bretonnes et vendéennes. EDF-Energies nouvelles (EDF-EN), associé aux trois projets les plus avancés – Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), Fécamp (Seine-Maritime) et Courseulles-sur-Mer (Calvados) –, espère néanmoins pouvoir lancer cette année les fabrications, ce qui permettrait une mise en service… en  2021. Cela, alors que plus de 4 000 éoliennes tournent déjà sur les côtes européennes. Mais la profession attend toujours l'appel d'offres promis dans la zone de Dunkerque (Nord) et celui annoncé au large d'Oléron (Charente-Maritime).
Tandis que la filière hydrolienne escompte elle aussi des appels d'offres pour prendre le large, une autre énergie marine se profile pourtant : l'éolien offshore non pas posé, mais flottant, qui donne accès à des sites plus éloignés et plus ventés, tout en réduisant l'impact visuel. Le premier prototype français, Floatgen, doit être installé prochainement au large du Croisic. Et quatre fermes pilotes, portées par EDF-EN, Engie, Eolfi et Quadran, sont prévues d'ici à 2020, dont trois en Méditerranée et une dans l'Atlantique, près de l'île de Groix.
D'autres technologies en sont au stade exploratoire : l'énergie houlomotrice (produite par le mouvement des vagues), l'énergie thermique des mers (échange de chaleur entre les eaux superficielles et profondes, un procédé pour lequel existe un projet de démonstrateur en Martinique), l'énergie osmotique (utilisant la différence de salinité entre eau douce et eau de mer)… Le Syndicat des énergies renouvelables estime qu'en pressant l'allure les ressources marines pourraient couvrir 10 % des besoins de la France en électricité en  2030, soit autant que le solaire photovoltaïque.
P. L. H.
© Le Monde

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