Et le très discret Jean-Dominique Senard mit les pieds dans le plat. Alors que le monde patronal bruissait ces derniers mois d'une possible candidature du président du groupe Michelin pour succéder à Pierre Gattaz, ce dernier est finalement sorti du bois dans une interview au Figaro, mardi 28 novembre. Ce poids lourd du CAC 40 ne se déclare certes pas candidat, mais il en évoque l'hypothèse et pose ses conditions.
Expliquant avoir
" envisagé et même (…)
souhaité " se présenter à la tête du syndicat patronal, M. Senard rappelle aussi que les statuts du Medef ne l'y autorisent pas. L'article 16 stipule que
" les candidats à la présidence ne doivent pas être âgés de plus de 65 ans au jour de l'élection ". Or, né le 7 mars 1953, le patron de Michelin aura dépassé l'âge requis si l'élection a lieu comme prévu en juillet 2018.
" Pour moi, il est hors de question de remettre en cause cette règle, précise-t-il.
Je suis opposé à une modification ou à une interprétation des statuts. "
Car quelques mois avant l'élection, ajoute-t-il,
" ce serait inopportun et donnerait le sentiment d'une manipulation ". Une approche que partage Viviane Chaine-Ribeiro, la patronne du Syntec, elle-même un temps candidate. Fervent soutien de François Fillon pendant la présidentielle, elle était confrontée à la même problématique d'âge que M. Senard.
" Il aurait fallu changer les statuts il y a dix-huit mois, là, ça ferait bidouillage ", juge-t-elle.
En 2013, de telles méthodes n'avaient pas effrayé Laurence Parisot, alors présidente de l'institution de l'avenue Bosquet, à Paris. Souhaitant rempiler pour un troisième mandat à la tête du Medef en dépit des statuts, il lui avait manqué une voix pour les modifier à quelques mois de l'échéance.
Pour M. Senard, l'affaire semble entendue :
" En l'état, je ne peux donc pas être candidat. " Comment dès lors pourrait-il se lancer ? Une option serait que M. Gattaz démissionne avant la fin de son mandat en juillet, provoquant une élection anticipée avant l'anniversaire du patron de Bibendum en mars. Interrogé sur ce point, M. Senard paraît, là encore, fermer la porte :
" Il y a sûrement d'autres solutions, ce n'est pas à moi d'en décider. " L'actuel président du Medef, lui, exclut cette possibilité.
" J'ai été élu pour une mission de cinq ans, je respecterai cet engagement jusqu'à la fin de mon mandat ", a tweeté M. Gattaz, lundi soir, peu après la publication de l'entretien sur Internet.
" Au pied du mur "Cette sortie de M. Senard ne doit pourtant rien au hasard.
" Il met le Medef au pied du mur : il ne veut pas se retrouver otage des conneries de Gattaz si ce dernier décidait de changer les statuts ", estime un pilier de l'organisation. D'autant que le 11 décembre le comité exécutif du Medef – sa direction élargie – doit se prononcer sur ce sujet. Pour un proche de M. Gattaz, c'est maintenant
" une question de volonté politique, le juridique suivra ".
Il y aurait, pourtant, selon certains, une porte de sortie possible pour sauver les apparences. La pirouette ? Avancer la date du scrutin tout en maintenant la prise de fonctions du futur dirigeant en juillet. Il y aurait alors un président élu et un autre en exercice pour quelques mois, comme aux Etats-Unis.
" Ce n'est pas possible : sauf magouilles, l'élection doit avoir lieu en juillet, s'indigne
un bon connaisseur des milieux patronaux.
Ce serait immédiatement cassé par les tribunaux. "
Cette éventualité n'a pas été évoquée par M. Senard, mais il prévient qu'il entend mener son mandat chez Michelin
" jusqu'au bout ", soit mai 2019. Ce qui ne poserait pas problème pour l'entourage de M. Gattaz, qui -rappelle que le patron de Radiall est toujours en activité mais que
- " diriger le Medef n'est pas pour autant une sinécure ".
Reste qu'ils sont nombreux à mettre en garde M. Senard : être candidat ne vaut pas forcément victoire. Il a certes un profil jugé consensuel mais aussi des han-dicaps : diriger un groupe du CAC 40 n'est pas forcément compatible avec une autre activité, ni avec la composition hétérogène du -Medef. La structure compte aussi bien des fédérations sectorielles que territoriales, où les PME comptent.
" Il y a une vraie -campagne à faire ", confirme-t-on dans l'organisation.
L'horizon pourrait cependant se dégager plus vite que prévu, faute de combattants crédibles. L'un de ses adversaires potentiels pourrait jeter l'éponge. Selon nos informations, le patron de la puissante fédération de l'UIMM, Alexandre Saubot, est un ami du président de Michelin et ne souhaiterait pas s'opposer à lui en cas de candidature. Resterait Geoffroy Roux de Bézieux, vice-président du Medef, qui ne cache pas ses ambitions.
Pour l'heure, ce dernier ne semble cependant pas disposer d'appuis suffisamment solides pour l'emporter.
" Si le conseil exécutif a recours à une manipulation ou à un changement de statut, il faudra voter, ça se transformera donc en plébiscite pour ou contre M. Senard et on saura donc finalement dès le 11 décembre qui a gagné ",prédit un membre du conseil exécutif.
Sarah Belouezzane et Raphaëlle Besse Desmoulières
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