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vendredi 3 février 2017

Le vrai et le faux sur le revenu universel en 4 points

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Le vrai et le faux sur le revenu universel en 4 points


Le véritable mérite du revenu universel est de simplifier les procédures et de supprimer les délais pour ceux qui en ont vraiment besoin.


03/02/2017 11:53 CET 

Marc FleurbaeyEconomiste, professeur à la Princeton University


ANTHONY BRADSHAW
Ce qui est vrai et ce qui est faux sur le revenu universel.
Le revenu universel, très vieille idée défendue par des penseurs de tous bords (de l'économiste américain Milton Friedman au philosophe belge Philippe van Parijs), commence à être discutée de plus en plus, mais est toujours accusée d'être impossible à financer. Rendez-vous compte, donner un chèque de 9000 euros par an (750 euros par mois, comme dans le projet initial de Benoît Hamon) à chacun des 50 millions d'adultes en France, c'est 450 milliards d'euros. Même si on ramène le montant à 600 euros par mois, proche du RSA pour une personne seule, on est encore à 360 milliards! Soit près de cinq fois le déficit actuel des finances publiques!
Le véritable objectif du revenu universel
Ce raisonnement, malheureusement quelquefois cautionné par les défenseurs du revenu universel, lorsqu'ils s'échinent à trouver des sources de financement originales, est tout à fait naïf. Le but du revenu universel n'est pas de donner un supplément de revenu à tout le monde, la plupart des gens n'en ont pas besoin. Non, le véritable mérite du revenu universel est de simplifier les procédures et de supprimer les délais pour ceux qui en ont vraiment besoin. Et surtout, de supprimer le principe selon lequel les pauvres doivent quémander leur pitance. Vivre décemment est un droit inconditionnel, non une charité qui se mendie. Il faut absolument cesser de traiter la pauvreté sur le mode policier, répressif et moralisateur. La pauvreté n'est pas une faute qui mérite suspicion, mais un malheur qui mérite solidarité et respect. ATD Quart Monde martèle ce message depuis des décennies, mais qui parmi nos politiciens si vertueux et si soucieux de ne pas laisser les pauvres profiter à mauvais escient de l'argent public, écoute les mots forts du Père Joseph? "Millions d'hommes, de femmes et d'enfants, dont les cœurs à grands coups battent encore pour lutter. Dont l'esprit se révolte contre l'injuste sort qui leur fut imposé. Dont le courage exige le droit à l'inestimable dignité."
L'ajustement de l'impôt sur le revenu
Revenons au revenu universel. Il faut simplement faire en sorte que l'impôt sur le revenu soit ajusté pour compenser le revenu universel perçu par ceux qui n'en ont pas besoin, à due proportion. De la sorte, le revenu universel est juste un calcul interne aux services fiscaux, et les plus fortunés ne voient aucun changement à leur situation. Aucun changement, donc aucun effet désincitatif. Seuls ceux qui sont au bas de l'échelle des revenus vont voir une différence quand l'impôt leur laissera tout ou partie du revenu universel. Pour que le fonctionnement soit le plus simple possible, il est préférable que l'impôt soit perçu à la source, de sorte que le service du revenu universel et le service des impôts se coordonnent pour éviter des séquences de versements-prélèvements inutiles. Appliquer le même taux fixe (par exemple 20% ou 30%) à tous les revenus, depuis le premier euro gagné, serait la formule la plus simple, même si certains trouvent que cela ne fait pas un impôt suffisamment progressif.
Le vrai coût du revenu universel
Sur cette base, que serait le vrai coût du revenu universel? La principale cause du coût supplémentaire est le passage du taux de non-recours, qui pour le RSA peut être très grossièrement estimé autour de 50%, à près de 0%. Dans ce cas, un revenu universel au niveau du RSA revient à doubler le coût du RSA, et comme le RSA représente environ 12 milliards d'euros, on aurait donc un coût supplémentaire équivalent. Mais si en plus on profite de l'opération pour revaloriser le revenu minimum d'environ 25% (pour approcher les 750 euros discutés récemment), on approcherait plutôt, en estimation haute, d'un coût supplémentaire de 20 milliards d'euros. C'est lourd, mais tout à fait gérable.
L'extension de la formule aux adultes de moins de 25 ans serait bien sûr plus coûteux, et a pu être estimé aux alentours de 40 milliards d'euros, faisant alors grimper la facture à près de 60 milliards. Mais si le revenu universel vient remplacer certaines allocations, alors la facture s'en trouve réduite d'autant. A terme, il serait en effet sensé d'employer le revenu universel pour remplacer nombre d'allocations qui engendrent des coûts de gestion et, là encore, une relation pénible et stigmatisante entre l'administration et les personnes défavorisées.
Le revenu universel est-il donc la panacée pour promouvoir l'insertion sociale? Malheureusement non. Il faut chercher d'autres mesures complémentaires, qui remédient aux imperfections de l'aide au revenu. Première chose: les jeunes ont besoin d'un coup de pouce plus important pour se lancer dans la vie, se loger, faire des études, monter un projet d'entreprise. Une aide en capital que seuls les fortunés reçoivent de leurs parents en dons ou héritage. Il faut donc faire en sorte que les héritages soient plus largement distribués et donner une aide en capital au début de la vie. C'est une idée défendue notamment par l'économiste britannique Tony Atkinson, qui vient malheureusement de nous quitter, et reprise récemment par Vincent Peillon au cours de la primaire.
Les avantages induits du revenu universel
Mais il n'y a pas que l'argent dans la vie, comme le note Emmanuel Macron dans son livre, à propos du revenu universel. L'insertion dans de bonnes relations sociales, la reconnaissance des autres, viennent aussi de l'exercice d'une activité. Or, précisément, le revenu universel peut libérer des énergies pour le travail associatif ou des activités artistiques peu rémunératrices, et jouer le rôle de subvention à une vie sociale plus épanouissante. Il peut aussi encourager la prise de risque et la création de petites entreprises. Mais cela n'élimine pas la nécessité de faire un effort spécial pour aller vers le plein emploi, et ne pas avoir peur de mobiliser les moyens de l'Etat pour accompagner les entreprises d'insertion, les secteurs qui embauchent, et pénaliser fortement les entreprises qui licencient pour augmenter leurs dividendes. Atkinson n'hésitait pas à envisager de donner à l'Etat un rôle d'employeur en dernier recours, ce qui n'est pas facile à organiser -les ateliers nationaux et autres camps de travaux forcés pour miséreux ont laissé de mauvais souvenirs- mais mérite d'être vu comme une partie d'un ensemble de mesures visant à déplacer le poids de la fiscalité vers d'autres sources que le travail.
Même si le revenu universel aurait un certain impact social, très appréciable pour assurer une meilleure sécurité et une plus grande dignité des plus démunis, il est regrettable qu'il attire autant les projecteurs et suscite autant d'arguments fallacieux. D'autres sujets, comme par exemple la réforme de la mission et de la gouvernance de l'entreprise (autre point du programme de Benoît Hamon), dont l'impact sur l'orientation de l'économie et les relations sociales serait bien plus sensible, mériteraient plus d'attention et de débats.
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