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vendredi 8 décembre 2017

" Passer des cotisations à la fiscalité est une évolution substantielle "

8 décembre 2017

" Passer des cotisations à la fiscalité est une évolution substantielle "

Pour le professeur Julien Damon, la " volonté d'universalisation " de l'Unédic est inscrite dans " l'histoire de la protection sociale "

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L'une des principales mesures de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018, adoptée définitivement lundi 4  décembre par le Parlement, réside dans l'augmentation de 1,7 point du taux de contribution sociale généralisée (CSG). Cette dernière a vocation à se substituer aux cotisations maladie et chômage des salariés du privé, qui seront supprimées. Désormais, l'assurance-chômage sera financée uniquement par la fiscalité. " Une évolution très substantielle ", pour Julien Damon, spécialiste des questions de protection sociale et professeur associé à Sciences Po.


La véritable nouveauté de ce texte est de faire basculer le financement de l'assurance-chômage sur l'impôt…

Le chômage, c'est ce risque que la Sécurité sociale n'avait pas prévu. En  1945, quatre grands risques sont créés : les accidents du travail, encore intégralement financés par des cotisations car c'est un risque totalement professionnel ; les retraites, qui répondent à la même logique car rattachées à ce que l'on a cotisé pendant son activité professionnelle. La famille et la maladie sont universelles – les prestations ne reposent pas sur votre appartenance professionnelle et leur financement passede plus en plus par la fiscalité. En  1958, les partenaires sociaux ont créé l'Unédic, pour financer des prestations de chômage relevant intégralement de cotisations sociales. On assiste donc à une évolution très substantielle avec la bascule d'un système paritaire, reposant sur des cotisations d'assurance-chômage, vers un système qui doit être universel mais dont les contours ne sont pas  encore bien dessinés.


Faut-il y voir la volonté de l'Etat de reprendre la main sur un système aujourd'hui géré par les partenaires sociaux ?

Oui, mais avec de bonnes raisons. Certes, les partenaires sociaux gèrent le système d'assurance-chômage, mais l'Etat garantit la dette de l'Unédic, dont le montant atteint 37  milliards d'euros en  2017. Cet endettement est considéré comme public au regard des engagements internationaux de la France. Il y a deux éléments à considérer : la réforme du mode de financement et celle des prestations. On tire d'abord le financement puis on va tenter d'organiser une couverture plus large pour l'ensemble des actifs dont les indépendants ou les démissionnaires.


Quelles en sont les conséquences ?

Tout ceci commande des évolutions du paritarisme. Dans le principe, au sein des organismes de Sécurité sociale ou de protection sociale, les partenaires sociaux sont à la manœuvre en tant que représentants des assurés sociaux que sont surtout les salariés. Comme ce ne sont plus seulement les salariés qui sont couverts, il est légitime de faire évoluer la gouvernance de manière à ce que tout le monde soit d'une façon ou d'une autre représenté. Et il n'y a rien de mieux pour cela que les élections politiques et le Parlement. Ces évolutions de la gouvernance sont inscrites dans la trajectoire historique de la protection sociale avec cette volonté d'universalisation. Le sujet reste de trouver des -délimitations et des fonctions -légitimes pour des partenaires sociaux qui doivent conserver une place, plus ou moins importante selon les risques, dans le système.


Les syndicats craignent aussi que la disparition du principe assurantiel ouvre la voie au remplacement de l'indemnité chômage par un minimum social -identique pour tous…

Il est vrai que passer d'assurances sociales professionnelles à des  couvertures universelles pose  la question du caractère -proportionnel des prestations. Cependant, en matière de chômage, on saura certainement conserver un équilibre pour qu'il y ait un rapport entre les contributions et l'indemnisation. On ne passera certainement pas à une pleine logique d'aide sociale, qui d'ailleurs existe déjà avec les minima sociaux (RSA, allocations de solidarité spécifique, etc.), notamment pour les chômeurs que l'on dit " en fin de droits ". Que ces minima sociaux, très différents dans leur montant et leur organisation, soient rapprochés et unifiés, autant que faire se pourrait, est par ailleurs une -excellente idée.
propos recueillis par Raphaëlle Besse Desmoulières
© Le Monde

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