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mercredi 6 décembre 2017

Pour l'INRA, des alternatives au glyphosate existent

6 décembre 2017

Pour l'INRA, des alternatives au glyphosate existent

Plus de 9 100 tonnes de cet herbicide ont été consommées en France en 2016

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Sortir du glyphosate ? Des " alternatives " existent, même s'il reste des " impasses ". Ce ne sont pas les ONG environnementales qui le disent, mais l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) qui, saisi le 2  novembre, a remis le 1er  décembre un rapport scientifique sur cette question aux ministres de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, de l'agriculture et de l'alimentation, Stéphane Travert, et de la recherche et de l'innovation, Frédérique Vidal.
Cette contribution pèsera lourd dans le débat sur l'herbicide controversé, que l'Europe vient de réautoriser pour cinq ans, alors même que le Centre international de recherche sur le cancer l'a classé " cancérogène probable ".
L'INRA souligne l'ampleur du défi, en rappelant que plus 9 100  tonnes de cette substance active ont été consommées en  2016 en France métropolitaine. Le glyphosate, surtout connu du grand public sous la marque Roundup – le produit phare de Monsanto –, entre en effet dans la composition de plusieurs centaines de désherbants. Avec la double caractéristique d'être un herbicide " total " (il détruit toute la flore adventice, c'est-à-dire les herbes et plantes indésirables) et " systémique " (il migre dans les tissus végétaux pour atteindre les systèmes racinaires).
C'est au regard de cette capacité à faire table rase du couvert végétal que l'institut jauge les solutions de remplacement possibles. Celles-ci, précise-t-il, " doivent permettre de maintenir une pression sur les adventices, assurer la destruction des couverts pour installer les cultures, pour entretenir vignes et vergers et faciliter la récolte dans des situations maîtrisées ". Le postulat est en outre que les agriculteurs devront " maintenir leur niveau de revenu et de rendement ".
" Culture sous mulchs vivants "Compte tenu de ce cahier des charges, l'INRA, qui s'appuie sur les résultats du réseau Dephy Ecophyto (quelque 3 000  exploitations engagées dans une démarche de réduction de l'usage des pesticides), identifie " différentes alternatives techniques " qui, en cas de retrait du glyphosate, devront être utilisées " seules ou de façon combinée ". Il met ainsi en avant " la destruction - du couvert végétal - par le désherbage mécanique et le travail superficiel du sol "" le labour pour assurer la destruction par enfouissement de l'ensemble de la végétation ", des " stratégies d'évitement partiel dont le recours au gel hivernal des couverts intermédiaires, ou l'utilisation d'agroéquipements spécifiques permettant le hachage de la végétation ", ou encore " la culture sous mulchs vivants - paillage ou plantes de couverture - qui induit une limitation des adventices ".
C'est donc un panel de méthodes qui est proposé. Le PDG de l'INRA, Philippe Mauguin, auditionné le 21  novembre par des parlementaires, avait déjà prévenu qu'" il n'y a pas de solution miracle " et que son organisme " ne travaille pas pour rechercher une molécule qui remplacerait une autre molécule ". Le rapport estime néanmoins que " l'utilisation ciblée d'autres herbicides homologués pourra être nécessaire pendant une période de transition ", sachant que ces produits de substitution " peuvent avoir des profils toxicologiques ou écotoxicologiques plus défavorables que celui du glyphosate ".
Pour autant, poursuit le rapport, il subsiste " des situations de difficulté et d'impasses au regard des leviers et connaissances disponibles à ce jour ". L'INRA considère qu'" il y a impasse quand la seule alternative envisageable à court terme consiste à réaliser la destruction à la main de la flore vivace ".
Ces situations problématiques relèvent de " cas particuliers " et de " marchés spécifiques ". Il s'agit d'abord de l'agriculture de conservation (4  % des surfaces de grande culture), qui permet d'entretenir une parcelle sans travailler le sol, afin de laisser celui-ci se restaurer : sans glyphosate, les exploitants " pourraient être conduits à réintroduire un travail superficiel, voire parfois un labour ". Il s'agit encore des cultures " menées dans des conditions difficiles sans bénéficier d'une forte valeur ajoutée : terrasses, zones très caillouteuses ou très fragiles ", comme il en va pour les vignes et vergers en forte pente. Sont aussi concernés la production de semences (380 000  hectares), les légumes frais et de conserve cultivés en plein champ (204 000  hectares), ainsi que des marchés de niche, comme le rouissage du lin fibre (88 000  hectares) dont la France est le premier producteur mondial, ou les fruits à coque (19 000  hectares).
" L'adaptation à un arrêt du glyphosate passe par des changements profonds " dans les pratiques agricoles, insiste l'INRA, qui, sans indiquer le calendrier qui lui semblerait réaliste, estime que " la sortie devra se faire sur une échelle de temps qui prend en compte la mise en œuvre des techniques alternatives ". L'institut ajoute que l'impact économique, dont " l'évaluation est délicate ", sera " d'autant plus marqué que la diversification des cultures est faible, qu'il n'y a pas d'élevage, que le secteur concerné touche des marchés très concurrentiels au sein de l'UE ". Mais le rapport ne traite pas des risques sanitaires et environnementaux, tout en notant que, du fait de l'emploi généralisé du glyphosate, " on le retrouve, ainsi que ses métabolites, dans l'eau et dans le sol et, rarement fort heureusement, dans les denrées agricoles ".
Les conclusions de l'INRA coupent en partie l'herbe sous le pied de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), farouchement opposée à une interdiction du glyphosate en l'absence d'" alternative viable "" Ce rapport montre que, dans la plupart des cas, les solutions sont déjà là, réagit ainsi François Veillerette, porte-parole de l'association Générations futures. Il faut désormais une position politique claire. "
Le message du gouvernement sur ce dossier a de fait été passablement brouillé, le chef de l'Etat, Emmanuel Macron, annonçant une interdiction de l'herbicide en France " dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans trois ans ", avant que le ministre de l'agriculture affirme que " sans alternative, il n'y aura pas d'interdiction ". La ligne de conduite de la France sera peut-être clarifiée avec le plan de sortie du glyphosate qui, étayé par les travaux de l'INRA et d'autres études, doit être présenté par l'exécutif avant la fin de l'année.
Pierre Le Hir
© Le Monde


6 décembre 2017.

Plainte d'ONG contre les agences d'expertise européennes

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L'affaire du glyphosate n'est pas près de se clore. Des organisations non gouvernementales ont annoncé, lundi 4 décembre, qu'elles portaient plainte contre les agences européennes responsables de l'évaluation de la toxicité de l'herbicide. L'avis favorable de ces agences avait servi de socle à la proposition de la Commission européenne de renouveler la licence d'exploitation du produit pour cinq ans, votée le 27 novembre par dix-huit Etats membres.
Global 2000, plusieurs branches de Pesticide Action Network, et Générations futures en France déposeront leurs plaintes d'ici à la fin décembre dans quatre pays : Allemagne, Autriche, France et Italie. Dans leur ligne de mire : l'Institut allemand d'évaluation des risques, le BfR, auquel l'Allemagne, " Etat rapporteur " pour l'UE, avait confié en 2012 l'évaluation du dossier de demande de renouvellement de la licence du glyphosate déposé par les industriels menés par Monsanto. La seconde agence visée, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), avait, elle, pour rôle de superviser la vérification de l'expertise menée par le BfR.
Les ONG accusent les agences d'avoir violé l'article 11 du règlement européen sur les pesticides, en manquant de procéder à " une évaluation indépendante, objective et transparente " du dossier des industriels. Elles affirment que le BfR a fait un copier-coller des passages cruciaux de ce dernier dans son propre rapport.
Ainsi, leurs conclusions sont identiques. Le BfR et l'EFSA, tout comme les industriels, estiment que le glyphosate n'est ni génotoxique, ni cancérogène, ni reprotoxique tandis que le Centre international de recherche sur le cancer l'a classifié " cancérogène probable pour l'homme " en mars 2015.
En Autriche, où la première plainte devait être déposée lundi auprès du procureur de Vienne, Global 2000 attaque le BfR et l'EFSA notamment pour fraude et mise en danger volontaire de la sécurité du public. " Ces allégations n'ont rien de nouveau ", a réagi dans un courriel un porte-parole de l'EFSA, qui les " récuse avec la plus grande fermeté ". Le BfR n'a pas répondu au Monde.
Stéphane Horel

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