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vendredi 10 novembre 2017

Les maires haussent de nouveau le ton


10 novembre 2017

Les maires haussent de nouveau le ton

François Baroin menace de saisir le Conseil constitutionnel sur les efforts budgétaires réclamés par l'exécutif

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Amoins de deux semaines du 100e  congrès des maires, qui se tiendra du 21 au 23  novembre à Paris, les relations sont toujours aussi tendues entre l'Association des maires de France (AMF), présidée par François Baroin, et l'exécutif. Pas moins de quinze ministres devraient y faire acte de présence et, surtout, le président de la République s'adressera lui-même aux congressistes. Une intervention très attendue.
Bien que les responsables de l'AMF aient été reçus fin octobre à l'Elysée par Emmanuel Macron, rien, pour l'instant, ne permet d'apaiser leur vindicte. " Il nous a entendus pendant une heure vingt minutes, preuve qu'il est incontestablement à l'écoute. Mais à ce stade, nous n'avons aucune indication sur ses intentions ", résume le maire (Les Républicains) de Troyes. Pour lui, les choses sont claires : ce qui est en jeu, c'est ni plus ni moins que la libre administration des collectivités territoriales, garantie par la Constitution.
" Nous sommes des gens de dialogue, assure M.  Baroin. Ce n'est pas le président Macron ou ce gouvernement qui sont en cause, c'est une pente inexorable depuis les deux derniers quinquennats. L'effort demandé aux collectivités territoriales n'est pas tenable. L'Etat doit l'entendre. C'est la liberté des collectivités qui est en danger. Nous attendons beaucoup d'Emmanuel Macron mais, s'il le faut, nous saisirons le Conseil constitutionnel. Je l'ai dit au président de la République. "
L'AMF, qui s'est entourée d'une solide équipe de juristes, travaille à la rédaction d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) contestant les contraintes budgétaires imposées par le projet de loi de finances pour 2018 et, surtout, par le projet de loi de programmation des finances publiques. Sur le quinquennat, les collectivités territoriales sont appelées à contribuer à hauteur de 13 milliards d'euros à l'effort de modération de la dépense publique Les 319 plus grosses collectivités, incluant les grandes villes et intercommunalités, devraient ainsi limiter à 1,2 % par an la hausse de leurs dépenses de fonctionnement.
Pour André Laignel, le vice-président de l'AMF et président du Comité des finances locales, " ce qui nous est proposé aujourd'hui est un contrat léonin ". Outre l'objectif de limitation de la progression des dépenses de fonctionnement, il conteste la " règle d'or " instituée par ce projet de loi de programmation selon laquelle l'encours de la dette des communes de plus de 10 000  habitants et des intercommunalités de plus de 50 000  habitants ne devrait pas excéder treize ans de capacité d'autofinancement.
Moment de " clarification "" Ce ratio d'endettement ne repose sur aucune nécessité juridique, si ce n'est une volonté vexatoire ", s'insurge M.  Laignel, qui compare les dispositions budgétaires prévues par le gouvernement à " un garrot additionné d'une camisole juridique et réglementaire "" Aucun pacte n'est envisageable sur ces bases avec l'Etat ", ajoute-t-il.
Gouvernement et représentants des élus locaux s'interpellent par courriers interposés. Le 23 octobre, le premier ministre, Edouard Philippe, a pris la plume pour s'adresser à chacun des maires de France. Une lettre qui se veut rassurante, où il est question de " dynamique vertueuse ", de " contrat " et de " confiance ", de " responsabilité partagée ". A leur tour, MM.  Baroin et Laignel ont rédigé, le 26  octobre, un courrier de réponse adressé aux maires de France, " dans le souci de - leur - parfaite information ". Point par point, ils contestent la présentation faite par le chef du gouvernement et appellent les élus à se mobiliser lors du prochain congrès pour " influer sur les orientations du gouvernement ".
Lors de ce congrès, l'AMF attend la participation d'au moins quinze mille maires. " Cette mobilisation fait écho à la déception suscitée par la Conférence nationale des territoires - du 17  juillet - et aux inquiétudes générées par les annonces suivantes, souligne M.  Baroin. Les collectivités n'acceptent pas de voir leur gestion caricaturée et demandent le respect. Il y a aujourd'hui beaucoup de doutes. Le temps du dialogue doit s'ouvrir pour retrouver la confiance. "" Il doit y avoir un mouvement. S'il n'y a pas de mouvement, nous en tirerons les conséquences ", appuie M.  Laignel.
Les fils du dialogue peuvent-ils être renoués d'ici au prochain congrès des maires et à la prochaine Conférence nationale des territoires, prévue le 14  décembre ? M.  Baroin ne cache pas que, si aucune avancée significative n'intervenait, la présence de l'AMF à la Conférence des territoires pourrait être remise en question.
Il se défend de vouloir " souffler sur les braises " mais il met clairement en garde le président de la République. " Ce n'est pas dans son intérêt d'avoir une QPC, prévient le maire de Troyes. Nous voulons préserver l'esprit de la décentralisation. La décentralisation, c'est une liberté. Remettre en cause la décentralisation, c'est remettre en cause une liberté. "
Le congrès des maires sera un moment de " clarification ". Emmanuel Macron se sait guetté au tournant mais il n'a pour l'heure rien laissé percer de ses intentions.
Patrick Roger
© Le Monde

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