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vendredi 8 décembre 2017

Chômage : la réforme s'engage dans la douleur


8 décembre 2017

Chômage : la réforme s'engage dans la douleur

Complexe sur le plan technique, le projet de l'exécutif suscite de fortes réticences des partenaires sociaux

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Ceux qui pensaient que, sur le front du social, le plus dur avait été accompli en seront pour leurs frais. Alors que la réforme du code du travail a été menée à bien en à peine quatre mois, sans mobilisation massive de la rue, un autre chantier, lui aussi en lien avec le monde de l'entreprise, s'avère plus ardu à engager : celui de la réforme de l'assurance-chômage.
Le 25  octobre, le chef du gouvernement, Edouard Philippe, et la ministre du travail, Muriel Pénicaud, avaient indiqué que ce dossier serait ouvert durant la deuxième quinzaine de novembre, à l'occasion d'une  réunion multilatérale avec l'ensemble des organisations de salariés et d'employeurs. Finalement, le conclave aura lieu un tout petit peu plus tard, le 11 décembre en principe. Toutefois, cette date n'était pas encore officiellement confirmée, mercredi 6  décembre dans la soirée, d'après plusieurs sources syndicales. " Nous n'avons pas d'ordre du jour, déplore Eric Courpotin (CFTC).Est-ce que ça cache quelque chose ? Ou est-ce dû au fait que certains points n'ont toujours pas été tranchés ? Il n'y a pas une grande transparence en tout cas. "" C'est un peu surréaliste. Et très cavalier ", renchérit Jean-François Foucard (CFE-CGC). " Nous ne disposons pas d'assez d'informations ", râle le représentant d'une autre confédération.
Sur le papier, les ambitions du gouvernement, qui reprennent des promesses de campagne faites par Emmanuel Macron, ont l'air simple. Premier axe : étendre le versement des Assédic aux travailleurs indépendants et aux salariés démissionnaires. Le deuxième axe, lui, consiste à instaurer une sorte de bonus-malus en modulant les cotisations des entreprises en fonction du coût qu'elles font supporter à l'assurance-chômage, à la suite du départ de certains de leurs salariés (fin de CDD, licenciements…).
Mais sitôt que l'on plonge son nez sous le capot, la difficulté de l'exercice saute aux yeux. " Les ordonnances étaient complexes politiquement, cette réforme l'est également, admet-on à Matignon. Mais s'y ajoutent des paramètres techniques, juridiques et financiers. "
Pas de consensusL'un des principaux casse-tête à résoudre porte sur le sort des indépendants. L'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'inspection générale des finances (IGF) viennent de rendre un rapport dans lequel sont exposés plusieurs scénarios pour honorer l'engagement de M.  Macron. Mais aucun d'entre eux ne s'impose comme la solution consensuelle.
D'abord parce que, comme le reconnaît Matignon, " tous les acteurs concernés ne sont pas du même avis ", et ce, y compris sur l'opportunité même de créer un tel système. " Nous ne sommes pas demandeurs de ces mesures, affirme Alain Griset, président de l'Union des entreprises de proximité (artisanat, commerce, professions libérales). Si le gouvernement veut aller au bout de ses intentions, il faut qu'il fixe des conditions d'accès strictes, pour que ce ne soit pas “open bar”. "
Se pose de surcroît le problème du financement de l'extension de l'assurance-chômage : les cotisations des indépendants vont-elles s'accroître ? Le gouvernement y paraît peu enclin et réfléchirait, selon nos informations, à un système fondé sur le volontariat, à l'image de ceux déjà en vigueur dans plusieurs pays européens. Seule ombre au tableau : peu de personnes en bénéficient. " Dans l'ensemble, ces garanties sont, de fait, très peu souscrites ", constate le rapport (provisoire) de l'IGAS et de l'IGF (moins de 800  personnes indemnisées en Autriche entre 2009 et 2015 par exemple).
En France, il existe des dispositifs facultatifs gérés par des opérateurs privés : la garantie sociale du chef d'entreprise (GSC), qui est proposée sous la forme d'une assurance contre la perte d'emploi des dirigeants d'entreprise ; mais aussi les groupements issus de la loi Madelin de 1994. Toutefois, leur audience reste, là aussi, confidentielle (15 000  entrepreneurs sont couverts par la GSC). L'une des idées étudiées par l'exécutif consisterait à encourager le recours à de tels outils, à travers des exonérations d'impôts ou des baisses de charges (pour compenser le coût d'achat de ces assurances).
Autre inconnue : quelles sont les situations (les " faits générateurs ", dans le jargon de l'Unédic) qui ouvrent un droit à l'assurance-chômage pour le travailleur indépendant ? Dans le rapport IGAS-IGF, l'hypothèse de la liquidation et du redressement judiciaire est mentionnée, mais avec un gros bémol : un tel critère, très restrictif, circonscrit à un tout petit périmètre le public éligible (de l'ordre de 50 000  à 70 000 personnes, chaque année). Cette option semble d'ailleurs ne pas avoir les faveurs de l'exécutif pour deux raisons. D'abord elle risquerait d'exclure un grand nombre de micro-entrepreneurs car l'activité de beaucoup d'entre eux dépérit ou s'interrompt sans qu'il y ait dépôt de bilan. En outre, la faillite constitue un stigmate sur le dossier bancaire du patron concerné, qui aura, par la suite, " des difficultés à emprunter ou tout simplement à reprendre une activité ".
Plafond d'indemnisationEn revanche, le gouvernement donne le sentiment d'avoir moins peiné au sujet de l'élargissement de l'assurance-chômage aux démissionnaires. " Les populations ciblées par la mesure sont identifiées ", explique un bon connaisseur du dossier. Pour éviter que ce changement entraîne un surcroît de dépenses trop important, l'une des pistes envisagées prévoit un plafond d'indemnisation nettement plus bas que celui de droit commun (qui s'élève à 245 euros bruts par jour). L'allocation pourrait également être versée moins longtemps que dans le cas de figure ordinaire, et des conditions d'activité antérieure spécifiques (pour pouvoir prétendre aux Assédic) pourraient être fixées. Le salarié qui plaque son job pourrait réclamer les Assédic une fois par période de cinq ans, conformément à l'engagement pris par M.  Macron durant la campagne.
Subsiste une grosse pierre d'achoppement : le bonus-malus, qui indispose le monde patronal et fait peur à certaines catégories d'entreprises ayant beaucoup recours aux CDD (hôtellerie-restauration, etc.). C'est une " absurdité ", avait lancé, à la mi-octobre, Pierre Gattaz, le président du Medef. Une telle mesure est de nature à compromettre le dialogue entre l'exécutif et les organisations d'employeurs, comme le laisse clairement entendre Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, secrétaire général de la Confédération des petites et moyennes entreprises : " Le patronat refuse de s'engager dans une négociation dont la feuille de route comprendrait un bonus-malus en fonction du taux de contrats courts dans les entreprises. "
Sarah Belouezzane, et Bertrand Bissuel
© Le Monde

Un texte commun des partenaires sociaux

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Les organisations patronales et syndicales se sont rencontrées, mercredi 6 décembre, pour finaliser la rédaction d'un texte commun sur la réforme de l'assurance-chômage. Celui-ci devrait être rendu public avant la réunion multilatérale avec le gouvernement, qui aura lieu, en principe, le 11 décembre. A ce stade, les partenaires sociaux ne souhaitent pas divulguer la teneur de cet écrit d'une quinzaine de pages. Il contient des " propositions ", selon un syndicaliste, et procède, d'après un autre, à plusieurs rappels " factuels " sur le dispositif (notamment sur les causes du déficit de l'Unédic et sur les caractéristiques du régime par rapport à d'autres pays européens). " C'est un document de réflexion qui va nous servir de base ", confie le chef de file d'une confédération.
© Le Monde


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