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vendredi 1 décembre 2017

" Quand tu débarques à Paris, on te dit “va voir Agathe” "

1er décembre 2017

" Quand tu débarques à Paris, on te dit “va voir Agathe” "

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" Ali a-t-il bien pris son bus ? " Mardi 21  novembre, Agathe, que cette question a réveillée, envoie un SMS à l'adolescent qui la rassure par d'autres mots que le " t'inquiète je gère " habituel des enfants français à leur mère.Ali n'est ni français, ni le fils d'Agathe, juste un fils de cœur de cette maman solidaire. Quelques heures plus tard, dans le 11e arrondissement de Paris,elle distribue deux-trois choses à des jeunes tout juste débarqués quand son œil s'arrête sur le tee-shirt d'un jeune Guinéen. Sans un mot, elle a jaugé sa carrure et s'est mise à fouiller un sac de sport rempli de vêtements chauds, redonnant sourire au gamin.
Besoin d'un pull, d'un lit, d'un téléphone, d'une recharge SIM ou d'un repas ? " Quand tu es étranger et que tu débarques tout seul à Paris, on te dit va voir Agathe ", sourit Ahmad, désormais reconnu mineur donc pris en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE). Agathe Nadimi, trentenaire, est devenue la spécialiste " terrain " des galères des jeunes migrants. Elle les conseille, les aide, les oriente. Un nom de juge des enfants en haut d'une convocation lui suffit pour savoir si le jeune sera reconnu mineur ou non par la justice, après avoir été refusé lors de l'évaluation départementale.
Sans étiquetteAgathe a deux vies. Côté pile, prof à l'école de commerce Sup de Co La  Rochelle et dans des formations de lycée consacrées au tourisme. Côté face, figure du Paris des migrants. Depuis qu'un jour de printemps 2016, elle a déboulé sur les campements dans la Twingo jaune de sa mère bourrée de vêtements, nourriture et couvertures, sa vie de Parisienne un peu bobo a pris un -virage à 90 degrés. Celle qui a visité une bonne partie de la planète, travaillé sur des navires de croisière, vendu du tourisme haut de gamme, voyage désormais à travers les récits des jeunes Africains et Afghans.
Elle travaille en solo. Elle n'est d'aucune association et a toujours dit non aux propositions de ralliement. Elle n'a pas besoin d'étiquette pour collecter par son compte Facebook. " Je réclame beaucoup, mais les gens sont formidables ", se réjouit celle qui a instauré le principe d'un " déjeuner mineurs " servi près du métro -Couronnes chaque midi. Pendant ce qu'on appelle " les déjs d'Agathe " –  même si d'autres les servent et ont cuisiné –, elle repère ceux qui lui semblent trop minots pour dormir à la rue, s'enquiert de leur histoire et leur trouve un lit par Facebook.
C'est elle qui a envoyé Ali en Bretagne. Histoire folle que celle de cet Afghan évalué mineur à Paris, envoyé dans le Val-d'Oise dans le cadre de la répartition nationale et réévalué majeur là-bas. Mis dehors de son foyer, Ali est revenu dans la capitale où il va demander au juge de trancher son cas. " Mais comme une galère n'arrive jamais seule, observe l'enseignante, le juge ordonne à nouveau un test osseux et il faut attendre janvier ou février  2018. " Avant son départ pour Poissy, Ali était entré dans le petit cahier d'Agathe, celui où elle note les prénoms. Un truc de prof  ?
M.B.
© Le Monde

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