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vendredi 10 novembre 2017

Contrôle des chômeurs : des premiers chiffres contredisent les idées reçues


10 novembre 2017..

Contrôle des chômeurs : des premiers chiffres contredisent les idées reçues

Sur 269 000 inscrits inspectés par Pôle emploi, 14 % ont été radiés

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C'est sans doute l'un des sujets qui alimentent le plus grand nombre de déclarations à l'emporte-pièce : les chômeurs profitent-ils de l'Etat providence en empochant des allocations sans chercher de travail ? Pour la première fois, des chiffres, collectés à l'échelon national par Pôle emploi, permettent d'objectiver le débat. Comme le révèlent Les Echos, dans leur édition du 9  novembre, 14  % des personnes inscrites à l'opérateur public, qui ont fait l'objet d'un contrôle destiné à vérifier si elles étaient bel et bien en quête d'un job, ont été radiées en  2016, faute d'avoir agi pour essayer de se faire embaucher. Des indications que le gouvernement va examiner à la loupe, puisque l'un des aspects de la réforme de l'assurance-chômage, en cours de gestation, vise précisément à renforcer ce type de contrôles.
A l'heure actuelle, la réglementation impose aux chômeurs d'effectuer " une recherche d'emploi active, concrète et justifiable au moyen de preuves ". S'ils rejettent " à deux reprises sans motif légitime une offre raisonnable - de poste - ", ils sont susceptibles d'être radiés des listes et de perdre leur allocation. L'expérience a cependant montré que ces dispositions étaient peu appliquées. Après une expérimentation lancée en  2013 dans plusieurs régions, Pôle emploi a généralisé, il y a deux ans, le contrôle de la recherche d'emploi : 215  agents, répartis sur l'ensemble du territoire, sont exclusivement tournés vers cette mission, le but étant " d'apporter une réponse de remise en dynamique à la recherche d'emploi, sans objectifs chiffrés de radiation ", selon la direction de l'opérateur.
Les vérifications se déroulent soit par requête ciblée, soit de manière aléatoire ou à la suite d'un signalement. Si la personne contrôlée n'accomplit pas " d'actes positifs et répétés " pour être embauchée, elle est susceptible d'être radiée des listes – pendant quinze jours, la première fois, puis de un à six mois s'il y a récidive. Les chômeurs qui perçoivent une allocation ne la touchent plus durant cette période, mais leurs droits à indemnisation sont rétablis, une fois la " punition " levée.
Des vérifications cibléesDe novembre  2015 à fin août 2017, le comportement d'environ 269 000 inscrits à Pôle emploi a été passé au scanner. Dans 86  % des cas, donc, aucune sanction n'a été prise car les intéressés prospectaient activement pour décrocher un job ou, s'il n'en allait pas ainsi, acceptaient de se remettre en mouvement, après un ou plusieurs échanges avec le contrôleur (conversations téléphoniques, courriers, mails…).
Les informations recueillies par Le Monde apportent des éclairages supplémentaires. Ainsi, s'agissant des personnes qui ont été radiées, 97  % d'entre elles l'ont été pendant deux semaines. Une fois " leur peine purgée ", 68  % des radiés se sont réinscrits à Pôle emploi. Parallèlement, 7  % des personnes " réprimandées " ont fait un recours contre la décision de radiation prise à leur encontre.
Le pourcentage de radiés est-il élevé ? Difficile de trancher sur ce point, estime Bertrand Martinot, ex-délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle. " Si le taux de 14  % avait été obtenu sur la base de contrôles exclusivement aléatoires, il pourrait être considéré comme significatif, analyse-t-il. Mais comme une partie des vérifications sont ciblées sur des catégories spécifiques, on ne peut pas vraiment porter d'appréciation. La réalité se situe entre le fantasme du chômeur-glandeur et le discours présentant l'inscrit à Pôle emploi comme une victime. "
Bruno Ducoudré, de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), défend un avis un peu différent. Il considère que les contrôles évoqués dans l'étude de Pôle emploi sont, pour une bonne part, " ciblés sur une population de demandeurs d'emploi spécifique dont le risque de démotivation est plus élevé ". " La proportion de prétendus “profiteurs” est donc très faible, et il s'agit en fait plutôt de personnes qui ont baissé les bras et qu'il s'agit de remobiliser, d'accompagner, poursuit-il. La très grande majorité des demandeurs d'emploi souhaite réellement travailler, et une part importante reste inscrite – et se réinscrit en cas de radiation – alors qu'ils ne touchent pas d'indemnisation chômage. "
L'une des questions soulevées par ces chiffres est de savoir quels enseignements en tirer. " Il faut sortir du secret statistique qui a prévalu jusqu'à présent, pour avoir une vision claire du phénomène, considère Bertrand Martinot. A-t-on principalement affaire à des personnes qui sont démotivées ? Ou y a-t-il beaucoup d'opportunistes qui cherchent à optimiser le système ? En fonction des constats, la réponse à apporter par les pouvoirs publics ne sera pas la même. "
Bruno Ducoudré, lui, s'interroge sur l'intérêt des actions de contrôle : elles n'auront, " au mieux, qu'un faible effet sur la reprise de la recherche d'emploi – pour les demandeurs démotivés que cela remet en selle – et très marginal sur le retour à l'emploi ". L'enjeu, à ses yeux, se situe davantage " dans le rythme des créations d'emploi pour résorber le chômage et dans l'amélioration de l'accompagnement et de la qualification des chômeurs, afin d'augmenter l'adéquation entre les besoins des entreprises et les compétences des demandeurs d'emploi ".
Bertrand Bissuel

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